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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - Adaptation et mise en scène de Lina Abiad* Les aventures de Geha le facétieux à la LAU

Les planches du théâtre Gulbenkian de la LAU accueillent, à partir de ce soir, un personnage hautement coloré, un personnage moitié fou, moitié sage, dont on a dit qu’il est « tellement intelligent qu’il en devient bête, ou il est si bête qu’il finit par dire des choses intelligentes ». On a nommé Geha, Nasreddine pour les uns ou Johjoh pour les autres, tantôt idiot, tantôt sage, toujours facétieux, il nous fait toujours sinon rire, du moins sourire, par sa naïveté feinte ou son sens de l’absurde, qui tourne en dérision l’arrogance, l’orgueil, la vanité et la bêtise des puissants et des riches aussi bien que des ignorants qui s’ignorent. « Il peut être grave, sérieux ou absurde, souvent taquin et rusé », indique Lina Abiad, qui signe l’adaptation et la mise en scène de la pièce « Geha ». Ce soir, demain samedi 13 et dimanche 14, puis du 18 au 21 mai, à 19h. Abiad, qui est connue pour s’attaquer à des sujets sérieux, tels que la condition humaine, les prisons, la cause des femmes, se laisse prendre dans cette « major » production au jeu du rire. Le rire libérateur. « Déjà, l’année dernière, j’avais monté un texte de Youssef el-Khal et je l’avais transformé en pièce de famille intitulée En marge de Kalila Wa Doumna. J’avais beaucoup aimé le rapport et la présence des enfants dans le public. » C’est à la demande de sa fille qu’elle s’est inspirée des histoires de Geha. Pourquoi lui ? « Tout monde connaît une histoire de Geha, s’exclame le metteur en scène. Les personnages qu’il campe ou ses protagonistes (souvent issus du milieu rural) proviennent de tous les milieux sociaux : du prince au mendiant, de l’érudit à l’ignorant, le politicien comme le prêtre, le marchand comme le client, le jeune comme le vieux, le riche comme le pauvre, etc. Ses histoires drôles et moralisantes sont assez courtes et acérées, véhiculant le plus souvent des sous-entendus philosophiques ou des connotations ésotériques. Selon les pays et les époques, ses histoires ont subi les transformations les plus diverses. » Dans les textes européens, par exemple, il est extrêmement subversif, il a une relation très provocante avec la religion et le sexe. Dans les textes arabes, il ne l’est pas. La célébrité du personnage dépasse les siècles, les générations et les âges. Si ses facéties ont été publiées pour la première fois en turc vers la fin du XVe siècle, elles sont inspirées des facéties arabes d’un certain Djeha, qui aurait vécu au Xe siècle. Par ailleurs, on y retrouve des influences indiennes, persanes, voire grecques. Geha est connu dans tous les pays musulmans et ceux qui ont été sous influence islamique. On le connaît du Maghreb en passant par le Liban, la Turquie, l’Afghanistan, l’Iran, en Mongolie et au Caucase. En remontant vers le nord de l’Europe, en Bulgarie, en Albanie et en Yougoslavie. « Pour certains, il a réellement existé, pour d’autres, il est fictionnel. On peut même visiter sa tombe en Turquie. Ce sont quatre colonnes, entre elles une porte avec une clé et une serrure. La tombe possède un trou à travers lequel Geha continue à observer le monde. Et à rigoler. Et, paraît-il, dès qu’on s’approche de cette tombe, on se met irrésistiblement à rire. » « C’est un homme très simple. Mais dans sa simplicité, il arrive toujours à tirer son épingle du jeu. Il pose un regard très frais sur le monde. » Cette petite anecdote résume bien cet esprit : un jour, une dame lui demande combien de temps il lui faut pour arriver au prochain village. Geha répond : marche. La dame s’énerve. Lui repose la même question. Impassible, Geha rétorque : marche. Excédée, la dame s’exécute. Alors Geha lui dit : « À ce rythme-là, il te faut trois heures pour arriver au prochain village. » Pour cette adaptation, Abiad a lu aux alentours de 1 100 histoires de Geha. Et notamment des livres de Jean-Louis Maunoury, Jihad Darwiche, Leonardo Sciascia, Idres Shah, Jean Dejeux et Inea Buchnaq. « Nous avons travaillé à la manière des acteurs de la commedia dell’arte : chaque histoire est considérée comme un synopsis que les acteurs développent à partir d’improvisations ». Ensuite, il fallait trouver un lien qui paraisse naturel et logique entre ces historiettes. Quarante personnages (joués par 27 comédiens) gravitent dans une scénographie librement inspirée de l’architecture arabo-musulmane. L’action se déroule dans une ville arabe. Il fait nuit et Geha sort pour chercher de la halwa, sa friandise préférée. Une journée emblématique de la vie de Geha se déroule alors. « Ce spectacle est un double hommage, indique Abiad. Hommage à ce personnage facétieux, naïf et philosophe, dont l’esprit subversif sait tenir tête au conquérant tartare Timur Lenk, mais aussi un hommage à deux grands comédiens dont les personnages me rappellent Geha : Chouchou et Nabih Abou el-Hosn, alias Akhouat Chanaï (le fou de Chanaï) », conclut avec émotion le metteur en scène. Reste à souligner que cette comédie animée devrait plaire à un public jeune, à partir de 10 ans. Fiche technique Mise en scène : Lina Abiad Directrice de production : Hala Masri Scénographie : Hana Fakhoury Costumes : Claire Mechref Maquillage : Nabil Ammache Accessoires : Ghina Sibaï Affiches, brochures et billets : Lina et May Ghaibeh. Maya GHANDOUR HERT * Ce soir, demain samedi 13 et dimanche 14, puis du 18 au 21 mai. À 19h, au théâtre Gulbenkian. Billets à 5 000 et 10 000 L.L. au guichet du théâtre. Tél. 01/786464, ext. 1 172.
Les planches du théâtre Gulbenkian de la LAU accueillent, à partir de ce soir, un personnage hautement coloré, un personnage moitié fou, moitié sage, dont on a dit qu’il est « tellement intelligent qu’il en devient bête, ou il est si bête qu’il finit par dire des choses intelligentes ». On a nommé Geha, Nasreddine pour les uns ou Johjoh pour les autres, tantôt idiot,...