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Face à l’acharnement des parents de disparus, un double déni libanais et syrien Plus qu’un dossier, une véritable cause

Combien de Libanais croupissent-ils encore et depuis des années dans les prisons syriennes, après avoir été arrêtés de manière arbitraire, durant la guerre, par des milices, par les services de renseignements ou même par l’armée syrienne, sous prétexte de collaboration avec l’ennemi israélien ou de complot contre la Syrie? Des dizaines, des centaines? Nul n’a jamais été capable de répondre à la question. Mais le fossé est immense entre les parents des personnes détenues dans les geôles syriennes et les autorités libanaises. Un fossé qui ne fait d’ailleurs que se creuser, à l’heure où les tabous concernant la présence armée syrienne au Liban et la forte influence de cette dernière sur la vie politique libanaise, tombent l’un après l’autre. Alors que les deux gouvernements libanais et syrien campent sur leurs positions, certifiant que plus aucun Libanais n’est détenu en Syrie, des centaines de familles de détenus, chrétiens, musulmans ou druzes, persistent à clamer haut et fort, en dépit des menaces qu’elles déclarent avoir reçues à maintes reprises, que leurs proches ont été arbitrairement emprisonnés dans les geôles syriennes et qu’ils s’y trouvent toujours. Certaines avancent même des preuves: telle famille bénéficie toujours du droit de visite et continue de voir son fils, occasionnellement; telle autre a été informée, par un prisonnier libéré, du lieu de détention de son fils, du numéro de sa cellule, et a même reçu un message de ce dernier; telle femme a assisté, de ses propres yeux, à l’arrestation de son frère, par l’armée syrienne. Que dire aussi des 27 militaires qui ont disparu le 13 octobre 1990, lorsque l’armée syrienne est rentrée dans les régions chrétiennes et qui ont, pour certains, été vus par la suite ou visités par leurs familles? Des recherches vaines De temps à autre, contredisant les déclarations officielles et confirmant les dires des familles, des prisonniers libanais sont libérés, levant le voile sur les tortures physiques et morales auxquelles ils ont été soumis, mais aussi donnant un immense espoir aux parents des autres détenus. Malgré leur mobilisation, des organisations des droits de l’homme, locales et internationales, solidaires des familles des détenus dans les prisons syriennes, n’ont jamais obtenu des deux gouvernements libanais et syrien le moindre indice concernant ces arrestations arbitraires ou le nombre de prisonniers officiellement répertoriés. Elles n’ont pas plus réussi à obtenir l’ouverture des portes des prisons syriennes à la Croix-Rouge internationale. Deux commissions ont même été mises en place par le gouvernement libanais, harcelé par les familles, pour tenter de répertorier le nombre global de personnes portées disparues durant la guerre et d’apporter des précisions sur les circonstances de leur disparition, de leur enlèvement ou de leur arrestation. Mais aucune d’elles n’a été à même de présenter des conclusions plausibles aux familles des personnes détenues en Syrie, ni même aux familles des autres disparus de la guerre. La première commission […] a conclu que parmi les 2067 cas qui lui avaient été présentés, elle n’a pu retrouver aucune personne encore en vie, ajoutant que toute personne disparue depuis plus de quatre ans était considérée comme décédée. Elle s’est vite dépêchée de clore le dossier, enlevant ainsi tout espoir aux familles des personnes portées disparues. Quant à la seconde commission, elle a été dirigée par le ministre d’État à la réforme administrative, Fouad el-Saad, suite au tollé provoqué par les conclusions de la première commission et à la libération, 10 jours après la publication de ces conclusions, de 65 prisonniers libanais détenus en Syrie. Après avoir recueilli de nombreux témoignages et enquêté sur des centaines de dossiers qu’elle a répertoriés, cette commission n’a tout simplement présenté aucun rapport, faute de s’être réunie, au terme de ses travaux. Bref, ces deux enquêtes se sont terminées en queue de poisson, car le gouvernement libanais était trop frileux, selon une source officielle désireuse de garder l’anonymat, pour régler efficacement le dossier des prisonniers libanais détenus en Syrie. Mais les familles ne se sont pas découragées pour autant. Elles ont engagé des contacts directs avec le président Lahoud et avec les autorités syriennes. Une fois de plus, leurs tentatives se sont soldées par un échec, alors qu’autour d’elles pullulaient les escrocs qui leur soutiraient de l’argent, leur promettant en vain des droits de visite ou des nouvelles des leurs. Certaines familles dans la misère, pressées par les autorités, ont même dû se résoudre à signer l’acte de décès de leurs fils détenus, militaires dans l’armée, afin d’encaisser des indemnités qui leur permettraient de vivre et de bénéficier de soins médicaux. Même si elles gardent toujours l’espoir de les voir un jour réapparaître. Politique de l’autruche […] Il est certain que les deux gouvernements, libanais et syrien, se trouvent aujourd’hui dans une position délicate, le président Bachar el-Assad ayant déclaré il y a quelques semaines, alors qu’il était en visite à Rome, qu’il n’y avait plus aucun prisonnier libanais dans les geôles syriennes. Propos immédiatement repris par les autorités libanaises. Malgré la politique de l’autruche pratiquée par les deux gouvernements, le drame des prisonniers libanais en Syrie est devenu une véritable cause, portée non seulement par les familles réclamant sans discontinuer la libération de leurs proches, mais aussi et surtout par des associations locales, notamment Solide (Soutien aux Libanais en détention et en exil), appuyées par l’association basée en France, Solida (Soutien aux Libanais détenus arbitrairement). Associations qui se démènent, multipliant sit-in, manifestations et contacts avec les Nations unies, l’Union européenne et les organisations internationales, pour que la vérité éclate au grand jour et que les Libanais détenus dans les geôles syriennes soient enfin libérés.
Combien de Libanais croupissent-ils encore et depuis des années dans les prisons syriennes, après avoir été arrêtés de manière arbitraire, durant la guerre, par des milices, par les services de renseignements ou même par l’armée syrienne, sous prétexte de collaboration avec l’ennemi israélien ou de complot contre la Syrie? Des dizaines, des centaines? Nul n’a jamais...