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Jiyeh ne compte pas baisser les bras

À 400 mètres d’altitude au-dessus du village de Jiyeh (Iqlim el-Kharroub), loin des regards, se trouve une carrière monstrueuse, qui a grignoté une grande partie d’une montagne jadis verte. Des habitations ont été construites à proximité de la carrière, au sommet de la montagne. À vol d’oiseau, les plages de Jiyeh, si fréquentées actuellement par les touristes et les baigneurs libanais, ne sont pas si loin. L’hiver, la vallée sert de lit pour un fleuve durant six mois au moins. Et c’est là, dans ce site désolé mais encore entouré de vert, dans cette région peuplée, proche du nouveau campus de l’Université arabe, que le gouvernement compte construire l’une des deux décharges consacrées au Mont-Liban et Beyrouth. Dès que des informations ont fait état du choix de Jiyeh pour la décharge, des voix de députés de la région et de ministres s’étaient élevées pour exprimer un refus catégorique de cette éventualité, étant donné que la décharge publique de Naamé ne se trouve pas si loin. Mais, à la surprise générale, lors du dernier Conseil des ministres, une approbation de principe a été donnée pour le plan préparé par le CDR et proposé par le ministre de l’Environnement, entérinant par le fait même, plus ou moins, le choix de Jiyeh. Pourquoi ce revirement ? « Nous sommes aussi étonnés que vous de ce changement de discours, déclare Georges Azzi, président du conseil municipal de Jiyeh. On nous avait assuré plusieurs fois que ce site serait épargné. Nous avons récemment contacté les députés de la région, mais nous n’avons pas obtenu de réponse convaincante. Ils ont parlé de pressions, de difficultés... » M. Azzi assure qu’il est hors de question d’accepter cette décharge comme fait accompli. Interrogé sur cette question, le député Mohammad Hajjar assure qu’il reste hostile à l’implantation d’une décharge à Jiyeh. « Mais on ne peut pas fuir non plus nos responsabilités et laisser les déchets inonder les rues des villes », ajoute-t-il. Voilà pourquoi il déclare avoir effectué une tournée auprès de plusieurs responsables et administrations, dont le Premier ministre Fouad Siniora, le CDR, le ministère de l’Environnement... « J’ai voulu me faire une idée précise du plan conçu, dit-il. Je voudrais exposer bientôt une vision complète du traitement des déchets et la proposer en tant que député. » M. Hajjar rappelle que les ministres appartenant à son bloc, la Rencontre démocratique, n’ont approuvé que le « principe » du plan proposé. « Le ministère de l’Environnement considère que ce site est l’un des meilleurs, mais la population va subir les désagréments de cette décharge, poursuit-il. Dans les études que nous avons pu consulter, on nous donne une image parfaite du projet, mais nous n’avons pas confiance dans l’application des textes. J’ai en effet bien peur que les critères ne soient pas respectés. » Mais pour M. Azzi, rien ne justifie le choix de Jiyeh pour une décharge, et il n’a pas de mots assez durs pour condamner cette décision. « Jiyeh est devenu une région touristique avec quelque 18 plages très fréquentées, est-ce en y plaçant une décharge qu’ils encouragent le tourisme ? se demande-t-il. De plus, il y a des milliers de personnes qui habitent dans les environs, avec toutes les villes proches. Elles vont toutes être affectées. » Le plus grave, c’est qu’on a déjà imposé à Jiyeh une centrale électrique. « Le fuel qu’on utilise sans aucun contrôle dans cette centrale pollue l’air de la ville, souligne M. Azzi. Si l’on y ajoute les poisons qui se dégageront de la décharge et qui seront probablement charriés par l’eau et par l’air, le mélange des deux sera catastrophique pour la santé des habitants, comme nous l’a indiqué un expert venu d’Australie. » Il se déclare par ailleurs convaincu que toutes sortes de déchets, dont ceux des abattoirs, se retrouveront dans la décharge, comme cela avait été le cas dans le passé. Pourquoi Jiyeh, d’après lui ? « Nous nous posons la même question, dit-il. Peut-être qu’ils nous considèrent comme le maillon faible, sans protection politique suffisante. Mais ils se trompent parce que nous allons tous protester, habitants et municipalités, contre ce projet, quels que soit l’opinion des hommes politiques et les deals conclus. » M. Azzi révèle que les deux fédérations des municipalités de l’Iqlim Nord et de l’Iqlim Sud se sont déjà solidarisées pour empêcher ce projet d’aboutir. « Vous verrez bientôt, dans tous les villages, des bannières avec des messages hostiles à l’établissement d’une décharge dans la région », ajoute-t-il. Selon lui, l’escalade est très probable, et des mouvements de protestation pourront être envisagés si le choix du site se confirme définitivement. Mais il faut bien que les décharges soient situées quelque part, et celle de Naamé est déjà sursaturée. « Même le directeur général du ministère de l’Environnement a admis, au cours d’un débat télévisé, que la décharge de Naamé a été une catastrophe, répond M. Azzi. Pourquoi veulent-ils multiplier les catastrophes dans le pays ? Cela faisait des années qu’ils parlaient de la saturation de Naamé. Ils auraient eu le temps d’adopter des méthodes modernes plus saines, sans se limiter seulement aux décharges qui devraient accueillir toutes sortes de déchets. N’auraient-ils pas pu débourser un budget supplémentaire pour protéger la santé des gens ? » L’alternative, pour lui, aurait pu être le tri à la source et le compostage, « une possibilité très réaliste », ajoute-t-il. À noter que le terrain suggéré est d’une superficie de 200 000 mètres carrés. Il s’agit d’une propriété privée relevant des anciens propriétaires de la carrière en question, et il devrait être exproprié en vue de l’établissement de la décharge.
À 400 mètres d’altitude au-dessus du village de Jiyeh (Iqlim el-Kharroub), loin des regards, se trouve une carrière monstrueuse, qui a grignoté une grande partie d’une montagne jadis verte. Des habitations ont été construites à proximité de la carrière, au sommet de la montagne. À vol d’oiseau, les plages de Jiyeh, si fréquentées actuellement par les touristes et les...