Bouderie ministérielle

Les Libanais sont fiers de leurs ancêtres phéniciens qui ont inventé l’alphabet. Malheureusement, nous voyons aujourd’hui d’autres innovations moins dignes de fierté, la dernière étant en matière de droit constitutionnel : c’est ce qu’on peut appeler une bouderie ministérielle, ou « ministres boudeurs ». En effet, au cours de la dernière réunion du cabinet, quatre ministres, voyant que la discussion tournait en défaveur de leurs alliés extra muros (dont ils se réclament ouvertement), expriment leur dissidence en quittant brusquement la salle et en claquant les portes. Boudant le gouvernement dont ils n’ont pas cessé de faire partie, ils s’isolent à leur domicile, évitant toute discussion sur leur comportement. Il y a pire encore : l’un d’eux, titulaire des Affaires étrangères, s’abstient d’assurer le suivi des affaires courantes, indifférent aux événements qui se déroulent sur la scène mondiale, sur lesquels les rapports arrivent et s’accumulent d’heure en heure sur son bureau. Il a fait toutefois une exception : il a reçu vendredi à son domicile un diplomate de haut rang, lequel diplomate avait eu la fantaisie d’aller voir ce ministre en rupture de ban, passant outre à toute règle protocolaire (voir photo L’Orient-Le Jour du 17/12/05, p.2). Ces façons d’agir dérouteront sans doute nos étudiants qui, en fouillant dans leur cours de droit constitutionnel, ne trouvent aucun repère sur une matière si grave. Ils ont, en effet, appris à la faculté qu’un ministre qui s’oppose à une décision du gouvernement doit ou se soumettre, ou se démettre. Pas de troisième choix. La conclusion évidente c’est que, après la dernière réunion du cabinet, les ministres réfractaires ne peuvent plus que présenter leur démission et dégager ainsi leur fauteuil pour qu’il soit occupé par d’autres. Mais persister dans cette bouderie et, au surplus, recevoir quand même des visiteurs officiels à la maison, ne fait honneur ni au gouvernement resté passif ni à eux-mêmes. Albert SARA