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Tatiana Primak-Khoury interprète Beethoven à la salle Batlouni (Achrafieh) Un jeu souverain et fougueux

Rien que du Beethoven. De ses trente-deux sonates, écho de ses espoirs, de ses déceptions et de sa douleur, on écoute ici, dans ce cycle de concerts réservé au maître de Bonn, les quatre grandes sonates. Et les plus célèbres. Derrière les touches d’ivoire, à la salle Batlouni (faculté des sciences de la santé de l’Université de Balamand), Tatiana Primak-Khoury, dont le talent et l’interprétation ne sont plus à présenter au public. Un univers sonore des plus somptueux, où déferlements romantiques, éclats rougeoyants de la passion, cri de désespoir et mélancolie aux abords d’une douce rêverie sont au rendez-vous des mélomanes. Les pianophiles chevronnés, venus nombreux applaudir cette belle prestation, dans une salle flambant neuf, ont été littéralement comblés. Comblés par ces pages resplendissantes de beauté et de richesse sonores, servies par une interprète au-dessus de tout éloge, au jeu souverain et fougueux… Et cela en dépit d’un Yamaha à l’accord douteux, notamment dans la moitié des aigues qui ont eu souvent des tonalités aigrelettes… Dans une tenue sobre, Tatiana Primak-Khoury est l’incarnation de la simplicité, avec un talent au clavier qui ne laisse guère l’auditeur indifférent. Quatre sonates de Beethoven, donc, sous ses doigts, d’une agilité et d’une souplesse remarquables, pour un jeu où ni technicité haut de gamme ni sensibilité, ni qualité du toucher, de la respiration d’ensemble et du sens de la nuance n’ont fait défaut. Un excellent savoir-faire jusqu’aux moindres silences… Les premiers accords mordants de la Pathétique (sonate n° 8 en ut mineur op 13) ont lumineusement résonné dans une salle au public religieusement recueilli. Premiers accords qui ont donné le ton foncièrement romantique, fiévreux et ténébreux à cette belle et longue narration beethovenienne, avec un concert qui débute à 20 heures précises et se termine à 22 heures, sous les applaudissements d’un public ravi et d’une pianiste épuisée par sa performance. Une sonate sublime, dédiée à Haydn, avec un allégro impétueux, précédé d’un grave inquiet sans oublier un adagio cantabile d’une délicieuse expressivité. Virtuosité et bravoure pour cet allégro con brio final en forme de rondo qui a médusé l’auditeur par sa légèreté vive bien qu’en tons mineurs. Place ensuite Au clair de lune (sonate n° 14 op 27 appelée aussi Quasi une fantasia) dont le titre-phare bien « poétique » revient au poète Relistab. Un Adagio sostenuto qui s’attarde, avec une extrême lenteur sous les doigts de la pianiste, sur une rêverie obstinée et mélancolique. Une rêverie qui ouvre la voie royale à un «dire» pianistique aux langueurs des plus éminemment romantiques. Après ces premières mesures un peu au ralenti, s’abattent les vagues torrentielles d’un attacca à l’orageuse violence d’une rafale de pluie, d’une vélocité à couper le souffle. Narration impérieuse d’une grande puissance, où la véhémence de la mélodie secoue souvent l’auditeur avec un éveil en sursaut, et parfois même l’emporte vers des rives de liberté absolue tout en gardant le grondement des notes couvert comme un feu qui couve sous la cendre… Petit entracte de cinq minutes et La tempête (sonate n° 17 op 31) hautement «shakespearienne» et volcanique a des reflets incandescents pour la belle fureur d’un clavier déchaîné. Un largo imprévisible, un adagio à la mélodie virevoltante et un allegretto aux martèlements haletants: voilà l’essence, volatile mais pénétrante, d’une saisissante harmonique qui tord le cou aux langages faciles... Pour conclure en apothéose, l’Appassionata (sonate 23 op 57). Une œuvre passionnelle, dramatique, tout en cris et rage de vivre. Une œuvre qui a tout pour garder sous sa coupe un auditoire déjà totalement sous l’emprise du puissant souffle de Beethoven. Un allegro assai aux interrogations furtives et angoissées, un andante paradoxalement bouillonnant avec un attacca rapide et brûlant comme la foudre et un dernier presto aux chromatismes éblouissants et d’une vertigineuse rapidité. Salve d’applaudissements pour une pianiste qui plonge avec émerveillement dans la musique. Gerbe de fleurs pour Tatiana Primak-Khoury qui tire la révérence avec un sourire radieux. Pour ceux qui se promettaient un bis, l’on dira qu’une telle performance, vouée avec cet engagement total et profond exclusivement au maître de Bonn, dans un répertoire aussi périlleux et ardu, n’est pas une mince affaire... Edgar DAVIDIAN

Rien que du Beethoven. De ses trente-deux sonates, écho de ses espoirs, de ses déceptions et de sa douleur, on écoute ici, dans ce cycle de concerts réservé au maître de Bonn, les quatre grandes sonates. Et les plus célèbres. Derrière les touches d’ivoire, à la salle Batlouni (faculté des sciences de la santé de l’Université de Balamand), Tatiana Primak-Khoury, dont...