Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

LA situation Rice et Aoun à Baabda, carrefour de stratégies régionales rivales Michel HAJJI GEORGIOU

C’est une fois de plus le palais de Baabda qui a été, hier, au centre de l’activité politique, placée sous le signe symbolique du retour. Le retour, c’est d’abord celui, tout à fait logique, des États-Unis au palais de Baabda, hier, après un boycott de la présidence de la République remontant à la prorogation, fin 2004, du mandat Lahoud, jugé anticonstitutionnelle par Washington, et à l’adoption de la résolution 1559. Trois ans durant, Lahoud avait été mis en quarantaine par les États-Unis, les visites d’officiels US étant principalement réservées au Sérail pour soutenir la majorité parlementaire et le gouvernement Siniora. La visite-surprise de la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, au président Michel Sleiman, marque dans ce sens une rupture avec la période qui a précédé l’accord de Doha, rupture déjà bien évidente avec le retour de la France plurielle autour de Nicolas Sarkozy au palais présidentiel, le 7 juin. Mais si l’attention est restée centrée sur l’arrivée de la diplomate américaine à Baabda, stupéfaction oblige, le palais a été hier le théâtre d’un autre « retour », celui d’un ancien maître des lieux, le chef du Courant patriotique libre (CPL), l’ancien Premier ministre Michel Aoun, pour un entretien focalisé, en principe, sur la répartition des portefeuilles. La visite était d’autant plus importante qu’elle devait être l’occasion pour le député du Kesrouan d’expliquer au chef de l’État ses récentes positions, concernant la formation du cabinet, jugées énigmatiques et interprétées par différents observateurs comme hostiles au président Sleiman ; de dissiper tous les malentendus. Condoleezza Rice Par-delà le symbole de la présence américaine au palais de Baabda, la visite de Condoleezza Rice au général Sleiman avait très certainement un caractère protocolaire. Le message était simple : les États-Unis aussi ont participé au processus international qui a conduit à l’élection du chef de l’État, il est donc tout naturel qu’ils se déplacent pour le féliciter, à l’instar de la France. Sur le plan politique, quatre sujets ont été évoqués, le principal étant la volonté américaine de déployer des efforts avec Israël et l’ONU pour recouvrer, par la diplomatie, les fermes de Chebaa et les placer sous tutelle internationale. Ce à quoi le président de la République a répondu en affirmant qu’il fallait les placer sous souveraineté libanaise, fort, dans son argumentation, de la découverte récente dans les archives officielles libanaises d’un document attestant la libanité des fermes, ce que le régime syrien continue d’occulter délibérément. La discussion a également porté sur la question des détenus libanais en Israël, qui devrait trouver une fin heureuse prochainement, selon les dernières informations. Il convient de signaler que ces deux sujets ont par ailleurs été au centre de l’entretien de Mme Rice avec les ténors du 14 Mars, qui ont encore une fois reçu une preuve du soutien que leur apporte Washington. D’autant que la visite de la secrétaire d’État américaine et sa réponse sur l’étiquetage du Hezbollah comme « organisation terroriste » par Washington, à l’issue de son entretien avec Nabih Berry ont été interprétées comme un message dont la teneur est la suivante : si l’offensive que vous avez menée les 7 et 8 mai visait à défaire, dans une perspective iranienne et khameneïste, l’Amérique au Liban, la voilà qui revient renouveler son soutien à la dynamique de l’État et aux institutions libanaises. Le signal américain, même s’il a suscité hier un certain scepticisme du côté de certains ténors de la majorité, est important dans la mesure où il contribuerait à enlever au Hezbollah les deux derniers arguments qu’il continue de brandir pour justifier le maintien de ses armes au nom de la Résistance. Il reste que, comme dit le proverbe bien de chez nous, « une seule main n’applaudit pas », et que la restitution des fermes de Chebaa suppose aussi une décision historique syrienne au niveau du tracé des frontières avec le Liban. Les trois autres sujets importants évoqués hier par Condoleezza Rice avec Michel Sleiman sont : les relations libano-syriennes, le soutien à l’indépendance, au régime démocratique et à la stabilité politique et économique du Liban, et finalement l’appui à l’armée. Concernant les relations libano-syriennes, il convient de noter que la secrétaire d’État US a adressé un message à la diplomatie française, en