Caméra rapprochée Séance spéciale Raymond Depardon et le monde paysan

– CCF, salle Montaigne, projection aujourd’hui, à 20h et 22h, de Profils paysans : l’approche et Profils paysans : le quotidien, dans le cadre des «Écrans du réel». L’approche (sorti en 2001) et Le quotidien (sorti en 2005) sont deux chapitres de la trilogie Profils paysans. Ce projet de longue haleine aura nécessité dix ans de tournage, la diffusion du dernier volet étant annoncée pour 2009. Depardon, qui a lui-même passé son enfance dans une ferme de la vallée de la Saône, filme un monde oublié de tous, un monde replié sur lui-même. Le premier chapitre nous amène dans les régions de la Lozère, de la Haute-Saône, de l’Ardèche et de la Haute-Loire. Le cinéaste ouvre les portes de plusieurs exploitations familiales composées de jeunes agriculteurs, de retraités célibataires et de couples modestes: ils sont les derniers héritiers de la paysannerie issue des siècles passés. Totalement effacé derrière une caméra neutre, Depardon filme quasi perpétuellement en intérieur, un choix qui renforce le caractère intemporel de ce monde. Dans ces «no man’s land» fermés, il dresse un portrait rempli de tendresse, de respect et de pudeur d’hommes et de femmes isolés de tous. La caméra ne déforme rien, se contentant de suivre leur quotidien. Ainsi, le dispositif se veut volontairement très dépouillé: cadres fixes, plans-séquences, silences, etc. Le deuxième chapitre nous ramène quatre ans plus tard auprès des mêmes agriculteurs. Encore une fois, Depardon privilégie la simplicité, l’image authentique qui symbolise des paysans tout aussi authentiques. Si le temps qui passe caractérisait le premier chapitre, le deuxième est marqué par un sentiment d’angoisse. D’un côté, la survie des exploitations se veut de plus en plus fragile face aux «grands» de l’agriculture qui occupent les plaines; de l’autre, certaines fermes se transforment en résidences secondaires, alors que la jeune génération semble de moins en moins intéressée par la profession. Sans ne jamais tomber dans la polémique ou la nostalgie déplacée, Depardon, avec toujours autant de discrétion, a su capter l’amertume, l’inquiétude et le désarroi de ces petites gens seuls face à un avenir précaire et un monde, leur monde, en voie d’extinction.