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Actualités - CHRONOLOGIE

RENCONTRE Signature aujourd’hui de « Mourir, partir, revenir. Le jeu des hirondelles » à la Librairie Antoine, ABC Achrafieh, à partir de 18h00 Zeina Abirached fait la paix avec nos petites guerres

Son regard débordant de sensibilité et son dessin, à la fois tendre et acéré, ont fait partie des « Belles étrangères » (elle a même réalisé l’affiche officielle de l’événement). Parmi 12 écrivains libanais, Zeina Abirached a représenté à sa façon minimaliste le talent « bédeiste » local et sa propre version d’une guerre qui n’était pas que violence et morts. Avec son nouvel album « Mourir, partir, revenir. Le jeu des hirondelles », qui a déjà fait le tour de la France et enchanté le public et la presse spécialisée, elle revient sur des souvenirs teintés de petits bonheurs. Petits bonheurs de ces terribles années de guerre dont elle n’aura bien heureusement retenu que le meilleur. « Grâce à certaines personnes et d’infimes détails, c’était aussi des années privilégiées... » Le monde de Zeina Abirached a souvent pris la forme et le paysage de sa rue Youssef Semaani, puis ceux de sa maison au visage amical des voisins et de la famille. Après [Beyrouth] Catharsis et 38, rue Youssef Semaani parus aux éditions Frédéric Cambourakis, la jeune graphiste se penche à nouveau, comme pour un arrêt de plus, sur des images longtemps retenues en elle. En effet, il aura suffi qu’elle s’éloigne géographiquement du pays (elle réside en France depuis 4 ans) et de cette enfance sacrée, pour que des mots et des histoires ressortent. Spectres pas encore effacés, fantôme joyeux d’un passé où l’extraordinaire, l’absurde vécu au quotidien, semblait tout à fait « normal » et presque gai. Il aura également suffi qu’un jour d’avril 2006 sa grand-mère apparaisse sur le site Internet de l’Institut national de l’audiovisuel, témoignant devant ses yeux étonnés, dans un reportage tourné à Beyrouth en 1984, pour que l’évidence, la nécessité de « faire quelque chose de cette chair de poule », la hante. Lorsque sa grand-mère dira aux journalistes : « Vous savez, je pense qu’on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité ici », les émotions de Zeina saisissent la phrase presque magique au vol. « Cette femme, qui a toujours refusé de répondre à mes questions concernant la guerre, a fait irruption, comme ça, dans ma vie et, en quelques mots, a réveillé toutes ces années que je portais en moi. » Un livre est né Point d’amertume ni de nostalgie à l’égard de ces années difficiles, mais « tellement de tendresse pour tous ces gens qui ont rendu mon enfance plus belle » et avec qui toute ressemblance n’est point fortuite. « Je suis née pendant la guerre, précise Zeina, j’ai pris ces événements pour une forme de normalité. Ma génération a hérité d’une guerre, elle en est sortie trop jeune pour pouvoir participer à la reconstruction. J’ai eu envie d’arrêter cette victimisation des Libanais. De montrer leur vie intime, de l’ordre du minuscule. Cette guerre hors champs où il n’y a pas eu que des malheurs, mais des éléments constructifs et positifs. C’était pour moi vital de faire ce travail de mémoire et d’offrir ce témoignage. » Dix mois auront à peine suffi pour qu’images et souvenirs qui se bousculent prennent forme dans des cadrages souvent serrés où les dessins, les textes, les silences et les bruits sont suggérés. La solitude, l’attente, l’amitié, la peur et les lendemains de peur trouvent leur place dans une page noircie par un coup de crayon qui prend de plus en plus d’assurance et de maturité. « Le noir et blanc est intéressant, précise-t-elle, car il évite de surcharger l’image de choses inutiles et d’imposer des émotions ou une ambiance particulière. Je compose une image solide, j’espère avoir réussi à construire un langage. » Des heures d’attente « Les souvenirs me sont venus par paliers, graduellement, » se souvient l’artiste. Il en sera ainsi des textes et des dessins… Installé dans une unité de lieux, un tout petit carré, l’entrée de l’appartement, et une unité de temps, une longue soirée d’attente, le récit, étalé sur 188 pages, est truffé de détails, tant graphiques qu’affectifs où nos petites guerres dans leur quotidien prennent la forme d’un témoignage rythmé, presque cinématographique, empreint de justesse et de légèreté. La presse française a applaudi les qualités techniques du travail de Zeina Abirached en ces termes : « Un dessin chorégraphié et un choc typographique. L’utilisation prodigieuse des noirs et blancs, les effets de répétition, le jeu des onomatopées sonores transforment cet album en petit théâtre d’une humanité de papier découpé. » Mais les Libanais retrouveront aussi dans ces pages et dans ces cases des fenêtres ouvertes sur leurs souvenirs les plus intimes et un supplément d’émotion. Absurdes mais pour nous habituels, le téléphone ouvert en attendant une ligne qui ne viendra jamais, les queues interminables aux stations d’essence, les « départs-arrivées » des obus, les lignes de démarcation, le « camping gaz » et une vie en communauté où l’intimité n’avait plus de place, mais où la sécurisante tendresse comblait ce manque de liberté. Absurde enfin ce titre inspiré d’un graffiti sur un mur, non loin de la maison de Zeina, signé d’un mystérieux Florian et qui peine encore à s’effacer, comme le passé. Édité à 6 000 exemplaires qui sont pratiquement épuisés, une réédition est en cours, Mourir, partir, venir. Le jeu des hirondelles fera partie de la sélection officielle du 35e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, qui se tient du 24 au 27 janvier 2008. « Les lieux qu’on habite finissent par nous habiter », conclut Zeina Abirached avant de repartir et puis, on l’espère, de revenir avec de nouvelles aventures à savourer en souriant. Carla HENOUD
Son regard débordant de sensibilité et son dessin, à la fois tendre et acéré, ont fait partie des « Belles étrangères » (elle a même réalisé l’affiche officielle de l’événement). Parmi 12 écrivains libanais, Zeina Abirached a représenté à sa façon minimaliste le talent « bédeiste » local et sa propre version d’une guerre qui n’était pas que violence et morts....