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RÉTROSPECTIVE - Exposition photographique à la crypte de l’église Saint-Joseph (USJ) Les Arméniens (1917-1939), ou quand les photos parlent…

Plus de 200 photos en noir et blanc traitées au sépia. Couleurs de terre, ocre et sanguine, qui renvoient à la dépossession, aux combats durs, aux renaissances difficiles. Aux souvenirs amers, mais aussi au courage, à l’héroïsme des humbles, à la détermination de vaincre l’adversité, au sens de l’indéfectible dignité humaine, à la force et la volonté de survie, de témoigner, de se défendre, de perpétuer tradition et patrimoine et surtout de ne jamais oublier pour mieux revivre. Plus de 200 photos, simples et émouvantes, pour parler non seulement du drame de l’exode et de l’exil des Arméniens entre 1917 et 1939, mais aussi de la notion de s’organiser pour renaître et savoir reprendre racine en profondeur. Sous le titre explicite «Les Arméniens (1917-1939), la quête d’un refuge au Proche-Orient», cette exposition, qui se passe de tout commentaire à la crypte de l’église Saint-Joseph (USJ) et un ouvrage qui la prolonge, est le fruit d’un partenariat entre l’Université Saint-Joseph et l’Union générale arménienne de bienfaisance, deux institutions qui furent fortement impliquées auprès des réfugiés arméniens sur le plan éducatif et caritatif. L’UGAB, qui fête cette année le centième anniversaire de sa fondation, a été parmi les premières institutions arméniennes à porter secours aux rescapés du génocide. L’USJ et la Compagnie de Jésus, à travers la Mission d’Arménie, ont également manifesté un dévouement de plus d’un siècle au service de l’éducation de la jeunesse arménienne, d’abord en Asie mineure, puis en Syrie et au Liban. Sans oublier de mentionner qu’une collaboration directe établie entre le département d’histoire (FLSH) et la Bibliothèque orientale, d’une part, et la bibliothèque Nubar de l’UGAB, de l’autre, a permis la réalisation de ces deux projets, avec le soutien de la Fondation Khatchik Babikian et des frères Terzian. Pour s’entretenir d’une sombre et anarchique tranche d’histoire, voilà ces photos aux regards impitoyables et à l’éloquence d’une objectivité absolue. Pour faire revivre un passé qu’on a tendance, aujourd’hui peut-être, à méconnaître, ignorer ou oublier. L’intégration des Arméniens dans leurs patries d’adoption, dans nombre de pays du Proche-Orient, est passée par plusieurs étapes, souvent douloureuses et difficiles, dont la mémoire tend à s’estomper. Avant de devenir citoyens libanais ou syriens à part entière, ils ont vécu l’expérience de tout réfugié déraciné, en quête d’un pays d’accueil. Des refuges, des orphelinats, des églises, des écoles ont été installés, parfois sous des tentes ou dans des baraques en bois, avant d’être édifiés en dur. La période de l’entre-deux-guerres a été pour les réfugiés arméniens comme un vaste chantier, au sein duquel ils ont œuvré pour la restauration de leur vie collective, à se bâtir un destin commun avec leurs pays d’accueil. Si aujourd’hui Bourj Hammoud, dans la capitale, est une artère commerciale florissante, ou Anjar une exquise bourgade de villégiature, presque huppée avec ses restaurants qui rivalisent avec ceux du Berdawni de Zahlé, les images de ces hauts lieux de la réussite arménienne, il y a déjà plus d’un demi-siècle, étaient moins intéressantes et bien moins flatteuses… Le drame de vivre De Moussa Dagh à Anjar, du départ de Yoghoun Olouk ou Sanjak d’Alexandrette à l’exode de la gare d’Adana, des vêtements triés par un prêtre au rapatriement en Cilicie, le drame de vivre est saisissant et impossible à décrire. Ces photos criantes de vérité et qui vous prennent à la gorge ont une singulière charge émotive. Elles ont la force pour tout dévoiler, tout dire. Cadre de vie nouveau et école de vie nouvelle pour ceux qui ont pris les chemins de l’exil en flux différents. Et comme souligné dans l’avant-propos de l’ouvrage, l’objectif de cette entreprise est de mettre en évidence cette obscure période fondatrice, une brûlante part de réalité qui, avec le temps, s’est insensiblement un peu transformée en part d’ombre : «Le présent ouvrage et l’exposition qui le prolonge visent à restaurer la mémoire de ces expériences fondatrices, à saisir sur le vif les problèmes auxquels ont été confrontés les réfugiés, à restituer leur quotidien. Ordonné en trois parties, le livre fait abondamment appel à la photographie qui constitue ici un élément documentaire central. Si celle-ci donne à voir des situations précaires – peut-être les plus précaires –, elle n’en est pas moins un témoignage objectif d’une réalité passée qui ne peut en aucune façon être ignorée. Plus encore, elle est une sorte d’hommage aux anciens, valorisant le chemin parcouru par la collectivité arménienne dans ses pays d’accueil. Beyrouth est indiscutablement la ville qui incarne le mieux l’intégration des Arméniens dans le monde arabe. On y trouve concentrées toutes les étapes de leur insertion. La capitale libanaise était, à ce titre, toute désignée pour accueillir, la première, l’exposition consacrée aux réfugiés arméniens au Proche-Orient (1917-1939) ». C’est avec sobriété et rigueur que sont exposées ces centaines de photos qui ne laissent nullement indifférent quant à l’intensité du drame humain et au vécu insoutenable de tout être déraciné. Mais par-delà ces images qui cravachent les consciences, même les plus assoupies, il y a cette belle série de portraits accrochés un peu indépendamment, dans une sorte de petite galerie en bois. Avédis, Astghig, Nichan, Harout, Berj, Vartouhi, Archalouiss, Baïdzar, Mardiros, Hamest, Mathilda, Arev, Araxie, Vahé, Haïg, Héraïr, Avédis, Maro, Berdjouhi…Autant de noms, autant de visages, de regards et d’expressions. De joie, de détresse, de peur, d’angoisse, de solitude, de désarroi, d’espoir, de force, de détermination… Une galerie de portraits où flotte l’essence de l’arménité à travers un chapelets de noms, certains portés disparus et que le temps, monstre insatiable, a engloutis à jamais. Que reste-t-il de ces images où l’humiliation, la misère et le combat contre l’adversité sont sans merci ? Les mains calleuses de ces brodeuses créant pourtant des dentelles d’une finesse extrême, de ce prêtre triant nerveusement les vieux vêtements, de ces ouvriers hâves et déguenillés, nouveaux damnés de la terre, couverts de boue dans un chantier en construction, de cette famille démunie et fourbue après une journée de labeur, souriant malgré tout à l’œil de la caméra? Non, il reste le front plissé et l’expression candide et un peu apeurée de la petite Takouhie en coquette petite robe blanche, serrant jalousement son bouquet de fleurs comme par crainte qu’on le lui enlève aussi… Edgar DAVIDIAN
Plus de 200 photos en noir et blanc traitées au sépia. Couleurs de terre, ocre et sanguine, qui renvoient à la dépossession, aux combats durs, aux renaissances difficiles. Aux souvenirs amers, mais aussi au courage, à l’héroïsme des humbles, à la détermination de vaincre l’adversité, au sens de l’indéfectible dignité humaine, à la force et la volonté de survie, de...