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Réhabiliter le principe de légalité

Par Antoine MESSARRA* La gouvernance passe aujourd’hui au Liban, en priorité, par la réhabilitation du principe de légalité (règle de droit/Rule of Law), bafoué, surtout depuis 1990, par une instrumentalisation de la loi au lieu d’une approche normative de la loi. Bafoué aussi par une Administration qui contourne l’obligation de respect de la loi par des pratiques et une inflation de circulaires incohérentes, et le plus souvent contraires aux lois et décrets. Ces circulaires ne sont pas classées, diffusées, harmonisées, consignées dans des recueils de jurisprudence administrative interne, avec accessibilité et transparence aux utilisateurs. À titre d’exemple, un même article du code fiscal au Liban est appliqué d’une manière à Zahlé, d’une autre à Tripoli, d’une autre à Saïda..., le plus souvent en connaissance de cause, par favoritisme, corruption et trafic d’influence, sous le couvert de la loi, toute instrumentalisée. Plus grave encore, la réhabilitation du principe de légalité passe par le Parlement et le Conseil des ministres, où l’abondance des propositions et projets de loi et décrets, nouveaux ou pour l’amendement de textes antérieurs, donne l’illusion de vitalité de la vie législative au Liban. Or la réalité est souvent autre, puisque des lois et décrets passent sous table et sur mesure pour des personnes et des catégories de personnes, sans référence à une politique publique concertée, sans cohérence avec l’ensemble des législations, sans même un exposé des motifs, et cela afin de camoufler les vrais enjeux, sans étude préalable de l’applicabilité des lois et des coûts de cette applicabilité, et sans organisme intermédiaire (autre que la magistrature) qui veille à l’effectivité du droit. On ne peut continuer à appréhender le droit public (Constitution, Administration...) suivant les mêmes schèmes de pensée que le droit privé (obligations et contrats, droit commercial...). Le droit public passe en effet par un organisme intermédiaire, l’Administration, qui favorise la mise en application du principe de légalité, ou au contraire le bafoue et le viole au quotidien, sous le convert d’une loi instrumentalisée. Que faire ? Il s’agit de : 1- Généraliser la pratique de l’ « Exposé des motifs » dans les lois et décrets. 2- Poursuivre le travail entrepris depuis 2003 par le ministre d’État pour les rapports avec le Parlement, M. Michel Pharaon, en ce qui concerne la transparence dans le travail parlementaire de légifération. 3- Former pour les nouvelles lois de politique publique des « comités parlementaires » qui suivent, durant un an ou plus, l’effectivité des lois. 4- Entreprendre un travail d’unification, de synchronisation, de publication et de diffusion des « jurisprudences administratives internes » des administrations publiques, afin de limiter la violation par l’Administration, de bonne foi, incompétente ou clientélisée, des lois et décrets, souvent à travers une instrumentalisation de la loi dont le fondement même est, et doit être, sa valeur normative. Et trois problèmes d’opérationnalité se posent : 1- La garantie de l’ « effectivité » du droit, surtout en ce qui concerne les politiques publiques et tous les domaines qui relèvent du droit public dont l’application passe par le canal administratif. 2- La promotion de « leviers » du changement : acteurs, institutions, ONG, organisations professionnelles... 3- La « durabilité » du changement, limitant les ruptures et discontinuité. * Coordonnateur du programme « Observatoire libanais de législation » (2004-2007).
Par Antoine MESSARRA*

La gouvernance passe aujourd’hui au Liban, en priorité, par la réhabilitation du principe de légalité (règle de droit/Rule of Law), bafoué, surtout depuis 1990, par une instrumentalisation de la loi au lieu d’une approche normative de la loi. Bafoué aussi par une Administration qui contourne l’obligation de respect de la loi par des pratiques et une inflation...