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Actualités - CHRONOLOGIE

THÉÂTRE - « Quoi de neuf ? Mozart » a clôturé le Festival al-Bustan Le grand Piat confesse Saliéri

Il a tenu sa promesse. Porter sur ses épaules le film de Milos Forman, « Amadeus », et reproduire seul sur scène la pièce qu’il a jouée durant la saison 2005, mais accompagné alors d’une troupe de plus de vingt personnes. Il s’était engagé à le faire. Et il l’a fait. Devant une salle comble et comblée. Un one-man-show surprenant, où l’artiste se retrouve sur scène avec, pour tout compagnon, un candélabre et une bonbonnière. Il est quatre heures du matin. Dans le silence de la nuit, troublé par moments par la musique du grand génie de Salzbourg et de celle du maître de chapelle et directeur de l’opéra italien à la cour de Joseph II, l’homme est réveillé. Saliéri (car c’est de lui qu’il s’agit) n’arrive pas à dormir. Il veut parler. Parler à quelqu’un. Il s’adresse au public et le prend à témoin. Un cri de douleur «Fantômes du futur», hurle-t-il. Et son hurlement s’apparente au gémissement d’un homme blessé, meurtri, humilié. S’il semble invoquer la postérité, ce sont également les démons du passé qui sont interpellés. «Je vous retiens et ne vous lâcherai qu’à l’aube» enchaîne le comédien au verbe haut, tout en s’adressant à l’assistance. Au cours de cette confession intime qui s’apparente à un huis clos, Piat remonte le cours de l’histoire et raconte Mozart. Entre sarcasmes et pleurs, envie et admiration, le monologue de plus d’une heure trente retrace la vie du génie de Salzbourg. À partir de l’arrivée de Mozart ou, dirait-on, de son apparition à la cour de Vienne, «car on parle de miracle», intervient Piat, et jusqu’à sa mort, c’est toute la vie de Saliéri qui se trouve bouleversée. «Dieu a tracé deux destins injustes», poursuit-il alors que son visage se tord de haine et affiche un rictus méchant: celui d’un génie méconnu des siens et d’un bon compositeur qui était le seul à admirer le prodige. La haine et l’admiration de Saliéri Haine doublée d’une quasi-adoration, c’est ce sentiment que le personnage de Saliéri revendique sans ambages. Un personnage qui a séduit l’acteur par «sa bonne santé, son énergie et son ambiguïté», et qu’il réussit à interpréter avec ardeur à la mesure de la passion qui l’habite. Mais s’il avoue effrontément ses tourments et confesse le mépris qu’il nourrissait pour cet être divin mais vulgaire, il nie, par contre, sa culpabilité présumée dans la mort de Mozart. «Pourquoi l’assassinerai-je, interroge-t-il, alors que j’ai donné des cours de musique à son fils?» Dans cette interrogation, se lit le désarroi d’un homme étouffé par une rumeur qui a couru un jour, grossie ensuite par la nouvelle de Pouchkine et par les siècles qui ont suivi. Une rumeur mensongère que le brillant monologue dément sans le vouloir. Dans cette rivalité qui a traversé les temps au son de toutes les œuvres de Mozart qui hantent la nuit immémoriale de Saliéri, c’est aussi le procès de l’humanité qui est dressé. En modulant sa voix qui se confond par instants avec la musique ambiante, le comédien parvient à réhabiliter la mémoire d’un être à plaindre. Lequel dira avec emphase qu’il est lui-même responsable de ladite rumeur, «car les méchants aussi ont leur part d’immortalité dans l’histoire.» D’émouvantes confessions intimes au goût d’amertume, suivies d’acclamations et d’une ovation debout pour ce grand comédien qui ne quittera pas la scène avant d’adresser un ultime message au public libanais du Festival al-Bustan. Après avoir salué le courage et la témérité de ce public pour la saison 2005, il a tenu à rappeler que le génie d’un musicien se reconnaît aussi dans le silence qu’il laisse derrière lui. «J’offre ce silence, dira Jean Piat, à l’espoir au Liban.» La salle se tait. Un ange passe… Celui de Mozart. Colette KHALAF

Il a tenu sa promesse. Porter sur ses épaules le film de Milos Forman, « Amadeus », et reproduire seul sur scène la pièce qu’il a jouée durant la saison 2005, mais accompagné alors d’une troupe de plus de vingt personnes. Il s’était engagé à le faire. Et il l’a fait. Devant une salle comble et comblée.

Un one-man-show surprenant, où l’artiste se retrouve sur...