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SOCIÉTÉ - Dix garçons et deux filles de 18 à 24 ans se disputent le titre Quatre ans après les talibans, la « Star Academy » afghane fait un malheur

«Ton amour me rend fou/Et enflamme ma musique/Oh petit oiseau blanc/Reviens dans mon nid. » Corps ondulant au rythme des synthétiseurs, sourire charmeur, public conquis : cette semaine encore, Siar Walizada restera en course dans l’« Afghan Star », la Star Academy afghane. La scène, impensable il y a quelques années sous les fondamentalistes talibans (1996-2001), qui avaient banni musique et télévision des foyers, se déroule à la mi-décembre dans une salle du cinéma kabouli de l’Ariana. Sur la scène, 12 jeunes Afghans, dix garçons et deux filles de 18 à 24 ans, s’y produisent ce mercredi-là devant quatre juges, une centaine de proches et des caméras qui enregistrent le « prime time », vedette du vendredi suivant sur Tolo TV, la première chaîne de télévision afghane. Statiques ou expressifs, ils reprennent les mélodies d’amour euphoriques ou désenchantées des chanteurs populaires des années 60, 70 et 80, chassés par la guerre et l’islam rigoriste des moujahidine (1992-1996) et des talibans. « On savait qu’il y avait une demande. Les guerres de ces 15 dernières années avaient laissé un trou, que nous voulons combler, explique Wajma Mohseni, l’une des productrices. Mais le succès a été au-delà de nos espérances. » Début octobre, plus de 1 000 Afghans, jeunes et urbains, se sont pressés aux auditions à Kaboul (400 candidats), Hérat, Mazar-i-Sharif, Jalalabad et même Kandahar, berceau des talibans, ces grandes villes où une petite partie de la population échappe à la pauvreté et à l’analphabétisme. À l’évocation de ces auditions de deux minutes a capella et devant juges, le présentateur de l’émission, Daoud Sidiqi, 25 ans, éclate encore de rire. « Il y en avait de vraiment mauvais, j’étais mort de rire, les cameramen aussi, l’image tremblait. Par la suite, à mesure que les juges éliminaient des candidats, il a fallu faire des ajustements, donner un côté plus pro. » Tolo TV a ainsi dû « afghaniser » quelque peu son show avec des tenues très sages, notamment pour les filles, qui portent le voile, et le policer en écartant un jeune juge aux commentaires trop cinglants. « Certains n’ont pas apprécié et sont partis. On l’a donc enlevé », raconte Daoud Sidiqi, qui s’explique : « Les jeunes Afghans ont une personnalité fragile, due aux traumatismes des conflits. On a donc dit aux juges de les ménager. » Surtout quand il s’agit de femmes, que Tolo s’efforce de promouvoir, comme Safia Nurizada, de Mazar-i-Sharif. Ce mercredi, comme les onze autres rescapés, elle chante pour la première fois accompagnée de musiciens (synthétiseur, basse, batterie). Et force sa petite voix : « J’ai tout fait/Pour garder ton amour/J’ai perdu le sommeil/Mais tu n’as pas compris. » « À vous de voter. Les juges donnent leur avis, mais c’est votre décision. À partir de maintenant, chaque semaine, celui qui aura le moins de votes sera éliminé », lance Daoud Sidiqi aux téléspectateurs. Business oblige, Tolo s’est associée avec Roshan, première compagnie de téléphonie mobile afghane, qui connaît elle aussi un succès fulgurant. « À vos SMS ! Pour Safia, tapez le numéro sur votre écran, suivi de 12 ! » Le mercredi suivant, dans une salle comble, l’un des douze est éliminé et dit adieu aux plus de 3 000 dollars promis au vainqueur, une somme énorme pour l’Afghan moyen, assortis d’un contrat pour enregistrer un disque avec Tolo. Siar Walizada, lui, caresse encore ce rêve. « Tout a changé dans ma vie », sourit l’infographiste enjôleur de 25 ans, revenu au pays avec sa famille en 2001 après 9 ans d’exil au Pakistan. « On me reconnaît, même dans la rue, on me félicite, c’est extra », dit celui qui « pense être dans les trois meilleurs ». En costume bleu marine, il vient de se déhancher avec succès sur un titre d’Ahmed Zaer, « l’Elvis afghan », chanteur-phare des années 70. Et la foule a dodeliné au rythme d’un clavier de kermesse : « J’étais un bouquet de roses en fleur/Tu en as cueilli une/Et j’ai été emporté par l’amour. »
«Ton amour me rend fou/Et enflamme ma musique/Oh petit oiseau blanc/Reviens dans mon nid. » Corps ondulant au rythme des synthétiseurs, sourire charmeur, public conquis : cette semaine encore, Siar Walizada restera en course dans l’« Afghan Star », la Star Academy afghane.
La scène, impensable il y a quelques années sous les fondamentalistes talibans (1996-2001), qui avaient banni...