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Le docteur Jamal Rifi éclaire les méandres de la société australienne Une discrimination latente, aiguisée par les contrecoups du 11 septembre

Tout a commencé durant la première semaine de décembre, sur la plage publique de Cronulla, à Sydney, lorsqu’une altercation a éclaté entre un maître nageur et trois jeunes gens d’origine libanaise. Mais les versions diffèrent concernant les jeunes Libanais, selon les sources qui relatent l’incident. Le docteur Jamal Rifi raconte qu’un maître nageur a lancé une remarque insultante à trois jeunes gens de type moyen-oriental assis sur la plage, leur indiquant ainsi qu’ils n’étaient pas les bienvenus sur cette plage. Les jeunes n’ont pu s’empêcher de répondre au maître nageur qui n’était pas de service, à ce moment-là. Une altercation a suivi et le maître nageur a été blessé après une chute contre une clôture. «Mais l’incident n’était pas grave», observe le Dr Rifi, ajoutant que tout est retourné à la normale ce jour-là. Jaloux de leur plage La version du quotidien The Sydney Morning Herald est quelque peu différente. Elle raconte qu’un «gang de Libano-Australiens de confession musulmane a attaqué des maîtres nageurs dans la partie nord de la plage de Cronulla». Le quotidien mentionne cependant que «le gang libanais a engagé la bagarre suite à une provocation de la part des maîtres nageurs de la plage de Cronulla. Ceux-ci avaient rappelé aux jeunes, habitant la banlieue sud-ouest défavorisée, qu’ils n’avaient pas le droit de nager». Il a également indiqué que la plage de Cronulla est «le symbole de la culture australienne du surf. Une culture caractérisée notamment par l’abus d’alcool et de drogue, mais aussi par un taux élevé de suicide». Il est cependant important de savoir que la jeunesse de Cronulla est jalouse de sa plage et qu’elle est peu accueillante envers les habitants d’autres zones, indépendamment de leurs origines ou de leur appartenance, même envers les Australiens blancs. «Le lendemain de l’incident, les médias ont pris les jeunes Libanais à partie, raconte le Dr Rifi. Une radio a carrément attaqué la communauté immigrée, appelant les auditeurs à raconter leurs expériences négatives avec les jeunes d’origine libanaise. Beaucoup d’auditeurs ont exprimé leur haine, en direct, envers les Australiens d’origine libanaise et, de manière générale, contre les personnes de type moyen-oriental. Les habitants de Cronulla ont finalement invité les Australiens «blancs», par le biais de SMS, à une journée de protestation sur leur plage, le dimanche suivant, espérant obtenir que la plage leur soit exclusivement réservée.» «Entre-temps, indique encore le médecin, durant la semaine, deux jeunes gens de type moyen-oriental ont été agressés par un homme qui leur a lancé des bouteilles de bière à la tête. Une dispute a éclaté et la police est intervenue. Ce second incident a défrayé la chronique, les médias trouvant ainsi un moyen de poursuivre leur guerre contre la communauté d’origine libanaise.» Des citoyens de seconde catégorie C’est le dimanche 11 décembre que les incidents ont pris une tournure dramatique, lorsque plusieurs milliers de manifestants qui revendiquaient l’exclusivité de la plage de Cronulla, 5000 selon les médias, ont attaqué des jeunes de type moyen-oriental et, plus précisément, d’origine libanaise. D’attaques en ripostes, les violences se sont répétées plusieurs jours durant et se sont étendues à d’autres plages, avant de cesser définitivement après un renforcement de la sécurité et un certain nombre d’arrestations. La société australienne, dans son ensemble, a dénoncé les actes de violence contre les membres de la communauté d’origine libanaise. Des rassemblements pacifiques ont été organisés pour protester contre la violence et le racisme dont ils ont été victimes. Il n’en reste pas moins que les événements de décembre dernier dénotent un certain malaise dans ce pays, où la majorité des citoyens sont fils d’émigrés. Un malaise qui s’est exacerbé après les attentats du 11 septembre 2001, mais aussi après les différents actes terroristes perpétrés par la mouvance el-Qaëda qui ont pris pour cible la communauté australienne à Bali et Jakarta. Le viol de jeunes femmes australiennes par un groupe de jeunes musulmans extrémistes d’origine libanaise, en 2000, même s’il a été fortement condamné par la communauté libanaise d’Australie, était encore trop présent dans les mémoires. Résultat, la communauté libanaise d’Australie, et plus particulièrement celle de confession musulmane, a payé le prix de ces drames. «Cible d’attaques médiatiques répétées, qui ont exacerbé et encouragé la haine raciale, elle a été la proie d’individus racistes qui, sous l’effet de l’alcool, ont usé de la violence. Même certains politiciens ne se sont pas privés d’employer des propos racistes et discriminatoires», déplore le Dr Rifi, ajoutant que ces personnalités ont ainsi profité de la conjoncture à des fins électorales et ne se sont pas privées de jeter de l’huile sur le feu. Discrimination à l’emploi Le praticien va plus loin. Il observe que la vie est aujourd’hui plus dure, de manière générale, pour les Australiens d’origine libanaise qui sont considérés comme «des citoyens de seconde catégorie». «La jeune génération, née et éduquée en Australie, notamment la plus déshéritée, souffre d’une réelle discrimination à l’emploi», dénonce-t-il. «Même les quartiers résidentiels habités par cette communauté accusent un manque de loisirs, de facilités récréatives, de clubs et de terrains de sports ou de jeux. Alors que les communautés et les clubs des quartiers les plus aisés croulent sous les financements. Pratiquée par le gouvernement, reprise par les médias, cette discrimination ne peut qu’apparaître au sein de la population, accuse-t-il encore. Et pourtant, la société australienne n’est pas une société raciste. Bien au contraire, elle est tolérante, juste et conviviale.» Les exemples pullulent d’ailleurs de réussites fulgurantes et de distinction, au sein de la communauté libanaise des deux confessions. On citera notamment le cas de 23 jeunes gens et jeunes femmes d’origine arabe qui ont reçu le diplôme de sauveteurs, diplôme suscitant fierté et admiration en Australie. Mais le problème est que «certains individus appartenant à la communauté libanaise ont choisi la criminalité et la drogue comme mode de vie. Ces individus pratiquent la loi des gangs et de la rue plutôt que celles du pays. Certains d’entre eux ont même adopté l’islamisme radical. Mais ces éléments ne sont pas représentatifs de notre communauté», assure le Dr Rifi. Le refuge aux problèmes identitaires doit-il nécessairement passer par la criminalité ou par l’islamisme radical? La solution reste à trouver, rapidement, avant que de nouveaux incidents ne viennent attiser la haine à l’égard des Libanais d’Australie.
Tout a commencé durant la première semaine de décembre, sur la plage publique de Cronulla, à Sydney, lorsqu’une altercation a éclaté entre un maître nageur et trois jeunes gens d’origine libanaise. Mais les versions diffèrent concernant les jeunes Libanais, selon les sources qui relatent l’incident. Le docteur Jamal Rifi raconte qu’un maître nageur a lancé une...