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Actualités - CHRONOLOGIE

Égypte - De riches Arabes viennent trouver une nouvelle source de vie dans les quartiers déshérités du Caire Le trafic d’organes, une mine d’or pour une mafia intouchable

Sur fond de misère sociale et de conservatisme religieux, un tourisme parallèle s’est développé en Égypte, animé par une mafia qui profite du vide juridique pour prospérer en toute impunité : la vente d’organes. Les statistiques n’existent pas, mais les Égyptiens pauvres au flanc barré d’une grande cicatrice, signe d’une intervention chirurgicale pour enlever un rein, sont nombreux dans les quartiers déshérités du Caire où de riches Arabes viennent trouver une nouvelle source de vie. « Un patient saoudien peut payer, par exemple, 80 000 USD répartis entre le médecin, le donneur et l’intermédiaire », explique à l’AFP Hamdi al-Sayyed, président de l’Ordre des médecins. Mais tous ne sont pas des donneurs volontaires : Abdelhamid Abdelhamid, 29 ans, Ahmad Ibrahim, 43 ans, et Achraf Zakaria, 30 ans, ont perdu un rein dans leur quête d’un emploi. Ces trois Égyptiens, interrogés en février par le quotidien indépendant al-Masri al-Yom, racontent qu’un intermédiaire leur a promis un travail dans le Golfe, à condition qu’ils passent un test médical. Le médecin « découvre » qu’ils souffrent d’une affection des reins nécessitant une opération urgente. De fil en aiguille, ils se réveillent à l’hôpital avec un rein en moins. L’intermédiaire disparaît et la victime, désemparée, se tait, de peur de représailles. Quelques jours plus tard, le ministère de la Santé prend un Égyptien la main dans le sac : il voulait vendre un rein à un Saoudien pour quelque 3 500 USD. L’hôpital, situé au Caire, devait encaisser une somme similaire pour l’intervention chirurgicale. Alors qu’un kilogramme de bango, la drogue locale, est vendu une centaine de dollars et que les trafiquants courent de gros risques pour le sortir des plantations du Sinaï, selon le département antidrogue, le trafic d’organes est beaucoup plus alléchant. « Cette mafia doit être brisée et le seul moyen de le faire est de voter une loi », martèle le Dr Sayyed. Depuis quatre ans, ce député tente de faire passer une loi au Parlement. « En vertu de cette loi, les contrevenants, médecins comme intermédiaires, seraient passibles de 6 mois à 10 ans de prison, et d’une amende de 10 000 à 100 000 LE (1 700 USD à 17 000 USD) », dit-il. « La situation est intolérable. Non seulement elle permet le boom d’un marché noir, mais on se retrouve aussi avec des personnes amputées d’un organe dont on se débarrasse après le transfert », s’insurge Haytham al-Khayyat, responsable régional de l’Organisation mondiale de la santé. Pour lui aussi, la solution est une loi intransigeante. MM. Sayyed et Khayyat accusent un groupe de personnalités influentes, dont des médecins, de bloquer le projet au Parlement au nom de principes religieux et éthiques. « Or nous avons le soutien des autorités religieuses officielles, comme le cheikh d’al-Azhar », Mohammad Sayyed Tantaoui, chef de la plus haute instance de l’islam sunnite, proteste le Dr Sayyed. Alors que cet imbroglio persiste, le marché est florissant. « Le Jordanien ou le Saoudien viennent en Égypte avec un donneur de leur famille comme couverture officielle, puis ils trouvent un vendeur égyptien ou soudanais », déplore le Dr Sayyed. Joëlle BASSOUL (AFP)

Sur fond de misère sociale et de conservatisme religieux, un tourisme parallèle s’est développé en Égypte, animé par une mafia qui profite du vide juridique pour prospérer en toute impunité : la vente d’organes.

Les statistiques n’existent pas, mais les Égyptiens pauvres au flanc barré d’une grande cicatrice, signe d’une intervention chirurgicale pour enlever...