délimitant les constantes en vertu desquelles la communauté internationale peut rétablir des contacts avec Damas : reconnaissance de la souveraineté libanaise, échange diplomatique et tracé des frontières. Et il convient de préciser que cette déclaration fait suite à l’entretien entre les deux présidents américain et français, George W. Bush et Nicolas Sarkozy, à l’Élysée, le week-end dernier. Michel Aoun Au moment où Michel Sleiman serrait la main de Condoleezza Rice, le général Michel Aoun faisait antichambre au palais, attendant la fin de cette rencontre imprévue. La rencontre entre les deux hommes était d’autant plus importante que, lors de sa dernière déclaration, le chef du CPL avait déclaré que le chef de l’État ne devait pas nommer que des ministres chrétiens au sein du gouvernement, dans la mesure où cela conduirait à « neutraliser » la communauté chrétienne au sein de l’Exécutif, et que le président Sleiman devait piocher ses trois ministres au sein de chacune des trois « principales » communautés : chiite, sunnite et chrétienne. Dans la logique aouniste, cela reviendrait à dire que le président doit jouir d’une représentation nationale, tandis qu’il revient à la force politique chrétienne la plus importante à la Chambre, en l’occurrence le CPL, de nommer les ministres chrétiens. Le tout étant de parvenir à un accord, un gentlemen’s agreement, entre Baabda et Rabieh, pour une multitude de raisons liées à la sociologie politique et communautaire (esprit de corps militaire, intérêts de la communauté chrétienne, etc.). Le général Aoun a surtout insisté, à l’issue de la rencontre, sur le fait qu’il n’avait pas opposé de veto à Élias Murr en tant que ministrable, mais que le problème résidait « au niveau de la distribution des portefeuilles ». Or, selon des observateurs, le veto sur Élias Murr à la Défense serait motivé par deux raisons : d’abord, l’opposition estime qu’il est trop étiqueté 14 Mars pour faire partie des ministres du président Sleiman. Pourtant, ce dernier considérerait qu’en tant que ministre de la Défense, Élias Murr a été le principal moteur de la bataille de l’armée contre les terroristes de Nahr el-Bared l’an dernier. Ensuite, le Hezbollah considère qu’une telle personnalité, intransigeante, est trop indocile pour lui assurer le soutien dont il a besoin, s’agissant de la préservation de ses armes. Aussi préférerait-il s’assurer la désignation d’un ministre qui ne mettrait pas ses armes en danger. Ces mêmes sources précisent que c’est la raison pour laquelle le Hezbollah manipulerait le général Aoun pour l’inciter à s’opposer à Élias Murr, d’autant qu’après l’assassinat de Imad Moghniyé, le parti intégriste doit assurer ses arrières à travers le portefeuille de la Défense. Enfin, ces sources affirment que le général Aoun tenterait aussi, par la même occasion, de marchander la désignation de Élias Murr en échange d’une alliance électorale au Metn lors des prochaines élections. Tout cela pour dire que la visite d’hier à Baabda n’aura pas réglé grand-chose, même si le climat était positif. Si le CPL met en avant des raisons de représentation chrétienne pour justifier ses choix, d’autres sources, proches de la majorité, n’hésitent pas à dire que le Hezbollah tente de pousser Michel Aoun à prendre les devants, avec ses exigences, sur la question du gouvernement, pour retarder autant que possible la formation du cabinet. L’équation est simple pour le Hezb : le succès de Fouad Siniora et la formation d’une équipe ministérielle signifient que le dialogue national est imminent. Or, le dialogue débutera là où il s’était interrompu en 2006, c’est-à-dire par la question du monopole de la violence, et donc de l’utilité des armes du Hezbollah, surtout après le coup de force, le mois dernier, contre Beyrouth et la Montagne. Il s’agirait donc, pour le Hezbollah et pour l’Iran, son centre de décision, de temporiser et de déstabiliser en douce, surtout que l’option de la guerre est pour l’instant reportée, à l’échelle régionale, au profit des négociations de paix, en attendant trois échéances fondamentales : les législatives en Iran, la présidentielle aux États-Unis, et, last but not least, les législatives de 2009 au Liban.
C’est une fois de plus le palais de Baabda qui a été, hier, au centre de l’activité politique, placée sous le signe symbolique du retour.
Le retour, c’est d’abord celui, tout à fait logique, des États-Unis au palais de Baabda, hier, après un boycott de la présidence de la République remontant à la prorogation, fin 2004, du mandat Lahoud, jugé anticonstitutionnelle par...