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Liban - En toute liberté

Allégeances

Ils sont si nombreux à faire des déclarations que l'un d'eux au moins, dans chaque crise, finit par dire la vérité, ne fût-ce que par inadvertance Cette fois, c'est le ministre d'État pour le Développement administratif, Ibrahim Chamseddine, qui a prononcé le mot-clé. À la veille de la séance de franche explication sur les écoutes téléphoniques qui s'est tenue au Sérail, Chamseddine a déploré qu'au sein de l'administration, l'allégeance des grands commis de l'État n'aille pas, justement, à l'État, mais à des personnes, voire à « des camps ». Le mot-clé dans cette déclaration est le terme allégeance.
C'est le cancer qui ronge l'administration et l'empêche de se constituer une identité propre, une identité nationale et non plus partisane ou communautaire. On ne dira jamais assez le tort immense que la politisation de l'administration inflige au pays et l'une des clés de notre redressement consistera certainement à dépolitiser l'administration, à la déclientéliser pour la mettre au service de tous.
L'exemple le plus éclatant et le plus immédiat de la « communautarisation » de l'administration, ce sont ces caisses dont on se dispute les budgets. Une caisse aux chiites, une autre aux druzes, une troisième aux sunnites, et ainsi de suite. C'est la privatisation de l'argent public, son usage discrétionnaire au service du clientélisme politique, confondu avec le clientélisme communautaire.
Certes, on pourrait y voir une forme de décentralisation administrative compatible avec le principe du développement équilibré des régions, si des comptes étaient rendus au Trésor sur la manière dont l'argent a été dépensé. Hélas, l'absence d'un contrôle rigoureux des dépenses publiques, la prévarication sont si courantes au Liban que ces comptes ne seront jamais fiables, tant que ces pratiques ne seront pas vigoureusement réprimées. Et ce qui pourrait être qualifié de décentralisation administrative ne mérite finalement d'être décrit que comme un pillage éhonté des ressources publiques à des fins clientélistes.
Du reste, entendre Walid Joumblatt conseiller à Fouad Siniora de payer et d'en finir en dit long sur la manière qu'ont les caisses de voler au secours les unes des autres. On pourrait l'accepter, au nom du pragmatisme, ça reste une honte.
Le pire, c'est que la tendance à l'éclatement de l'administration en camps s'aggrave. C'est certainement là l'un des effets pervers de l'accord de Doha. Entendu, cet accord a de bons côtés, puisqu'il a mis fin à une crise politique de deux ans. Mais il a abouti à la défaite du principe démocratique de l'alternance et à un partage paralysant du pouvoir, comme l'a noté il y a deux semaines le patriarche maronite. Il a aussi débouché sur un éclatement de l'administration en camps rivaux.
C'est cet éclatement que l'on a constaté tout dernièrement encore avec la crise des écoutes téléphoniques, entre un ministre trop zélé qui veut appliquer la loi à la lettre et des services de renseignements irrités de voir leurs mains ligotées par des procédures légales, alors que leur efficacité dépend de la rapidité de leurs analyses.
Cet éclatement s'est même étendu à l'armée, un pan de l'administration qui, jusqu'à présent, était relativement à l'abri de la polarisation politico-confessionnelle. C'est ainsi que les adjoints régionaux du directeur des renseignements militaires, Edmond Fadel, un excellent élément, ont été nommés en fonction des allégeances politiques prédominantes dans leurs régions respectives : au Sud, un homme proche du Hezbollah, au Nord, un autre proche du Courant du futur. Il s'agit d'un accommodement à la réalité politique, peut-être, mais ce n'est pas ainsi que s'édifient les institutions, et certainement pas l'armée, où l'allégeance absolue à l'institution militaire a été, jusqu'à présent, de règle.
Tout comme l'armée est menacée par cette allégeance partisane, la Banque du Liban l'est aussi, dont l'excellent gouverneur, Riad Salamé, n'est pas, dit-on, dans les bonnes grâces du Premier ministre.
Or nous avons dans l'armée et la Banque du Liban deux des rares institutions qui tiennent encore le Liban debout. Redisons-le donc : ce n'est pas ainsi que s'édifient les institutions. C'est même comme ça que, peut-être, elles s'effritent.
Ils sont si nombreux à faire des déclarations que l'un d'eux au moins, dans chaque crise, finit par dire la vérité, ne fût-ce que par inadvertance Cette fois, c'est le ministre d'État pour le Développement administratif, Ibrahim Chamseddine, qui a prononcé le mot-clé. À la veille de la séance de franche explication sur...
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