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Actualités - CHRONOLOGIE

INSTALLATION - Chez Zico House (Spears), jusqu’au 16 décembre Jean-Marc Nahas, ou la mémoire intemporelle de la peur

Se distendre, sortir de la toile pour construire et gérer un espace, tels sont les objectifs de Jean-Marc Nahas qui se traduisent par cette installation interactive au titre si prémonitoire, « Catastrophe ». Elle se déroule tous les jours, de 17h00 à 21h00, jusqu’au 16 décembre, chez Zico House (Sanayeh). Ce projet prévu avant la guerre devait se tenir au Hangar Umam à Hart Hreik et, pour les raisons que nous connaissons tous, il a été reporté à une date ultérieure. Comme dans d’autres projets de Umam, Zico et son House y étaient associés. C’est pourquoi, aujourd’hui, celui-ci a ouvert les portes à l’installation de l’artiste. «Catastrophe» n’a donc rien à voir avec la récente agression meurtrière israélienne et encore moins avec les derniers événements que traverse le pays. Comme quoi un artiste est vraiment la boussole du pays et ses œuvres en sont le pouls. C’est après avoir vécu les violences d’une première guerre libanaise que Jean-Marc Nahas décide de poursuivre des études de beaux-arts à Paris puis de s’installer au Canada. De retour au Liban, il y a dix ans, il ne cesse de traduire ses frustrations, ses pulsions et ses émotions sur des espaces picturaux. Le dessin (7 heures par jour) a été salvateur. Sa manière à lui d’exorciser les démons de la guerre. Comme une prémonition... «Catastrophe» s’inscrit encore une fois dans ce besoin vital de l’artiste de s’évader du cadre de la toile, mais également d’agresser par des dessins de figures bestiales, tableaux sombres reflétant ses peurs et ses angoisses. Gris et noirs, les oiseaux, thème récurrent dans ses œuvres, en papier ou en carton, accrochés par des fils de fer, envahissent l’espace et assaillent le regard. Ils tracent le chemin à parcourir tout en l’entravant. Ces volatiles, à l’instar du film Birds de Hitchcock projeté au fond de la salle, créent une ambiance schizophrénique. En effet, les lumières tamisées, placées de sorte à mettre en évidence les panneaux accrochés au mur, aimantent la vue. En vignettes, comme dans une bande illustrée ou la pellicule d’un film, ces croquis faits compulsivement à l’encre et au crayon feutre renvoient à des images très fortes ancrées dans nos mémoires. Des images de la violence et de la bestialité des hommes. Souvent, bêtes et humains s’y confondent par leurs yeux exorbités et leur laideur. Pour s’approcher de ces dessins, il faut se frayer un chemin et repousser les oiseaux qui ne cessent de revenir dans une oscillation pendulaire. C’est probablement de cela dont il s’agit dans «Catastrophe» (de l’étymologie «cata», qui signifie mouvement de haut en bas): un va-et-vient sur un passé toujours occulté et pas encore enterré. De la claustrophobie Dans cette tentative qu’il dit encore inaboutie, Jean-Marc Nahas fustige le renfermement sur soi, le rétrécissement et le confinement de l’homme. Plus particulièrement celui du Libanais dans son quartier, sa maison, voire dans son âme. Les oiseaux sont les assaillants, les initiateurs de la claustrophobie hitchcockienne, mais ils sont également un désir d’envol, de liberté et d’ouverture vers le monde. Fragmentée, éclatée, l’œuvre de Jean-Marc Nahas casse le cadre par besoin d’absolu et de soif de vie. C’est comme si les panneaux, les oiseaux accrochés et le film projeté devenaient une grande toile gigantesque, indissociable. Cet amoureux de la non-violence, respectueux de chaque être qui vibre, sollicite, par cet assaut d’images venues de toutes parts, le regard mais également la mémoire. Tel un archiviste, l’artiste a rassemblé dans son installation nocturne les angoisses et les peurs vécues durant la guerre. Les mettant à nu, il en devient le témoin à travers ce travail. Cette œuvre, génératrice d’émotions et non porteuse de messages, devient donc le reflet de ce vieux film remis en action, mais vu vingt ans après. «L’idée de moraliser ne m’effleure même pas, j’ai voulu par contre, dit J.-M.N., faire sortir le spectateur de son confinement pour aller au-delà de l’objet, de la matière et des limites castratrices. Avec lui je tâtonne, pour briser l’autisme culturel et social et toucher enfin à l’essentiel.» Colette KHALAF

Se distendre, sortir de la toile pour construire et gérer un espace, tels sont les objectifs de Jean-Marc Nahas qui se traduisent par cette installation interactive au titre si prémonitoire, « Catastrophe ». Elle se déroule tous les jours, de 17h00 à 21h00, jusqu’au 16 décembre, chez Zico House (Sanayeh).

Ce projet prévu avant la guerre devait se tenir au Hangar Umam à...