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CONCERT - À l’amphithéâtre Aboukhater (USJ) Anna-Maria Filippova, une tisserande de la harpe

C’est un instrument qui séduit. On le voit rarement dans les salles de concerts et il est toujours un peu perdu dans l’ensemble, tel un raz-de-marée, des violons qui mugissent dans un orchestre. C’est de la harpe qu’il s’agit. La harpe à la musique si raffinée, si élégante, si enchanteresse. Harpe avec son allure de lointaine cousine de la lyre ou du qanun, où souffle un air du Parnasse, un brin de la morgue des déesses à l’inspiration insaisissable et des mythologies les plus anciennes.Très petit public, probablement à cause de ce temps grincheux si peu familier aux Beyrouthins, pour ce concert pourtant accordant un des moments les plus délicieux que réservent habituellement les prestations musicales régulièrement organisées par le Conservatoire national supérieur de musique. À la harpe, toute de noir vêtue, Anna-Maria Filippova, qui n’en est guère à son premier concert de harpiste solo. Pour l’accompagner, juste le temps d’un morceau de Haendel, Olga Bolun, que l’on applaudit aussi très souvent dans cette même salle Aboukhater pour ses nombreuses performances. Ouverture justement avec une Passacaille de G.F. Haendel en solo de harpe. Magie absolue de ces pages habitées de mélodies fluides comme l’eau. Rêve permanent avec ces notes délicates et dorées, comme échappées à un monde tout en transparence et fragilité. Toujours de Haendel, un Concerto en si majeur avec le soutien du clavier. Mais dans l’art de pincer des cordes dressées tel un rideau invisible, le piano, malgré la richesse de ses accords et de sa sonorité, devient un peu l’enfant pauvre des partitions, car on ne prête oreille qu’à ces notes fuyantes telles des bulles de savon luisantes et ultralégères se fondant à la fraîcheur de l’air. Ensorcelante harpe qui a une douceur comme l’éloquence d’un ange… Formulation à la fois vaporeuse et précise, comme les petits pas fermes et aériens d’une ballerine qui s’envole sous les feux de scène. Trois mouvements (allegro moderato, larghetto, allegro ma non troppo) pour traduire l’inspiration aux couleurs attachantes du compositeur du Messie. Atmosphère enchantée et enchanteresse Vent russe décoiffant pour prendre le relais avec une harpe parfaitement heureuse – et le public aussi – de sa solitude. Variations russes de A. Sihra est presque une cantilène aux modulations cotonneuses, où la harpe a tous les atouts de la séduction. Et cela malgré de terribles «couacs» où les doigts, pourtant si magiciens, peinent à cerner la note au bon moment. Nocturne est le morceau de Hasselmans qui suit avec ses mystères de l’ombre et ses chromatismes lumineux comme le filet d’une cascade fine au fond des bois. Notes s’allumant telle une myriade de feux follets dans le velours de la nuit. Pour conclure, une Fantaisie pour harpe op 95 de Camille Saint-Saëns, le plus élégant des mélodistes de l’Hexagone. Fantaisie pleine de vivacité et d’un esprit brillamment français. Merveilleusement écrite et conçue, cette œuvre pétillante a des scintillements surprenants. Avec ses triolets frémissants, ses glissandos comme on patine sur la glace, ses arpèges légers comme une caresse de zéphyr, tout cela mène l’auditeur vers des rives bien lointaines, bien frileusement ensoleillées. Applaudissements du public et un bis gracieusement accordé, mais la harpiste, après plus de quarante-cinq minutes, est déjà fatiguée. À cette tisserande de notes volatiles et dorées, pour cette atmosphère enchantée et enchanteresse qui soustrait l’auditoire à la lourdeur du monde réel, un grand merci. Edgar DAVIDIAN
C’est un instrument qui séduit. On le voit rarement dans les salles de concerts et il est toujours un peu perdu dans l’ensemble, tel un raz-de-marée, des violons qui mugissent dans un orchestre. C’est de la harpe qu’il s’agit. La harpe à la musique si raffinée, si élégante, si enchanteresse. Harpe avec son allure de lointaine cousine de la lyre ou du qanun, où souffle...