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Benoît XVI, le pape déconcertant

Accueilli avec faveur par les conservateurs et prudence par les progressistes, Benoît XVI, qui a succédé en avril au charismatique Jean-Paul II, a réussi en huit mois à les rassembler sur la même question : mais que prépare le pape allemand ? Huit mois : c’est plus qu’il en a fallu à Jean-Paul II pour populariser son slogan « n’ayez pas peur ! » et publier sa première encyclique ; à Paul VI pour ouvrir, par un pèlerinage en Terre Sainte, la longue liste des voyages des papes modernes ; à Jean XXIII pour décider la convocation du concile Vatican II. Benoît XVI a consciencieusement honoré tous les engagements de son prédécesseur, dont les Journées mondiales de la jeunesse de Cologne, en Allemagne ; en a endossé toutes les orientations, comme la poursuite du rapprochement avec les juifs ou l’interdiction de l’ordination de prêtres homosexuels ; a même lancé son procès en béatification. Mais à part le style, aussi retenu que celui de Karol Wojtyla était extraverti, les changements tardent à venir. La première encyclique de Benoît XVI, sur le thème de l’amour divin, dont la publication est régulièrement donnée comme imminente, devrait confirmer ses qualités de théologien, « mais c’est aussi d’un pasteur que l’Église a besoin », s’impatientent des prélats sous couvert d’anonymat. Pour le vaticaniste italien Giancarlo Zizola, pas mécontent de la fin de « l’ère papolâtre » de Jean-Paul II, la nouveauté réside justement dans cette « discontinuité douce » avec le précédent pontificat. « Le choix du silence fait par le nouveau pape annonce une réforme de la papauté », avance-t-il, bien seul à défendre cette thèse parmi les observateurs avertis du Vatican, l’un des États les plus secrets au monde. La plupart relèvent surtout que l’apparente passivité du pape est exploitée par l’Église catholique italienne, qui cultive ses liens privilégiés avec le Saint-Siège, pour intervenir à tout propos dans le débat public et dans la vie politique de la péninsule. En choisissant Joseph Ratzinger, intellectuel et apparatchik raffiné de 78 ans, dont 24 passés dans l’ombre de Jean-Paul II, les cardinaux avaient opté pour la transition en douceur. Ils ont estimé que l’Église avait besoin d’une remise en ordre et n’était pas prête pour l’aventure d’un pape latino-américain, asiatique, voire africain. À son arrivée, Joseph Ratzinger a annoncé son programme : engagement oecuménique, plus grande collégialité dans le gouvernement de l’Église, respect des orientations de Vatican II. Ce n’est pas de son fait s’il n’a pu répondre à l’invitation du patriarche orthodoxe de Constantinople fin novembre : la Turquie a préféré reporter à 2006 ce voyage, première étape d’un rapprochement de l’Église catholique avec le monde orthodoxe. À la Curie, le gouvernement de l’Église, Benoît XVI n’a procédé qu’à de rares nominations, mais c’est peut-être pour mieux préparer une véritable réforme. En attendant, le Vatican et sa diplomatie restent gérés par deux hommes choisis par Jean-Paul II, le secrétaire d’État Angelo Sodano, et le secrétaire pour les rapports avec les États Giovanni Lajolo. Ce pape introverti a en tout cas gagné l’estime des croyants qui viennent en nombre à ses audiences publiques, et ceux qui prêtent attention à ses discours se disent interpellés par sa forte exigence spirituelle à leur égard. Mais le théologien protestant italien Paolo Ricca s’avoue déçu après « les débuts prometteurs » du pontificat. « On est retombé dans la routine », lâche-t-il. Il critique aussi les interventions de Benoît XVI sur les questions éthiques et ses condamnations du relativisme, « marquées par l’idée que l’Église a le droit de gouverner le monde et pas seulement de l’évangéliser ». Le prêtre assomptionniste Michel Kubler, rédacteur en chef religieux du journal français La Croix, pense encore que Benoît XVI, conservateur éclairé, peut conduire en douceur les réformes dont l’Église a besoin. « Mais pour l’instant, on est frustré », reconnaît-il.

Accueilli avec faveur par les conservateurs et prudence par les progressistes, Benoît XVI, qui a succédé en avril au charismatique Jean-Paul II, a réussi en huit mois à les rassembler sur la même question : mais que prépare le pape allemand ?

Huit mois : c’est plus qu’il en a fallu à Jean-Paul II pour populariser son slogan « n’ayez pas peur ! » et publier sa première...