Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION - À partir d’aujourd’hui et jusqu’au 28 janvier au musée Nicolas Sursock 73 artistes, témoins de leur temps, au 26e Salon d’automne

Plus de 500 m2 de superficie sont réservés au 26e Salon d’automne au musée Nicolas Sursock à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 28 janvier 2006. Bel espace qui ne fonctionne guère comme une galerie, mais comme un écrin princier pour des œuvres incluant céramique, sculpture, photographie, peinture et installation. Sur un ensemble de 278 œuvres présentées par 125 artistes, 105 (de 73 d’entre eux) ont été sélectionnées par le jury. Une tradition dynamique pour faire connaître le travail des uns et des autres. À la lumière des spots éclairant des vitraux colorés, entre les murs et sous les plafonds en boiseries travaillées d’un des plus beaux palais d’Achrafieh, il y a là des créations qui sortent courageusement du rang et qui ont l’audace de l’art pur, c’est-à-dire qui n’est pas atteint par le virus du commerce. Ici, l’artiste n’est pas tenu de plaire au public. Il a tout le loisir de s’exprimer librement. Librement, loin de toute contrainte. Regards différents et infinie variété d’expressions dans des formats tout aussi divers, allant d’une minuscule sculpture en bois de 28 cm de hauteur, signée Saloua Raouda Choucair, à des panneaux peints atteignant un mètre, de Halim Mehdi Hadi, où l’art plastique revêt les formes les plus modernes ou off, parfois les plus insolites aussi. Provocation et dérision sont les maîtres-mots de cette exposition marquée par le traumatisme de la guerre, les conflits sanglants, les violences meurtrières et surtout les maffieuses pratiques du terrorisme. L’humour grinçant ou pince-sans-rire, forme élégante de l’ironie ou du désespoir, n’est certes pas absent. Mais cette année, il s’agit surtout de témoignage. Témoignage d’un mal-être, d’un mal de vivre et d’un malaise général où jeunes et moins jeunes n’hésitent pas à proposer des images fortes. Des images chocs qui dénoncent, jugent, fustigent, bouleversent, secouent. Pas de prééminence à la beauté au sens premier du terme. Les conventions sont bousculées, les voix timides et timorées sont bannies, le cri est de rigueur, le ras-le-bol du chaos sociopolitique est évident et perceptible. Dans un pays au ciel immuablement bleu, aux côtes baignées par le soleil, aux montagnes verdoyantes en été, aux pistes de ski blanches et lisses l’hiver, pas une trace de fleur, de soleil, de manteau d’hermine, de douceur, de lyrisme bucolique ou idyllique dans les œuvres exposées. Pas de romantisme béat, poseur, pas de symbolisme sans référence à une réalité épinglée dans ses travers et aberrations, encore moins un esthétisme léché ou édulcoré, mais une ravageuse prise de conscience. Prise de conscience claire, nette, avec une implication tranchante, pointue, sans fard d’un vécu criant de noirceur. Drame poignant de vie où les images surréalistes, l’abstraction, les représentations à connotation de douleur, parfois même de folie, de sombres prémonitions, restent un éloquent et troublant message d’un espoir qui tient tout une nation encore captive, en mal de paix et de quiétude qui tardent à venir… Des images qui se télescopent… Soixante-treize artistes témoins de leur temps. Des temps durs et dramatiques, mais qui leur permettent de ne pas mâcher leurs mots, de ne pas céder aux pressions mercantiles, de ne pas s’adonner gratuitement au ludique. Mais de rassembler leur élan, de cerner leur engagement et de livrer, comme un cri libératoire, leurs visions sans concession ni facilité aux regards étonnés, complices, réceptifs et médusés du public. «Mais il y a des couleurs, des couleurs assagies», souligne Sylvia Ajémian, conservateur adjoint du musée Sursock. Et de poursuivre: «Ce Salon est pour tout le monde et non pas pour les jeunes artistes seulement. C’est un bilan de ce qui se passe dans le milieu artistique. Cette année, le nombre d’œuvres exposées est plus grand car c’est un meilleur cru… Être exposé au Salon d’automne est une bonne carte de visite.» Tournée des cimaises pour rester dans le ton des mots utilisés. Bien sûr, tout n’est pas d’égale qualité. «Il y a à boire et à manger», comme dit la formule populaire. C’est là un monde grouillant de couleurs, d’idées et d’images qui se télescopent, s’enchevêtrent, se rejoignent, se repoussent. On ne saurait passer outre l’originalité et la poésie de la plupart des titres percutants et des œuvres non moins percutantes et parfois décoiffantes. On s’arrête un moment devant l’arbre déraciné et «migrateur» de David Kurani qui vole avec les cigognes au-dessus des toits de tuiles rouges d’un village accroché à flanc de montagne. À côté, entre une feuille de «hasch» dans un boîtier vitré de Baha’ Souki et la cabine au miroir cassé de Saadallah Louis Lebbos, où «la bête est à l’intérieur», l’invite est entre évasion et confrontation. Absolument délirante est la monstrueuse et monumentale (3m30) ballerine vert phosphorescent (métal et plâtre) de Vartan Aror pour camoufler le «46e suspect d’un crime». «L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu », me souffle in petto et très à brûle-pourpoint mon guide, en évoquant un thème à développer! Confirmation de la tendance aux courbes volatiles avec Nicole Berjon Bouldoukian qui, entre Salomé et L’acrobate, réinvente la notion du mouvement en