RENCONTRE - Elle expose ses toiles au CCF, rue de Damas Hanane Hamdane: dessins d’enfants, fantasmes d’artiste

Pour Hanane Houhou Hamdane, « créativité = enfance ». Alors il ne restait plus à l’artiste qu’à caricaturer les images d’enfants. D’abord les siens (deux garçons de 9 et 6 ans) puis les élèves de son atelier d’apprentissage à l’art. Le résultat – 25 toiles multicolores – vous fait l’effet d’un bain de jouvence. C’est rafraîchissant, revigorant et c’est exposé à la salle d’exposition du CCF, rue de Damas, jusqu’au 6 janvier, de 13h à 19h. Hahane Hamdane fait l’éloge du dessin d’enfant. Elle y trouve la volonté de se libérer des formes du passé, un appel aux fondamentaux de la nature humaine. Elle rappelle que la création enfantine a toujours été une source d’inspiration aux vertus régénératrices pour l’art moderne. Matisse, Mirò, Klee, Kandinsky, Dubuffet, Michaux, lui ont fait des emprunts explicites. Elle raconte : « En 1943, Picasso, visitant une exposition de dessins d’enfants, a déclaré: “Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël, mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme eux”.» Apprendre à désapprendre, se débarrasser des moyens acquis, se libérer du talent... « L’intérêt pour le primitif se situe du côté d’un désir de renouveau », explique Hamdane. C’est à cela qu’aspire l’artiste qui donne à voir aujourd’hui le fruit de son inspiration infantile. Vingt-cinq toiles multicolores inspirées directement de dessins d’enfants âgés de 3 à 9 ans. « Ces œuvres respirent la transparence, la gratuité, le sens de la fête, l’instantanéité de l’invention. Toutes des caractéristiques de l’enfance.» Pour l’artiste, qui a suivi des études en architecture d’intérieur et en éducation artistique, valoriser l’art enfantin, ou l’imiter, est un moyen de commenter la condition adulte mais aussi de critiquer les institutions éducatives. Explications : « Tout le monde possède des facultés créatrices. Elles sont innées. Mais la socialisation les empêche de se manifester librement, affirme l’artiste. Lorsque l’enfant parvient à l’âge scolaire, on assiste souvent à une diminution de sa production graphique. L’écriture, les mathématiques, jugés plus “ sérieux ”, chassent le dessin et enclenchent le processus de socialisation. D’abord effectué pour le plaisir, le dessin devient peu à peu une activité dont le sérieux a pour contrepartie l’accès à l’univers adulte. Les ateliers, créés parallèlement à l’école, dans le but de permettre à l’enfant l’épanouissement de ses facultés créatrices, soulignent un manque, une faille dans l’enseignement artistique. » « Certes le dessin d’enfant est riche d’enseignements, mais notre émerveillement devant ces œuvres ne doit pas nous faire renoncer à ce devoir de transmission de cette expérience du dessin et de la peinture », ajoute Hamdane. Il s’agit donc d’un héritage précieux, incroyablement divers, pas du tout académique, et dont l’étude est émancipatrice et, à bien des égards, désinhibante pour l’enfant ou l’adulte curieux de voir et de communiquer. Côté technique, que lui apportent ces dessins d’enfants ? «Des tout-petits, j’apprends d’abord à ne pas en faire “trop”, à ne pas souligner l’effet, à ne pas glisser vers la répétition, la manière, le formalisme, c’est-à-dire vers une composition qui perdrait prise avec le motif pour tourner en circuit fermé. Un dessin d’enfant est toujours juste. Il peut, à mon goût, manquer d’élégance ou, bien au contraire, je peux lui trouver une grâce étonnante, il n’est jamais chic, fabriqué.» Il ne sent jamais «le mannequin», comme on disait autrefois aux beaux-arts. À travers cette exposition, Hanane Houhou Hamdane cherche surtout à renouer avec cet état premier de l’émotion. «L’éducation qui lui succède l’enrichit incontestablement, mais c’est au prix d’un effacement quasi-total de cet état de grâce que nous ressentons.» Comme la perte d’un paradis perdu. Maya GHANDOUR HERT