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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Propos de fête

Pour sa première apparition publique (et même mégapublique) depuis la guerre de l’été, tout un chacun était suspendu à ses lèvres hier. Et en faisant appel à toute sa bonne volonté, à toutes ses réserves d’optimisme, on trouvera bien quelques signes d’ouverture, sinon tout à fait de renouveau, dans la harangue prononcée hier par Hassan Nasrallah devant l’énorme foule rassemblée sur le tragique Ground Zero de la banlieue sud de Beyrouth pour célébrer la divine, historique et stratégique victoire du Hezbollah. C’est à cet impératif de confiance dans l’avenir, d’ailleurs, que s’est astreint le Sérail en relevant l’aspect constructif de ce discours. Que Nasrallah ait enlevé la partie ne doit plus faire le moindre doute pour personne. Le chef du parti de Dieu est incontestablement aujourd’hui la figure la plus populaire depuis Nasser auprès des masses arabes, soudain débarrassées d’un cuisant complexe : celui de l’impuissance face au mythe de l’invincibilité d’Israël. D’avoir effectivement opposé une héroïque résistance à la déferlante militaire ennemie, d’avoir infligé des pertes relativement importantes à l’assaillant suffit-il donc pour qualifier de victoire un résultat se traduisant par la réoccupation du Sud jusqu’au fleuve Litani, les centaines de martyrs, les énormes destructions, la ruine d’une économie déjà défaillante ? Il semble futile désormais de revenir sur un débat qui, dès les premiers instants de la guerre, a profondément divisé les Libanais. Ce clivage est appelé à persister. Car entre les critères d’évaluation retenus entre tenants du triomphe et ceux du cataclysme, se dresse une incompatibilité totale, absolue, définitive : il y a là deux planètes différentes, ce qui est tout de même stupéfiant pour un pays aussi minuscule que le nôtre. À défaut de trancher ce débat, les Libanais sauront-ils le dépasser, ne serait-ce que pour parer à des désastres futurs ? Oui, si la coûteuse victoire du Hezbollah, l’immense prestige qu’en a récolté son chef – mais aussi la pacification de la région frontalière sud, où continue de se déployer la Finul – se conjuguent pour aiguiller ce parti sur la voie de l’intégration, de la légalité étatique : ayant fait ses preuves sur le terrain, le Hezbollah ne peut plus s’autoriser, sans risquer de dilapider son immense crédit, de nouvelles aventures. Et non, si ayant cessé par la force des choses de se mesurer à Israël, le Hezbollah se consacre à la conquête du pouvoir. C’est vrai que dans son discours, Hassan Nasrallah s’est vivement défendu de toute considération communautaire ou sectaire, qu’il s’est dit plus que jamais disposé au dialogue, qu’il a souligné qu’aucun des groupes spirituels du Liban ne peut imposer sa volonté à tous les autres. Mais par-delà l’insistance de Nasrallah à réclamer la formation d’un gouvernement d’union nationale (incluant forcément – et substantiellement sans doute – la minorité demeurée fidèle à la Syrie), c’est le concept de l’État fort qui menace de tourner au cercle vicieux. C’est sur un axiome éminemment discutable que repose l’argumentation du Hezbollah : l’État actuel ne protège pas les gens, c’est nous qui nous en chargeons. Or si la pugnacité et les capacités militaires de ses combattants ne sont plus à démontrer, on doit à la vérité de constater que le Hezbollah n’a pas précisément protégé les populations impitoyablement matraquées par l’ennemi et chassées de leurs foyers. De même, et en dépit une fois de plus de sa phénoménale capacité de résistance, ce n’est pas le Hezbollah cette fois-ci qui a bouté l’occupant hors du sol national, mais la volonté internationale, et aussi les fiévreux efforts déployés tous azimuts par ce même gouvernement libanais qu’il s’évertue à dénigrer. N’accepter de livrer son arsenal qu’à un État fort c’est, de surcroît, retarder indéfiniment l’émergence d’un tel État : c’est pérenniser le schisme d’un État dans l’État ; et c’est ôter toutes ses chances, toute sa raison d’être au dialogue national que de ne vouloir l’engager qu’en pleine possession de son formidable armement. Divine, la victoire ne le sera véritablement que si on laisse s’ouvrir les esprits à l’inspiration céleste. Ces choses étant dites, on applaudira sans réserve à la rude leçon qu’a faite Nasrallah aux gouvernants arabes, plus préoccupés de sauvegarder leur pouvoir que de faire face aux spoliateurs de la terre. Il n’a pas craint d’embarrasser ainsi les plus proches de ses alliés, et même peut-être de faire rougir les nombreux pèlerins venus d’outre-frontière pour participer à la fête. Car ce n’est certes pas au sultanat d’Oman, à Djibouti ou à la Somalie qu’il revient de se décarcasser pour libérer le Golan occupé. Issa GORAIEB

Pour sa première apparition publique (et même mégapublique) depuis la guerre de l’été, tout un chacun était suspendu à ses lèvres hier. Et en faisant appel à toute sa bonne volonté, à toutes ses réserves d’optimisme, on trouvera bien quelques signes d’ouverture, sinon tout à fait de renouveau, dans la harangue prononcée hier par Hassan Nasrallah devant l’énorme...