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Actualités - CHRONOLOGIE

Un peu plus de... Schizophrénie franco-libanaise Par Médéa Azouri Habib

Il y a trois semaines, un grand nombre de Libanais étaient rivés sur leur poste de télé pour savoir qui de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal remporterait les clés de l’Élysée. On avait délaissé la politique locale pour s’intéresser à celle de notre deuxième pays, qu’on soit français sur le papier ou français de cœur… Aujourd’hui, la France s’interroge sur le style Sarkozy – très ressemblant à celui de Kennedy –, sur son short, sur son footing, ses vacances sur un yacht, sa famille recomposée et, de temps en temps, sur les législatives. Les Français regardent les stars monter les marches du Festival de Cannes, se demandant si les mannequins ont leur place sur le tapis rouge au milieu des meilleurs cinéastes du monde, si Tarantino n’a pas trop déliré dans son dernier film et qui va remporter une deuxième Palme… Les Libanais aussi regardent la télé. Tard la nuit. Se demandant si tout le monde est sain et sauf, si un nouvel attentat aura lieu, si le conflit de Tripoli va s’étendre, si l’été sera une fois de plus pourri. Les Libanais regardent aussi la télé, d’autres télés et voient ce tapis rouge plein de paillettes et de glamour, cette mer propre et ce ciel azuré au-dessus de la Croisette, se demandant pourquoi le mot vacances, employé ailleurs pour définir les mois ensoleillés, est-il remplacé par l’expression cessez-le-feu chez eux. Les Français écoutent et adorent Mika, l’invitent sur les plateaux télés, le téléchargent sur Internet et dansent sur ses chansons. Les Libanais se demandent si finalement Mika va oser venir en août, si Shakira sera là le 11 juillet. Les Français découvraient mardi dernier les premiers épisodes de la saison 3 de Grey’s Anatomy alors que les Libanais s’endormaient bercés par l’incessant et angoissant va-et-vient des sirènes d’ambulances. Les Français écoutent Christophe Willem et son nouvel album, soutiennent Julien de la Nouvelle Star, font la queue pour apercevoir Beyoncé à Bercy, éclatent de rire devant Florence Foresti et ses imitations de Madonna, louent un DVD et mangent un « pan bagnat »… Les Libanais écoutent des chants patriotiques sur les stations radio, mettent des fleurs à côté de leur nom sur MSN, soutiennent l’armée libanaise, éclatent en sanglots devant les images de l’ABC ou celles de Verdun, éteignent leur télé et n’ont pas assez d’appétit pour manger leur « shawarma »… Les Français râlent, les Libanais ont peur. Alors les Libanais oublient, en regardant parfois les Français, leurs programmes télé, leurs chanteurs, leurs clips et leurs émissions politiques. Les Libanais zappent entre Marcel Ghanem et Jean-Luc Delarue, entre Feist et Feyrouz, entre RFI et la Voix du Liban, entre Voici et L’Orient-Le Jour. Ils zappent, les Libanais, comme ils l’ont toujours fait… C’est bien le zapping, ça donne l’illusion de conjurer le sort, de contrôler l’image, de fermer les yeux, de s’envoler ailleurs. On aimerait juste ne plus avoir à changer de chaîne.
Il y a trois semaines, un grand nombre de Libanais étaient rivés sur leur poste de télé pour savoir qui de Nicolas Sarkozy ou de Ségolène Royal remporterait les clés de l’Élysée. On avait délaissé la politique locale pour s’intéresser à celle de notre deuxième pays, qu’on soit français sur le papier ou français de cœur… Aujourd’hui, la France s’interroge sur le style...