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Actualités - OPINION

Le défi de hugo Chávez

par Jorge Castañeda Les récentes élections législatives qui se sont tenues au Venezuela ont confirmé la tendance qui a placé le pays à la une de tous les journaux ces dernières années. Le président Hugo Chávez a fait la démonstration une fois de plus qu’il jouit d’un large soutien parmi les populations pauvres et désespérées du pays et qu’il a une bonne mesure d’avance sur son opposition en termes de compétences politiques, d’habileté et de caractère impitoyable. Pourtant, on observe en même temps une baisse de la fréquentation des urnes au fur et à mesure de chaque nouvelle élection organisée sous le mandat de M. Chávez et la régularité douteuse des élections se fait de plus en plus visible. Il est certain que le retrait de l’opposition à quelques jours de l’élection représentait plutôt, comme le proclama M. Chávez, un symptôme de ses propres faiblesses plutôt que des problèmes de processus électoral. Et il est presque sûr que cette même faiblesse fait partie de l’étouffement progressif de certains aspects de la démocratie vénézuélienne traditionnelle. Même ainsi, les erreurs de l’opposition ont été très importantes, allant du soutien au coup d’État manqué contre M. Chávez, élu démocratiquement, en avril 2002 aux attaques sans résultat contre Pedevsa, la société pétrolière nationale du Venezuela, au début de 2003. Rien n’est plus dangereux en politique que l’échec lors de confrontations directes. Dans de telles circonstances, M. Chávez peut se permettre d’être audacieux, malgré ses échecs politiques quand il s’agit d’agir en faveur de sa base électorale : les 50 % ou plus de Vénézuéliens qui vivent dans la pauvreté et le désespoir. La pauvreté s’est accrue depuis que M. Chávez est arrivé au pouvoir en 1998 : le budget de l’État et les balances commerciales sont encore plus à la merci des revenus pétroliers aujourd’hui que cela ne fut le cas par le passé, et, hormis les programmes d’alphabétisation cubains et les services de proximité des « docteurs aux pieds nus », l’ensemble de la santé publique des populations pauvres a stagné, pour ne pas dire pire. Il est fort probable que l’avenir n’apportera aucun changement majeur. M. Chávez pourra modifier une grande partie de la Constitution à sa guise et parachuter en masse ses hommes dans le système judiciaire et les autorités électorales. Il continuera à distribuer des subventions grâce aux revenus pétroliers dans la tradition bien éculée des Marcos Pérez Jiménez et des Carlos Andrés Pérez. De ce fait, M. Chávez pourra se faire élire de nouveau l’an prochain et pourrait bien rester au pouvoir jusqu’à la fin de la décennie suivante. Pourtant, si c’est ce que le peuple vénézuélien veut, qu’il en soit ainsi. C’est, après tout, de leur ressort que de décider qui les gouvernera, et comment, tant que les droits de l’homme ne sont pas systématiquement bafoués ou les institutions démocratiques suspendues indéfiniment et que les standards internationaux de conduite des affaires sont respectés. Selon ce dernier élément, du moins, M. Chávez a peut-être été plus loin qu’il n’est permis. Pendant des années, on l’a accusé d’avoir repris le flambeau de Fidel Castro en soutenant une rhétorique radicale et anti-impérialiste, pour ne pas dire révolutionnaire, à travers toute l’Amérique latine. Il serait peut-être temps maintenant pour les nations d’Amérique latine et la communauté internationale de prendre ces accusations au sérieux. M. Chávez distribue du pétrole aux nations des îles Caraïbes et à Cuba et rachète la dette argentine pour soutenir la politique du président Nestor Kirchner. À Mar del Plata, en Argentine, le mois dernier, il a ouvertement participé à un rassemblement contre la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), en compagnie, entre autres, d’Evo Morales, le leader bolivien des planteurs de feuilles de coca, qui pourrait bien devenir le prochain président de Bolivie. De même, M. Chávez soutient ouvertement Daniel Ortega, l’éternel candidat sandiniste aux élections présidentielles nicaraguayennes et Shafick Handal, autre éternel candidat du FMLN au Salvador. Son ancien ambassadeur à Mexico a ouvertement participé avec véhémence à certaines soirées de campagne électorale présidentielle du maire de Mexico City, M. Andrés Manuel Lopez Obrador. Il semble que la politique étrangère de M. Chávez suive un thème principal : la provocation d’une confrontation majeure avec les États-Unis. Le danger étant, bien sûr, qu’au moment où cette confrontation se produira, si elle se produit, que ce soit au sujet de la Bolivie, de la ZLEA, des droits de l’homme ou de la liberté de la presse, il sera trop tard pour la maîtriser. Le défi est donc d’empêcher la confrontation que M. Chávez veut clairement provoquer. Malheureusement, le gouvernement de George Bush ne s’est jamais montré très adepte de la prévention des conflits. Les autres nations de l’hémisphère ont un intérêt direct à prévenir une bagarre qui les forcerait à prendre parti et pourrait même menacer leurs intérêts économiques et de sécurité nationale. Bien que de nombreuses positions de M. Chávez aient reçu un certain soutien de la part de quelques nations d’Amérique latine, la division qu’il a créée en Amérique latine, avec l’aide de Cuba la castriste, entre la droite et la gauche, entre les défenseurs du libre-échange et les « bolivaristes », entre les pro et les antiaméricains, est essentiellement artificielle, mais assurément pas impossible à dépasser. Assurément, de nombreux leaders d’Amérique latine ont essayé d’apaiser et de contrôler M. Chávez, sans résultat. Il pourrait nous en coûter très cher de ne plus essayer. La dernière fois que des révolutionnaires se sont opposés aux États-Unis, en Amérique centrale, dans les années 1980, tout le monde y a perdu. De nouvelles divisions dans l’hémisphère, créées par un leader baignant dans les revenus du pétrole, se montreraient bien plus catastrophiques. Jorge Castañeda est un ancien ministre des Affaires étrangères du Mexique. Project Syndicate 2005. Traduit de l’anglais par Catherine Merlen.
par Jorge Castañeda

Les récentes élections législatives qui se sont tenues au Venezuela ont confirmé la tendance qui a placé le pays à la une de tous les journaux ces dernières années. Le président Hugo Chávez a fait la démonstration une fois de plus qu’il jouit d’un large soutien parmi les populations pauvres et désespérées du pays et qu’il a une bonne mesure d’avance...