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La stratégie de l’absurde

Sayyed Hassan Nasrallah vient d’exposer les grandes lignes de sa stratégie de défense du Liban. L’exposé est clair, simple et précis. Et c’est là que réside, à notre avis, la véritable force du Hezbollah. C’est dans l’expression claire, simple et précise de ses idées, et non pas dans les 12 000 ou 15 000 missiles dont il disposerait. Le sayyed est la véritable force de la Résistance islamique. Son exposé s’articule autour de principes simples. Face à une armée supérieure en hommes et en matériel, la meilleure défense est la force populaire secrète. Le Hezbollah possède la force militaire, l’appui populaire et le bénéfice du secret, car il est l’une des organisations les plus « fermées ». L’équilibre de la terreur instauré des deux côtés de la frontière du Sud réside dans la conviction des deux parties en cause que les fruits récoltés grâce à une quelconque initiative militaire seraient nettement inférieurs aux résultats engendrés par la riposte de l’ennemi. Ainsi donc, grâce au Hezbollah, le Liban s’est enfin doté d’une force de dissuasion capable de juguler les élans guerriers de l’ennemi. Même si le Hezbollah est conscient de la limite de sa puissance de feu face à la machine de guerre ennemie, il semblerait parier sur l’opinion publique israélienne, qui refusera de voir des civils se précipiter dans les abris, des hôpitaux évacués, des écoles fermées suite à des chutes de missiles sur le nord du pays. Elle se dressera contre tout gouvernement qui serait à l’origine d’une telle situation. Vu sous cet angle, le sayyed a raison d’affirmer que la Résistance est une force pour le Liban. Mais à deux niveaux au moins, la stratégie du parti de Dieu n’est pas convaincante. Premièrement, au niveau de la prise de décision. Par son alignement systématique sur les positions syro-iraniennes, par l’appui inconditionnel que lui apportent la Syrie et l’Iran, par son positionnement politique interne dans le camp prosyrien plutôt que dans le camp souverainiste, le Hezb laisse planer un doute sérieux sur les véritables motifs de son militarisme. S’agit-il réellement de défendre le Liban ou bien n’y a-t-il pas également d’autres intérêts à défendre ou d’autres causes à servir ? Il est de notoriété publique, et le Hezb ne s’en cache pas, que la Syrie et l’Iran apportent aux institutions de la Résistance islamique un appui financier et logistique. Le « qui donne ordonne » ne s’appliquerait-il pas au pays du Cèdre ? Deuxièmement au niveau de la « capacité de souffrance ». La machine de guerre israélienne pourra, pour éviter un face-à-face avec le Hezbollah, s’acharner sur l’arrière-pays, provoquant un scénario semblable à celui de 1975 s’articulant autour de l’exode massif et de l’effritement de l’appui populaire à la Résistance palestinienne, accusée d’être la cause du malheur. Le gouvernement israélien a démontré à plusieurs reprises sa capacité à faire face à son opinion publique quand il s’agit de prendre des décisions difficiles. Le dernier exemple en date étant le démantèlement de certaines colonies dans le Sinaï et à Gaza. Tel-Aviv pourra par conséquence faire face, pour un temps certes limité, à la grogne éventuelle de l’opinion suite à des chutes de missiles sur le nord du pays ; sans oublier le sentiment d’« union sacrée », qui a toujours prédominé dans les périodes de crise surtout quand l’armée est en campagne. En face par contre, on assistera inéluctablement à une crise ouverte entre ceux qui voudront soutenir la Résistance et ceux qui appelleront à l’arrêt des hostilités ; surtout quand ces derniers seront convaincus qu’ils sont en train de payer pour les autres. Sayyed Nasrallah a le mérite de poser le problème de la défense du Liban, même si les réponses qu’il apporte vont, à notre avis et involontairement, à l’encontre des intérêts du pays. Et qu’on cesse de se lancer des anathèmes, comme continue à le faire le président Émile Lahoud en répétant à longueur de journée que ceux qui œuvrent pour le désarmement de la Résistance complotent contre le pays. Nous ne sommes ni des comploteurs ni des conspirateurs. Nous sommes aussi patriotes que quiconque. Et nous sommes convaincus que l’existence de troupes armées, Résistance ou milice, en dehors du cadre des institutions légales, ne peut être que néfaste pour le pays. Entre une « Jamahiriya » et une République démocratique, notre choix est fait depuis longtemps. Quant à la stratégie de défense du pays, nous pensons qu’elle devra s’articuler comme suit : – respect de la convention d’armistice signée en 1949 ; – renforcement des troupes de la Finul et élargissement de leur zone d’action pour couvrir toute la frontière du Sud ; – renforcement des capacités défensives et offensives de l’armée libanaise, notamment au niveau des missiles sol/sol et de la défense antiaérienne ; – création d’un service secret spécial, réservé aux combattants de la Résistance qui ont prouvé leur efficacité dans ce domaine ; – création d’une brigade spéciale composée d’éléments de la Résistance. L’argument avancé par sayyed Nasrallah selon lequel le Liban pourra tirer profit de la faiblesse de ses institutions en prétextant son incapacité de mettre un terme aux agissements de la Résistance est, pour le moins que l’on puisse dire, inefficace. Le Hezbollah aurait-il rejoint les rangs de ceux qu’il continue à railler et qui jadis affirmaient que « la force du Liban est dans sa faiblesse » ? Le Liban s’est effondré parce qu’il a manqué d’un État fort, capable d’assumer son rôle de cuirasse du pays. La force d’un État n’est pas seulement dans ses capacités militaires. Elle est également et avant tout dans le rassemblement de son peuple autour de ses institutions, dans la primauté du droit, dans le fonctionnement de ces mêmes institutions et dans l’intérêt que lui porte la communauté internationale. Comment peut-on dénoncer la corruption et le confessionnalisme, qui maintiennent la République dans un état d’affaiblissement, et en même temps « philosopher », dans des documents de « pause-café », sur la nécessité du maintien des armes du Hezbollah ? La corruption et le confessionnalisme sont deux obstacles majeurs à l’avènement d’un État de droit. L’armement hors du cadre des institutions légales n’est que l’élément caché du triangle du mal. La stratégie de défense du Liban doit obligatoirement passer par l’instauration d’un État de droit capable d’assumer son rôle de cuirasse pour la défense de tout le territoire. Sinon, la force du Liban continuera à être dans sa faiblesse, quel que soit le nombre de missiles hezbollahis. Raymond NAMMOUR Côte d’Ivoire
Sayyed Hassan Nasrallah vient d’exposer les grandes lignes de sa stratégie de défense du Liban. L’exposé est clair, simple et précis. Et c’est là que réside, à notre avis, la véritable force du Hezbollah. C’est dans l’expression claire, simple et précise de ses idées, et non pas dans les 12 000 ou 15 000 missiles dont il disposerait. Le sayyed est la véritable...