Humeur L’énergie du désespoir Carla HENOUD

Avant, la terre tremblait sous nos pieds, même à des kilomètres des lieux de l’attentat… Le cœur s’emballait, peur, panique, tristesse, révolte, les questions se bousculaient. Où, qui, combien ? Il fallait un moment pour faire son deuil, calmer sa peur. Un mois, puis, au sixième attentat, une semaine, puis deux jours, puis une journée… Aujourd’hui, tout comme hier, les réflexes sont revenus au moment de l’explosion. L’angoisse d’abord, à calmer. Tout le monde est repéré, tout notre petit monde est en vie. Ouf… Ce ne sera pas pour cette fois-ci, pensons-nous cyniquement. Juste le temps d’évoquer ces pauvres innocents qui étaient au mauvais endroit, au mauvais moment, sans plus vraiment s’attarder sur toutes ces vies brisées qui vont avec et, très vite, le quotidien reprend sa place. Avec, en soi, une amertume qu’aucun arôme ne pourra effacer. Une nausée qui ne cesse de grandir au gré des discours mégalomanes, terroristes et piégés. Aussi violents que ces engins qui explosent au visage des Libanais. On nous aura ôté des êtres irremplaçables, notre révolte, notre optimisme, notre conviction que seules la vérité et la justice auront raison de tous ces événements et de tous ces criminels. On nous aura ôté l’élégance des discours politiques, la présence et le rayonnement des vrais politiciens. Il nous reste l’énergie du désespoir… Elle peut, dit-on, faire bouger des montagnes et fleurir de nouveaux printemps…