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Actualités - OPINION

TRIBUNE L’extermination de nos intellectuels

Mes larmes ne serviront à rien du tout, je vais juste me contenter de présenter non pas mes condoléances mais mes hommages à la famille de notre illustre Gebran Tuéni. Je ne le pleure pas, car Nayla nous a promis de le ressusciter à travers sa propre plume, à travers son propre combat. Nos intellectuels s’en vont les uns après les autres, et nous assistons à leur douloureuse extermination, impuissants et silencieusement révoltés. Et pendant que les assassins mettent à jour leur feuille de route et cochent les noms des victimes au rythme de leurs exécutions, que faisons-nous au Liban ? Nous observons nos partis s’entre-déchirer, se pointer du doigt, s’autoaccuser tout en nous chantant l’hymne de... l’unité nationale. Les médias ne se rendent pas compte que s’ils continuent à ce rythme, ce sont eux qui déclencheront une guerre civile. Une véritable campagne médiatique nous présente les chiites comme étant la cause de tous les maux. Pitié, arrêtons le massacre d’informations subjectives et esclaves des a priori ! Un journal, un journaliste se doit de donner l’information telle quelle, c’est-à-dire entière et nettoyée de tout jugement personnel. Pour commencer, les mots chiites, sunnites, et autres dénominations religieuses devraient être utilisés avec beaucoup de précaution. Lorsque des ministres chiites se retirent de l’Assemblée, on n’a pas le droit de commenter cet événement en disant que les « chiites se sont isolés du reste des Libanais » mais expliquer plus clairement que les responsables des partis Amal et Hezbollah ont… etc. Le danger de vos commentaires est que vous nous mettez, nous autres chiites qui n’appartenons à aucune mouvance politique, dans une situation de coupables, en situation de laissés pour compte, et que nous sommes l’objet d’une méfiance incontestable. Sachez que cette division que nous ressentons non plus comme une division politique ou religieuse mais comme une division ethnique, fait le jeu de notre ennemi quel qu’il soit. Serait-il syrien, israélien ou martien. D’autre part, je voudrais aborder le problème dans le fond. En simple lectrice que je suis, je voudrais que les journalistes fassent leur travail du début à la fin et m’expliquent pourquoi est-ce que les mouvements Hezbollah et Amal refusent ce fameux tribunal international. Il semble, quand on lit les médias, que le terme de « tribunal international » soit devenu le « sésame ouvre-toi », la porte merveilleuse d’Ali Baba qui nous donnera accès à la souveraineté, à l’unité de tous les partis, à l’éradication de la corruption, à une renaissance économique, etc. Vous nous informez que tel et tel parti ont discuté avec le Hezbollah et Amal mais nous, nous voulons connaître les conclusions. Refusent-ils le tribunal international en bloc ou bien demandent-ils certaines cautions ? Cautions qui sont, somme toute, tout à fait légitimes quand on connaît un tant soit peu la politique américaine. Puisque le tribunal international est si important, pourquoi n’aborde-t-on pas le problème de front en garantissant que ce tribunal international sera un tribunal comme le peuple le demande, c’est-à-dire neutre et indépendant, ne répondant qu’à des critères de justice ? Ne pensez-vous pas qu’ils ont le droit de craindre que ce tribunal ne devienne un lieu de règlements de comptes ? Un tribunal comme celui qui juge Saddam Hussein ? Cet homme abominable mérite le châtiment le plus dur, mais qui a le droit de le juger ? Quel tribunal ? Les Américains, que vous nous dites ne pas craindre, nous martèlent que les résolutions de l’ONU doivent être suivies manu militari et que le Hezbollah doit remettre ses armes. Sans entrer dans le débat sur l’importance qu’il y a à désarmer, j’estime que nous n’avons aucune leçon à recevoir d’un pays qui est lui-même entré en guerre en Irak sans l’accord de l’ONU. Oui, nous avons des résolutions à adopter, des résolutions à prendre pour que toutes les parties au Liban se sentent en sécurité. Mais nous voulons nous débrouiller seuls, sans « l’aide » des uns et des autres car aucune aide, qu’elle soit syrienne ou occidentale, n’est désintéressée. De plus, nos intellectuels n’ont rien à envier à personne et nous pouvons, toutes communautés confondues, construire un Liban libre et fort. À condition que tous les Libanais comprennent que le Liban ne se fera qu’avec toutes les parties en présence. Vous ne pouvez pas vouloir la paix et ignorer une communauté. Cette paix-là est impossible et insensée. Alors, plutôt que de pointer du doigt les chiites et de les mettre à l’écart, soyons unis et forts contre l’ennemi, contre l’extérieur. Nous sommes libanais, nous éprouvons tous ce sentiment de patriotisme ; personne ne peut prétendre être plus patriotique que l’autre uniquement parce que cet autre a des idées différentes. Les chiites ont beaucoup souffert de l’occupation et personne n’était là pour les aider à se débarrasser de leurs bourreaux. L’homme a la mémoire courte. Celui qui a souffert a besoin qu’on lui assure qu’il est à l’abri de toute invasion avant de lui demander de désarmer. Tôt ou tard, le Hezbollah devra remettre ses armes pour l’équilibre du pays, mais il est inutile d’exiger qu’il le fasse sous la pression nationale et internationale. Cela ne sert qu’à ranimer les cendres. Jusqu’à aujourd’hui, Israël ratisse le Liban-Sud malgré toutes les résolutions onusiennes. Alors, il y a une étape à faire avant le désarmement. Il y a des étapes à franchir pour que nous retrouvions notre Liban, celui que nous voulons. Un Liban pour tous les Libanais, un Liban où tous les Libanais auront des chances égales, quelle que soit leur confession. Ghada EZZEDINE

Mes larmes ne serviront à rien du tout, je vais juste me contenter de présenter non pas mes condoléances mais mes hommages à la famille de notre illustre Gebran Tuéni. Je ne le pleure pas, car Nayla nous a promis de le ressusciter à travers sa propre plume, à travers son propre combat.
Nos intellectuels s’en vont les uns après les autres, et nous assistons à leur douloureuse...