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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - « Lysistrata », au Théâtre de Beyrouth, jusqu’au 11 décembre Alain Plisson lâche la bride à Aristophane

Avec une actualité époustouflante dans l’écriture et dans la direction scénique, Alain Plisson a réussi à adapter et à mettre sur scène «Lysistrata», une pièce antique d’Aristophane datant du Ve siècle av. J-C. Tout en respectant le traditionnel canevas de la pièce : épure du cadre, nombre de personnages, chants et musique parcourant l’action, il a réussi son pari. Un pari qu’il renouvelle chaque année avec la même fougue et la même persévérance, et que ses aficionados attendent avec autant d’impatience que de plaisir. Le décor de Lysistrata ou la grève de l’amour est bien planté: des chapiteaux grecs annoncent la couleur. L’action a lieu à Athènes. Au coup des 20h30, onze acteurs, six femmes et cinq hommes en costumes d’époque, présenteront sur les planches, durant une heure, une pièce formidablement adaptée à notre temps et qui, pourtant, s’inspire de la pièce d’Aristophane, écrite en l’an 411 av. J-C. De cet auteur grec qui, contrairement à Socrate et à Euripide, a magnifié la comédie, il nous est parvenu seulement onze œuvres représentant toutes des variations satiriques sur des thèmes d’actualité. À les lire avec un peu de recul, elles sembleraient avant-gardistes et visionnaires. C’est dire combien elles sont intemporelles. Une adaptation très actualisée Dans cette œuvre qui se joue actuellement au Théâtre de Beyrouth et qui a été souvent réadaptée au cinéma ou au théâtre, Lysistrata, interprétée avec maîtrise par Valérie Debahy et qui serait dans notre monde actuel une passionaria militant pour les droits de la femme, est le personnage central de la pièce. Autour d’elle pivotent cinq autres actrices, archétypes de la femme d’hier et d’aujourd’hui: Cléonice, femme au foyer que campe Pavla Riga; Myrrhine (Stéphanie Karkour), jeune mariée candide qui ne s’est pas encore appesantie dans la lourdeur du mariage (sa robe légère le reflète tellement); Lampito, la spartiate May Ogden Smith, un mélange de femme-aérobics et arts martiaux; Eunide (Denise Chamoun) qui n’a de Dieu que Zolotas et d’yeux que pour ses bijoux. Enfin une coquine Yasmina Toubia, portant sur ses épaules le lourd passé des courtisanes, des gourgandines, des geishas, des catins ou des p... respectueuses de Sartre. Nous les femmes Ces femmes -là, pourtant si différentes, vont se solidariser et s’approprier le pouvoir. Femmes des années 80 aurait chanté Sardou, mais c’est sur l’air de Vous les femmes de l’Ibère Julio Iglesias que le mouvement de grève entamé par la gent féminine dénoncera les effets néfastes de la guerre. En effet, pour punir leurs maris trop occupés à guerroyer, elles ont décidé, poussées par Lysistrata, de les priver de sexe. Un dialogue vivant et très «tendance» s’instaure. Émaillé d’allusions aux guerres qui font rage de nos jours et à une certaine guerre, plus ancienne et plus forte car plus enracinée, celle des sexes, tout y passe avec le verbe truculent de Plisson. Des sujets légers à d’autres plus graves, il va évoquer avec autant de moquerie et de raillerie le sida, le Viagra, l’homosexualité ainsi que la futilité des femmes et la faiblesse des hommes. Face à cet éventail du sexe faible, un échantillonnage d’hommes fort bien choisis campe les différentes figures mâles. Du chaud lapin Yann Marincamp (amusant à outrance), guerrier célèbre qui a hâte de retrouver la couche conjugale, au général commissaire Jacques Mohbat, représentant l’autorité masculine, en passant par Zaza, le travesti, interprété sans aucune vulgarité par Jean-Louis Ghazi, Plisson a pris le soin de n’oublier personne. Et surtout il y a le tandem Plisson-Ingea, les deux gérontocrates vieillissants, véritables feux follets de la scène et qui la traversent en gesticulant et se bousculant, rappelant les grands comiques passés. Leurs rebondissements ainsi que leur grain de folie, soutenus par un professionnalisme inégalé, relancent l’action, ne laissant pas ainsi s’installer des passages à vide. Maîtres de l’autodérision démesurée et de la fantaisie débridée, Plisson et Ingea, à qui on doit respectivement les conceptions scéniques, artistiques et le décor, se détachent du jeu de certains comédiens qui n’ont pas réussi à s’approprier totalement le rôle. Mais qu’importe les légères faiblesses sur le plan individuel si l’œuvre dans son ensemble est une structure compacte bien ficelée qui a réussi à porter son message : réjouir son public. Rien que pour cela, merci M. Plisson. Colette KHALAF

Avec une actualité époustouflante dans l’écriture et dans la direction scénique, Alain Plisson a réussi à adapter et à mettre sur scène «Lysistrata», une pièce antique d’Aristophane datant du Ve siècle av. J-C. Tout en respectant le traditionnel canevas de la pièce : épure du cadre, nombre de personnages, chants et musique parcourant l’action, il a réussi son pari. Un...