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Actualités - OPINION

Le cèdre et son tronc

Je sors dans ces rues. Je m’y morfonds. Il se passe des jours où elles m’angoissent même, tellement elles semblent fermées. Je parle avec des gens. J’aimerais les écouter se taire. Son après son, ils exaspèrent l’atmosphère et polluent l’univers. Le silence n’est plus d’or. Même l’or n’est plus assez cher. On discutaille et on s’enfonce dans la banalité quotidienne des nuits de Beyrouth. Les verres s’entrechoquent et les rires fusent de toutes parts. La sincérité s’est cachée derrière une bouteille de whisky qui, du coup, a pris quinze ans d’âge. À la santé de tout et de n’importe quoi. À la mémoire de nos martyrs. Eux rient bien, là où ils sont. Grandeur et décadence… On boit, on mage. J’entends mal mes plats et je ne digère plus leurs paroles. Le silence, quand il est, et ce une fois tous les trop longtemps, saute aux yeux et gêne directement un sourire qui s’empressera de le briser pour nous asperger d’humour accablant. La fumée de cigarette m’assourdit. Celle qui s’égosille à dire notre rébellion. Rebelle pour deux sous, qui se cache derrière des personnalités fantoches. On n’a plus qu’un seul avis : le leur… Je quitte ces rues, ces restos, ces cafés. Je me réfugie dans le dernier antre d’apprentissage. Des murs qui renferment un savoir trop longtemps su et qui n’intéresse plus aujourd’hui que ceux présents dans les livres. Une université, champ de bataille où s’affronte des couleurs imbéciles et des drapeaux sans saveur. Même là, l’ennui me pourchasse, et si grand tu es, tu fléchiras pour te fondre dans une masse boueuse, société de demain qui parlera pour toi et pour ne rien dire, dernier bastion. Ouverture des horizons bouchés. Les bruits m’écœurent, les goûts m’assourdissent et le monde m’étouffe. C’est le Liban qui m’accueille chaque soleil et que je pleure chaque soir. Un Liban qui n’a plus que des allures de mythe démystifié. Un cèdre trop élagué dont on ne voit plus que le tronc, souvenir d’une majesté d’antan… Jean Georges PRINCE
Je sors dans ces rues. Je m’y morfonds. Il se passe des jours où elles m’angoissent même, tellement elles semblent fermées. Je parle avec des gens. J’aimerais les écouter se taire. Son après son, ils exaspèrent l’atmosphère et polluent l’univers. Le silence n’est plus d’or. Même l’or n’est plus assez cher.
On discutaille et on s’enfonce dans la banalité...