bronze. Fin travail de composition en fer de Josephina Achi qui, entre minces rondelles et lignes d’horizon, trace un univers tout en fragile légèreté, parlant quand même des exodes insoutenables. Anachar Basbous, héritier d’une grande lignée de sculpteurs et brillant mosaïste, n’en reste pas moins un inventif artiste du fer soudé. Si la nudité des rondeurs féminines de Mazmanian défie la froideur du bronze, le marbre noir veiné de blanc de Zaven Hadichian épouse étonnamment l’ample sinuosité de la musique de Wagner. Expression moderne et langage direct Il est vrai que la plupart des jeunes artistes, tonique et bouillonnant sang neuf dans le ronronnant monde du chevalet, du burin, de l’œil de la caméra et du four des céramistes, ont opté pour une expression résolument moderne. Ils surprennent par leur langage direct, franc, voire parfois cru dans son ellipse même. Avec des variantes conceptuelles qui ne vont pas par quatre chemins, tel le Ô candidat ne m’utilise pas comme un mouchoir, d’Anita Toutikian. Surprenante est aussi la Transmigration en diodes électro-luminescentes, avec écran et programme d’Alain Vassoyan. Une table en résine (mais ce n’est qu’une sculpture intitulée Tunnel spatio-temporel) de Wyssem Nochi rivalise d’agressivité créative avec les toiles d’une excellente facture surréaliste (technique mixte, huile et sable), s’en prenant au temps et au béton, d’Antoine Mansour. Les mégatoiles de Halim Mehdi Hadi habitées d’un silence inquiétant, tout en blanc travaillées, contrastent violemment avec les 7 chants de guerre de Théo Mansour, fresque reflétant le fracas de la guerre, avec contours fauvistes, motifs de charnier putréfié et de tortures humaines. Plus sages sont les désarrois de Gisèle Rohayem donnant à voir ses vapeurs saturantes et ses errances en couches de peinture superposées finissant sur un dictatorial Oxygène-moi. Tout aussi banales sont les préoccupations de fumeurs invétérés: une installation tirée par les cheveux, pour une toile au style abondamment déjà-vu et usé jusqu’à la corde de Thérèse Kabsa. Dans le même régistre décevant et pinceau répétitif est la Révélation de Houry Chekerdjian qui n’en finit plus de jouer aux «médiumniques» surmédiatisées avec regards exorbitants et cheveux ébouriffés d’Anouch après l’amour. Helen Khal ne surprend plus, pour les avoir suffisamment exposées, ses Sans titre monochromes, polies comme un galet par les caresses des vagues, où résonnent quand même de lumineuses vibrations. Autrement intéressantes sont les allumettes et autres brindilles de fortune de Bassam Geitani, qui, par une simple technique mixte sur toile, arrive à évoquer un fabuleux monde en noir et blanc charriant les rêves les plus fous et une sorte de paix indicible… Tout aussi émouvante est cette toile de Nedim Kufi qui, avec ses fleurs noires séchées, soigneusement rangées comme des tombes dans un cimetière, parle naturellement de Bagdad à Beyrouth… La photographie, qui revendique aujourd’hui sa part absolue d’art, est représentée par des valeurs sûres du monde de la caméra au pays du Cèdre. Notamment Gilbert Hage et Pierrot Daou. L’un pour ses cadrages, l’autre pour la sensualité de ses nus. Et les deux pour la netteté et l’originalité du produit fini. Si certains photographes rêvent d’être des peintres, ils ont actuellement la possibilité et la revanche d’être à égalité avec les manieurs de palette et de pinceaux. La photo n’a pas encore dit son dernier mot et ses ressources sont inépuisables. La céramique est aussi en bonne place. Avec bonheur, on retrouve la signature d’un maître dans le genre terre cuite émaillée, Samir Muller. Vaguement inspiré de Mucha est le travail de Wassim Kays qui présente un bel effet fragmenté décoratif. Côté installation en terre glaise, le tas d’ossature et de membres décomposés, sous l’appellation Posthumes, d’Amandine Brenas, est fort, saisissant et se passe de tout commentaire. Aram Jughian, moins farfelu que d’habitude mais toujours aussi acide, présente une sorte de caveau avec une kyrielle d’images de saints selon une hagiographie simple et populaire de son cru. Avec un cahier (des charges?) en coin de l’installation pour parler du parcours d’une œuvre sur le marché… Il est difficile d’évoquer les 105 œuvres. Le musée Sursock présente un large éventail de tous crins et kaléidoscope aux projections multiples pour faire connaître un grand pan de l’art libanais. Le détour en vaut la peine, car on n’aime que ce que l’on connaît… Les goûts peuvent différer, les expressions diverger (plus d’une génération s’expriment forcément différemment, surtout avec les ahurissantes révolutions technologiques), mais les constantes de ce 26e Salon d’automne au musée Sursock sont bien établies pour pourfendre toute tiédeur ou mollesse. Ici on ne crée pas inutilement beau. Lucides témoins de leur temps, les artistes revendiquent, avec aplomb et véhémence, sans oublier souvent le sens du frisson esthétique, leur part de participation à la vie de la cité. Edgar DAVIDIAN
Plus de 500 m2 de superficie sont réservés au 26e Salon d’automne au musée Nicolas Sursock à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 28 janvier 2006. Bel espace qui ne fonctionne guère comme une galerie, mais comme un écrin princier pour des œuvres incluant céramique, sculpture, photographie, peinture et installation. Sur un ensemble de 278 œuvres présentées par 125 artistes, 105 (de...