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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - La troupe tunisienne el-Teatro, ce soir et demain dimanche au Monnot «Ici Tunis», ou la tour de Babel de Taoufik Jebali

Presque deux heures de rire mais aussi de traitement électrochoc et de triturations à la tronçonneuse dans la dernière création théâtrale intitulée Ici Tunis du metteur en scène Taoufik Jebaly, qui se joue actuellement sur les planches du Monnot, jusqu’à demain dimanche. Une fois de plus, il a créé l’étonnement. Une fois de plus, il prend le public au dépourvu dès la première minute du spectacle pour ne pas le lâcher. Taoufik Jebaly n’a jamais promis de «rose garden» à personne. Avec son flegme et son humour à l’anglaise, il va mener en bateau, l’espace de deux heures, des spectateurs, d’abord déroutés mais par la suite ravis et même purifiés par ces rires qui se sont emparés d’eux, parfois à leur insu. Aux sons des grésillements de radio et de cris et vociférations en voix off, la pièce démarre sur fond de murs en ciment traversés de bout en bout de la scène par des fils électriques. Les ampoules qui y sont suspendues diffusent une lumière blafarde, rehaussée pour l’occasion par des projecteurs. Charabias et autres fadaises L’histoire est simple et compliquée à la fois. Simple, car elle aborde les problèmes d’une famille tunisienne avec composants traditionnels (papa, maman, fille et fiancé). Mais compliquée, car il est toujours difficile de mettre sur scène «l’incommunicabilité» des êtres et donner forme au cloisonnement dans lequel ils sont empêtrés. Chiche? Jebaly est parvenu à le faire. En concevant et en réalisant une œuvre ficelée bien que, ô combien décousue, il a réussi à créer un miroir grossissant et déformant de la famille, microcosme de la société tunisienne et, dans un sens plus large, arabe. Par des saynètes hétéroclites et avec une absence totale de continuité dramatique, l’ancien speaker de Radio Tunis arrive à encadrer sa logorrhée frénétique à la limite du baragouinage schizophrénique. Du galimatias pour cette parole qui n’aboutit jamais ; de la passion pour ces acteurs habités et de l’expression corporelle, des mimes, des ombres chinoises dans cette sollicitation de corps, tendus à l’extrême jusqu’à devenir désarticulés. Le tout saupoudré par des grains, non plutôt un seul… grain. Voilà la recette de ce conte de la folie ordinaire qui va propulser l’assistance dans l’absurdité la plus totale. Un humour grinçant Apostrophé à plusieurs reprises par un Jebali (portant un appareil photo et jouant dans la pièce le rôle d’observateur et d’outsider), le public se trouvera, par moments, agressé par un magnifique Tawfik el-Ayeb et même pris à témoin. En effet, bien installés sur leurs sièges, et probablement dans tous ces stéréotypes qui règlent leurs vies bourgeoises, les spectateurs présents vont prendre part, impuissants et passifs, à leur propre procès qui s achèvera par l’autodestruction de leur petit cocon ouaté. Tout y passe comme dans un cafouillage ou un bac à lessive: les scènes de condoléances où les gens balancent n’importe quoi à la tête de l’endeuillé, les conversations de femmes enceintes, les corps alanguis dans le hammam. Jusqu’à la crise des chaises qui frôle l’hystérie totale et l’incident diplomatique. Un humour qui grince et qui fait mal. Jebaly n’a rien omis. Il a tout déballé. Dans une cacophonie exacerbée ou dans les silences des corps, il assomme son public. Secoué par des rires cathartiques, même à la vue de scènes subversives et cruelles comme celles de la mort, le public le lui rend bien. En lui donnant carte blanche de violer son nid douillet. Par l’élaboration de son propre dictionnaire autodérisoire de mots non-mots, d’entendus sous-entendus et de sens non-sens ou encore à double sens, la troupe el-Theatro, conduite par l’agitateur Jebaly, aura réussi à emmener son assistance dans les élucubrations les plus surréelles. Et celle-ci s’est laissée faire délicieusement. Colette KHALAF
Presque deux heures de rire mais aussi de traitement électrochoc et de triturations à la tronçonneuse dans la dernière création théâtrale intitulée Ici Tunis du metteur en scène Taoufik Jebaly, qui se joue actuellement sur les planches du Monnot, jusqu’à demain dimanche.
Une fois de plus, il a créé l’étonnement. Une fois de plus, il prend le public au dépourvu dès...