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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE Pour le maestro Wojciech Czepiel, «les Libanais ont la musique dans le sang»

Plus de sept ans que les mélomanes libanais l’applaudissent. De Brahms à Schubert en passant par la surjouée Marche de Radetsky de Strauss-père, plus de cinquante concerts pour Beyrouth et le plaisir des amateurs de musique symphonique. Le maître des cérémonies est maestro Wojciech Czepiel, le plus Libanais des Polonais! De l’Académie de musique de Cracovie où il poursuit sa carrière de direction d’orchestre avec voyages et concerts à l’étranger (le dernier était à Bonn pour le «Beethoven Fest» diffusé par la Deutsche Welle) au pays du Cèdre où il est un régulier hôte de marque, un «guest star» pour diriger l’Orchestre symphonique national libanais: voilà le portrait d’un musicien qui se dit, en toute humilité, «simple passeur du génie des compositeurs»… Rencontre donc avec l’homme pour mieux connaître le chef d’orchestre… Wojchiech, un prénom peu familier aux Libanais. «Celui d’un premier archevêque tchèque de Prague…», confesse-t -il en riant un peu. Les traits fins, les cheveux blonds et lisses, les yeux d’un bleu de porcelaine, le timbre de la voix calme, le teint clair jusqu’à la pâleur, Wojiech Czepiel, qui a gardé quelque chose de l’enfance, c’est-à-dire, une certaine spontanéité, une certaine transparence, s’exprime en anglais. Un anglais aux intonations polonaises! «Et comment communiquez-vous avec les musiciens libanais?» est une question naturelle quand on sait que notre orchestre est composé de Hongrois, de Roumains, d’Ukrainiens, de Russes, d’Arméniens et de Libanais. Grand sourire avant de répondre: «Il ne faut pas beaucoup parler pour diriger un orchestre… Conduire, c’est montrer la dynamique du tempo. C’est montrer comment jouer. Les mots aident mais ne remplacent pas la direction… Par ailleurs, je parle d’autres langues, le polonais bien sûr, mais aussi un peu de russe.» Féru de Mozart, Schubert, Beethoven et Brahms, (Chopin bien entendu, en bon Polonais, mais lui n’a pas beaucoup écrit des œuvres symphoniques), Wojciech Czepiel porte dans son cœur, outre cette brochette de compositeurs allemands, surtout la musique de Bruckner. «Une musique ni triste ni gaie, sans références littéraires. C’est simplement de la grande musique pure…», dit-il. Et comment a débuté cette aventure libano-polonaise? «Tout remonte à novembre 1999, explique Czepiel, à l’époque où le Dr Walid Gholmieh cherchait un chef d’orchestre européen. Antoni Wit de Varsovie m’a recommandé. Je suis resté d’abord une semaine au Liban, j’ai écouté des répétitions de l’Orchestre symphonique national libanais et j’ai été conquis. Depuis, j’assure à peu près sept concerts par an ici…». Vingt CD dans les bacs À quarante huit ans, l’absolue maturité pour un chef d’orchestre qui se situe dans la tranche de 45-65 ans, marié et père de cinq enfants,Wojcieh Czepiel a à son actif plus de 20 CD dans les bacs, englobant des enregistrements, entre autres, de Paderewski (Fantaisie pour piano et orchestre), Lutoslawski, Stachovski, et de jeunes compositeurs polonais tels que W. Zych. Comment cerner un chef d’orchestre? Quelles seraient ses qualités pour révéler les trésors sonores d’une partition? Czepiel ramasse ses idées et dit: «Je suis le gardien de la musique des autres. Je suis un dépositaire qui a à charge les écrits des compositeurs. Je suis le serviteur de leur inspiration. Ils étaient des génies et nous les chefs d’orchestre sommes de simples travailleurs. C’est certainement un plaisir de faire vivre une musique sans oublier qu’on n’en est pas le signataire. C’est un très beau service qui me remplit de fierté, certes, mais qui n’est connecté à aucun pouvoir. Quant aux qualités d’un chef d’orchestre, elles sont plutôt diverses; tout d’abord jouer d’un instrument de musique. Pour ma part, je dois mon amour du violon, que je manie bien, à mon père qui était professeur de violon! C’est-à-dire cela suppose être déjà un musicien. Ensuite, il faut aimer travailler en solitaire, surtout pour le déchiffrage de la partition. Une partition qui doit être fouillée de fond en comble. Une partition qui doit être bien comprise et surtout sentie. C’est un travail qui ressemble à celui d’un acteur qui s’imbibe d’un texte pour incarner un rôle ou camper un personnage. Absorber une partition jusqu’aux moindres silences est le mot-clé pour pouvoir lier harmonie et mélodie. Il y a certainement un savoir-faire. Cela m’a pris vingt cinq ans pour pouvoir lire une partition. Il faut par ailleurs avoir aussi la vocation de “leader” dans la vie, c’est-à-dire expliquer et persuader les autres pour faire de la musique. Et pour cela aimer être avec les gens, leur parler, les mener aux bords où vous êtes. Et cela est difficile à combiner: être ferme et amical à la fois. Pour moi, il y a deux sortes de chef d’orchestre; le premier je l’assimile à un “coach” des interprètes. C’est alors de la bonne musique, mais sans précisions. Mais le meilleur serait de mélanger les deux et c’est dans ce registre que je place des maîtres tels que Haitink, Guilini et Solti…». Quel rapport a aujourd’hui le maestro Czepiel avec le public libanais qui se presse tous les vendredis soirs à l’église Saint-Joseph depuis sept ans pour l’applaudir? «C’est un public merveilleux, répond le maestro, car mon meilleur dernier souvenir est celui de la symphonie de Brahms en ces mêmes lieux. Jeu magnifique pour une très belle palette de couleurs avec tant d’émotions, de ferveur d’écoute… Public aussi remarquable car il aime la musique. Regardez, par exemple (et cela n’arrive pas partout de la même manière réussie!), quand il y a la Marche de Radetsky comment le public est toujours dans le tempo pour les applaudissements. Les Libanais ont la musique dans le sang…». Encore un rendez-vous vendredi dernier, sous l’ombrelle exclusive de Mozart, comme une consolation à un pays qui n’en finit plus de panser ses blessures, avec Wojciech Czepiel qui célèbre le génie de Salzbourg. Un moment pour jeter aux orties ce qui tracasse, attriste et atterre. Un moment d’évasion, un moment de bonheur. Avec Mozart sous une baguette aux aguets, une baguette qui se fond à la lumière, à l’air, à l’eau, au feu et à la vie, nul vacarme de rue, nulle clameur, nul chaos ne sauraient assombrir l’horizon. Edgar DAVIDIAN
Plus de sept ans que les mélomanes libanais l’applaudissent. De Brahms à Schubert en passant par la surjouée Marche de Radetsky de Strauss-père, plus de cinquante concerts pour Beyrouth et le plaisir des amateurs de musique symphonique. Le maître des cérémonies est maestro Wojciech Czepiel, le plus Libanais des Polonais! De l’Académie de musique de Cracovie où il poursuit...