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Actualités - REPORTAGE

Le Zimbabwe, otage d’une idéologie figée dans le passé Antoine AJOURY

En 1980, l’ancienne Rhodésie du Sud prend son indépendance et devient le Zimbabwe. En ce temps-là, le président de la Tanzanie, Julius Nyerere, déclara à Robert Mugabe?: «??Vous héritez d’un bijou, prenez-en bien soin.?» Près de trois décennies plus tard, le «?grenier?» de l’Afrique australe est un pays en ruine. Déroute économique, misère, famine, violence… Le Zimbabwe est aujourd’hui un État délabré, où l’opposition est décimée, les médias muselés, la justice asservie, l’agriculture dévastée et les institutions inféodées au pouvoir en place. L’anéantissement de ce pays magnifique tient essentiellement à la mégalomanie de son chef, Robert Mugabe, un obsédé du pouvoir. «?Seul Dieu peut me retirer le pouvoir qu’il m’a donné?», avait prévenu, à la veille du second tour de l’élection présidentielle qui a eu lieu vendredi, le plus vieux chef d’État d’Afrique, 84 ans dont 28 à la tête du Zimbabwe. Lors du scrutin présidentiel précédant, Robert Mugabe avait déjà clairement affirmé à l’intention de son rival, Morgan Tsvangirai?: «?L’opposition ne gouvernera jamais ce pays, ni de mon vivant ni après ma mort. Je jure que mon fantôme viendra vous hanter.?» Pour se maintenir au pouvoir, un seul moyen?: la force. Violence verbale ou physique, poursuite en justice, prison et torture, agression individuelle ou massacre collectif, Robert Mugabe a utilisé et utilise toujours la violence sous toutes ses formes pour assouvir ses ambitions. Un jour de l’an 2000, il va même jusqu’à s’en féliciter en déclarant?: «??Je suis un diplômé en violence.?» La dernière campagne d’intimidation contre l’opposition ne déroge pas aux pratiques criminelles traditionnelles du régime de Harare. Les accusations de trahison, les arrestations arbitraires, les fraudes électorales sont devenues monnaie courante pour le dictateur zimbabwéen. Le courroux de Mugabe s’abat indifféremment sur ses anciens alliés, sur la population pauvre des bidonvilles de la capitale, sur les fermiers blancs ou sur les pays occidentaux, anciens colonisateurs en Afrique. Dix mille personnes ont été tuées lors de la guerre civile entre 1980 et 1988. La plupart des 4?000 fermiers blancs ont été expropriés et une dizaine assassinés suite à la réforme agraire à partir de 2000. Depuis 2005, dans le cadre de l’opération «?chasser la saleté?», près de 700?000 personnes ont été expulsées de la capitale, sans avoir d’autre lieu où se loger. À plusieurs reprises, Mugabe a été désavoué par la population, lors de referendums, d’élections législatives ou présidentielles. Mais à partir des années 90, l’autoritarisme du régime est accentué de manière ostentatoire. Mugabe ne se donne même plus la peine de sauver les apparences. Bien que la majeure partie de ses victimes soit les Zimbabwéens, il dirige ses critiques et ses attaques contre les «?démons blancs?» et l’Occident. Une rhétorique très usitée parmi les nationalistes africains lors de la période d’émancipation du colonialisme, mais qui a progressivement perdu son public. En effet, le discours politique fut pendant longtemps concentré sur les méfaits et les oppressions des colonisateurs. Et les différents «?pères?» de l’indépendance, dont Mugabe est l’exemple type, utilisèrent volontiers cette rhétorique, non seulement pour mobiliser les gens contre le colonialisme, mais surtout, plus tard, contre les opposants au pouvoir en place. Au nom de «?l’unité?» du pays contre les Occidentaux, la diversité idéologique et politique est anéantie. Au principe de pluralité s’opposera le principe d’unité, de monopole. Les partis d’opposition sont supprimés, laissant la place au parti unique et à une classe dirigeante formée par un groupe homogène qui contrôle tout, dans un régime totalitaire. Alors que plusieurs pays africains ont entamé, même timidement, leur transition démocratique, le Zimbabwe, lui, reste l’otage d’un dictateur sans scrupule et d’une idéologie figée dans le passé.
En 1980, l’ancienne Rhodésie du Sud prend son indépendance et devient le Zimbabwe. En ce temps-là, le président de la Tanzanie, Julius Nyerere, déclara à Robert Mugabe?: «??Vous héritez d’un bijou, prenez-en bien soin.?» Près de trois décennies plus tard, le «?grenier?» de l’Afrique australe est un pays en ruine. Déroute économique, misère, famine, violence… Le Zimbabwe...