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Actualités - OPINION

Perspectives - Le régime syrien n’a toujours pas tiré la leçon de son échec au Liban Quand Damas s’obstine à ne pas vouloir comprendre la spécificité libanaise

«Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe. Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place… ». Ce petit passage du Chant des partisans, entonné en France lors de la Libération, peut prendre une dimension libanaise au lendemain du grand départ de Gebran Tuéni. Sa portée profonde devrait donner à réfléchir aux esprits staliniens, aux cerveaux « malades » – pour reprendre le terme de Walid Joumblatt – qui sévissent encore sur les bords du Barada. Mais la structure mentale des ténors du régime baassiste peut-elle saisir véritablement la signification réelle d’un tel message ? Rien n’est moins sûr. Manifestement, le pouvoir en place à Damas n’a toujours rien compris aux réalités, aux spécificités libanaises, qu’il n’a d’ailleurs pas été en mesure d’altérer durablement en dépit de trente ans d’occupation et de quinze ans d’implacable tutelle, en dépit des longues années de prétendues « relations privilégiées », imposées manu militari, sous le poids d’un terrorisme intellectuel moyenâgeux. Ce pouvoir n’a toujours pas compris – preuve en est sa débâcle du printemps dernier – que les Libanais restent, contre vents et marées, un peuple vaillant, attaché à sa liberté, à ses traditions libérales et démocratiques, à son ouverture sur le monde. Ce particularisme qui caractérise l’entité libanaise est enraciné dans l’histoire. Et dans la géographie. Il n’a jamais été démenti au fil des siècles. Il suffit, pour s’en convaincre, d’aller faire un tour dans la vallée sainte de la Qadisha. Il suffit aussi, à titre de simple exemple, de comprendre pour quelles raisons une université comme celle de Balamand a été construite dans la montagne libanaise alors que le siège du patriarcat grec-orthodoxe se trouve en Syrie. Pour comprendre la spécificité libanaise, il suffit également de regarder et d’analyser une carte géographique de la région. L’historien Jawad Boulos soulignait à cet égard, dans une conférence donnée en 1955, que « le rôle, la mission et le caractère particulier du Liban contemporain sont les effets de sa situation et de sa configuration géographiques, qui ont constamment développé dans ce pays, au cours des siècles, les mêmes phénomènes humains que l’on observe de nos jours ». Et d’ajouter au cours de la même conférence : « Grâce à ses montagnes, qui le protègent comme une forteresse, le Liban est un pays de refuge où, dès l’antiquité la plus reculée, des groupes sociaux distincts, à individualité vigoureuse, se sont constamment développés, dans une ambiance de liberté. » Ce facteur géographique constitue l’un des paramètres, parmi plusieurs autres, qui sont à la base de ce qui fait le particularisme du pays du Cèdre. Rien d’étonnant, par voie de conséquence, que les Libanais aient constamment été, et soient demeurés, l’élément moteur, le porte-étendard de la pensée libre et de la liberté d’expression dans le monde arabe. Et par le fait même, rien d’étonnant que la tentative d’anschluss de la Syrie vis-à-vis du Liban ait en définitive provoqué un effet contraire, malgré les efforts désespérés déployés par le régime en place à Damas pour phagocyter son petit voisin. Le plus déplorable est sans doute que le pouvoir syrien n’a toujours pas tiré les leçons de son échec au Liban. Il poursuit dans ses mêmes méthodes relevant d’une ère à jamais révolue, se refusant à admettre des réalités historiques, géographiques et sociales pourtant indéniables, incontournables. Il ne parvient toujours pas à concevoir, et surtout à comprendre, que si Kamal Joumblatt, Béchir Gemayel, René Moawad, Rafic Hariri, Samir Kassir, Georges Haoui ou Gebran Tuéni sont tombés, d’autres, de nombreux autres, faisant preuve de la même détermination et du même engouement à défendre les libertés et la spécificité libanaise, sortiront de l’ombre pour reprendre le flambeau. Et poursuivre la lutte. Le cours de l’histoire est irréversible et nul ne peut remonter le temps. Il est sans doute possible, à coups d’actions terroristes, d’entraver quelque peu, de retarder la marche de l’histoire, voire même de provoquer parfois des replis tactiques qui ne peuvent être cependant que temporaires et ponctuels. Mais il ne s’agit là que des ultimes soubresauts, des dernières convulsions, avant la chute finale. Il reste que la capacité de nuisance de l’adversaire n’est pas encore négligeable. Pour limiter les dégâts, et les pertes, il est, à l’évidence, plus que jamais impératif de faire preuve de vigilance, de reprendre l’initiative. Et, surtout, d’unifier les rangs, de dépasser les querelles de clocher. Les forces du 14 mars tout comme le général Michel Aoun, artisans ensemble de l’intifada de l’indépendance, ont sans conteste une responsabilité historique à assumer… Afin de sauvegarder l’esprit de la révolution du Cèdre. Et capitaliser sur l’inestimable acquis national arraché ces derniers mois. Michel TOUMA
«Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe. Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place… ». Ce petit passage du Chant des partisans, entonné en France lors de la Libération, peut prendre une dimension libanaise au lendemain du grand départ de Gebran Tuéni. Sa portée profonde devrait donner à réfléchir aux esprits staliniens, aux cerveaux « malades »...