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Actualités - ANALYSE

Un printemps islamiste, à défaut de printemps arabe

Le vent de la démocratie tarde à souffler sur le monde arabe. Depuis l’implosion de l’empire soviétique, un bon nombre de régimes dictatoriaux et autocratiques, en Europe de l’Est, Amérique latine ou même en Asie du Sud-Est, ont été balayés. Cependant, dans le monde arabe, la transition démocratique se fait attendre, depuis plus d’une décennie, donnant l’impression qu’il existait une « exception arabe » antidémocratique. Malgré les efforts de l’Union européenne pour encourager le respect des droits de l’homme dans cette région, à travers une série de projets et de traités, il n’y a eu aucune avancée notable. Les attentats du 11 septembre 2001 ont incité le président américain George W. Bush, pour des raisons variées mais souvent controversées, à lancer un vaste programme ayant pour ambition de démocratiser le « Grand Moyen-Orient », tout en menant une campagne militaire visant à renverser certains régimes autoritaires. Les pressions extérieures butent toutefois sur une résistance des gouvernements arabes qui justifient leurs réticences par le danger de voir des islamistes arriver au pouvoir, ou par la spécificité du monde arabo-musulman. Néanmoins, l’année 2005 a vu le déroulement de différentes consultations électorales dans plusieurs pays qui ont engendré l’espoir d’un début de « printemps arabe ». Un « printemps » qui s’est néanmoins accompagné d’un « printemps islamiste »… En effet, les premières élections municipales de l’histoire saoudienne ont vu la victoire des candidats conservateurs wahhabites. Il en est de même dans les territoires autonomes palestiniens, où le dernier scrutin municipal a été marqué par une percée du mouvement intégriste Hamas. En Égypte, les Frères musulmans ont fait une entrée historique au Parlement en devenant la première force d’opposition. En Irak, la liste chiite conservatrice a remporté haut la main le dernier scrutin en date, confirmant l’influence grandissante des religieux. Par ailleurs, en 2005, avec la victoire de Mahmoud Ahmadinejad à la présidentielle iranienne, les ultraconservateurs ont réussi à prendre le contrôle de tous les rouages de l’État islamique. Cette avancée spectaculaire des islamistes est due principalement à la politique de répression exercée par les différents gouvernements de la région. Les citoyens, qui n’ont aucun sentiment d’appartenance à un pays où le fossé entre les dirigeants et la population est très large, se tournent vers un discours religieux faussement libérateur. Fondé essentiellement sur la glorification du passé pour effacer les misères du présent, le discours nationaliste arabe, qui fut pendant longtemps un instrument visant à canaliser les frustrations des peuples, a perdu sa popularité d’antan surtout avec la chute du baassisme en Irak et la désillusion des peuples arabes vis-à-vis de leurs dirigeants actuels. Il s’agit en fait d’un cercle vicieux. Des régimes dictatoriaux donnent naissance à une opposition religieuse radicale dénuée de tout caractère démocratique. Et ce d’autant plus que l’alternative donnée aux électeurs est extrêmement limitée : les médias et l’espace public étant complètement accaparés par le pouvoir en place, le domaine religieux, laissé libre, est dominé par des religieux conservateurs. Une troisième voie est pratiquement impossible puisque les opposants démocratiques et les réformateurs modérés ne forment qu’un cercle très restreint, limité à une élite intellectuelle n’ayant aucun moyen de communication pour transmettre son message. Sans parler de tous les militants forcés à l’exil ou jetés en prison, comme ce fut le cas cette année notamment en Arabie saoudite, en Syrie et en Égypte. Si l’on exclut un changement par les armes, il faut donc attendre la naissance d’une société civile forte et d’une opinion publique fondée sur des valeurs démocratiques et sur le respect des droits de l’homme. Un travail de longue haleine, qui balaye l’espoir d’un printemps arabe effectif. En effet, comme l’affirmait déjà en 1972 Boutros Boutros-Ghali, « le cavalier ne peut courir plus vite que le cheval qui le porte… ». Antoine AJOURY

Le vent de la démocratie tarde à souffler sur le monde arabe. Depuis l’implosion de l’empire soviétique, un bon nombre de régimes dictatoriaux et autocratiques, en Europe de l’Est, Amérique latine ou même en Asie du Sud-Est, ont été balayés. Cependant, dans le monde arabe, la transition démocratique se fait attendre, depuis plus d’une décennie, donnant l’impression qu’il...