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Les lecteurs ont voix au chapitre

Une leçon de vie Quel silence! Le paysage est surréaliste : un quartier entier de la capitale complètement détruit, désert à l’infini, fumant encore par endroits, dégageant les odeurs de la mort mêlées à celles des détritus, émergeant de l’enfer, sous un soleil de plomb. Nous sommes le lundi 14 août. Il est 7h50. Soudain, venu de je ne sais où, le bourdonnement incroyable de la vie se fait entendre. Quelques minutes seulement après la proclamation du cessez-le-feu sous les auspices des Nations unies, une marée humaine déboule, mêlant sa joie aux larmes, hurlant entre deux accolades des «hamdellah al-salameh». Une dame voilée, la petite quarantaine, fend la foule silencieuse et contemplative. Elle escalade prestement une pyramide de souvenirs. À mains nues, elle creuse, soulève difficilement quelques pierres, ne répond guère aux interpellations. Et puis soudain, elle se relève, essuie son beau visage baigné de sueur et exhibe son trophée en lançant fièrement : «J’ai retrouvé le livre de chimie de ma fille!» Le calant bien contre son cœur, elle dévale la pente raide, affichant au coin des larmes un radieux sourire. Puis elle disparaît. Quelle dignité, quelle leçon de vie! Quelle leçon d’avenir de la part de ceux qui ont tout perdu, tout sauf leur foi. C’était hier, à la banlieue sud. L’un des multiples visages de Beyrouth la rebelle. Personne, devant l’infinie étendue du désastre, n’avait la force d’en pleurer. Alors, comme cette magnifique femme voilée, tirons une leçon de vie, de survie. Et ayons la force de sourire. May SALHA Elle est belle, la victoire ! Trente-quatre jours d’horreur. Trente-quatre jours de tueries barbares. Trente-quatre jours d’angoisse, de peur, de bombes. Trente-quatre jours de destructions aveugles. Plus de 1000 tués. Des centaines d’habitations réduites à un tas de gravats. Des milliers d’étrangers et de nationaux fuyant le pays. Des milliers de Libanais sans travail. Des familles décimées, séparées, appauvries. Une saison estivale tuée dans l’œuf. Des festivals annulés. Une mer polluée pour au moins plusieurs mois. Des millions d’étrangers qui suivent heure par heure les développements de la situation chez nous, alors que nous espérions une publicité bien plus touristique que le récit détaillé de nos horreurs. Pour couronner le tout, et dès la promulgation du cessez-le-feu boiteux, on lave de nouveau le linge sale en public, à coups de discours télévisés et autres talk-shows. Je me sens personnellement blessée quand on parle de victoire. Y a-t-il seulement victoire à l’issue d’une guerre ? Les Libanais sont bien placés pour savoir que non. Il est indécent de parler de victoire quand elle a pour prix le sang des innocents, la destruction d’un pays, et, par-dessus tout, le coup fatal donné à son moral et à son capital confiance dans le monde. Elle est belle, la victoire ! Elle est belle de laisser pour la énième fois un Liban exsangue, malade, blessé, éventré. Elle est belle, la victoire, qui apprend à nos enfants l’horreur que nous avons vécue avant eux et que nous avons naïvement cru pouvoir leur épargner. Elle est belle, la victoire, qui laisse un goût amer à la vue du travail de toute une vie réduit à néant. Joumana DEBS NAHAS
Une leçon de vie

Quel silence! Le paysage est surréaliste : un quartier entier de la capitale complètement détruit, désert à l’infini, fumant encore par endroits, dégageant les odeurs de la mort mêlées à celles des détritus, émergeant de l’enfer, sous un soleil de plomb. Nous sommes le lundi 14 août. Il est 7h50. Soudain, venu de je ne sais où, le bourdonnement...