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Actualités - CHRONOLOGIE

À l’Espace SD jusqu’au 17 décembre Installation « Hills of Keys » de Abdallah Kahil Des clefs pour le passé

Abdallah Kahil installe, au laboratoire de l’Espace SD, des collines de clefs, des murs en aluminium et du papier kraft. Dans cet espace expérimental, l’œuvre « Hills of Keys » revêt une symbolique très forte. Explications. Personne ne l’ignore. La clef c’est le symbole d’une propriété. En 1948, 750 000 Palestiniens ont fui leurs foyers. Ils ont pris avec eux les clefs de leurs maisons. Croyant rentrer dans un mois ou deux, trois tout au plus. Aujourd’hui, les serrures ont été changées, les maisons probablement détruites. Les clefs, elles, sont toujours gardées précieusement dans des boîtes en bois ouvragées ou accrochées aux murs des salles à manger. Qu’ils vivent à Haïfa ou à Naplouse, à Beyrouth, à Amman ou à Washington, qu’ils soient nationalistes, laïcs ou islamistes, travailleurs ou intellectuels, les Palestiniens ont tous, à la vue de ces clefs, le sentiment amer de revivre, directement ou par parents interposés, la catastrophe de 1948. Cette clef est le symbole du passé qui renvoie perpétuellement à un désir de vengeance et de retour, du non-sens d’un passé qui emprisonne le présent et qui bloque le futur. « C’est le symbole de l’histoire des Palestiniens, acquiesce Kahil. Indépendamment des débats politiques actuels, le problème des déplacés est une catastrophe humanitaire qu’on ne peut pas ignorer. Elle est liée à toute l’histoire du Moyen-Orient. » Mais la clef, c’est aussi un peu l’histoire personnelle de Kahil. Quand il est parti à New York au début des années 80, il a longtemps gardé les clefs de sa maison beyrouthine à portée de main. « C’est lié à l’identité. J’avais d’ailleurs tout le temps ma carte d’identité libanaise sur moi. Elle ne servait à rien là-bas, sinon à me rassurer sur mon origine. À me rappeler certains souvenirs. » Excavation de la mémoire L’installation « Hills of Keys » possède plusieurs parallèles avec les pratiques archéologiques. L’artiste nous en donne les clés. Il définit d’abord l’archéologie comme étant «l’étude scientifique des peuples historiques ou préhistoriques et de leurs cultures, à travers l’analyse des objets, inscriptions, monuments et autres objets de fouille ». Il indique également que « les personnes déplacées laissent derrière elles des traces. Ces traces font partie du passé. Souvent, c’est le passé qui forge l’identité ». Mais d’où vient le mot Hills (collines) dans le titre de l’installation et pourquoi les clefs sont-elles disposées en tas. « Au Proche-Orient, la plupart des sites archéologiques se situent sur un “tell” ou “colline”. Lorsqu’un site archéologique est identifié, on construit une grille. L’excavation peut alors commencer. C’est sur la grille que l’on enregistre les objets exhumés. Ces derniers sont collectés, étudiés, analysés, évalués. L’étude est ensuite publiée dans un magazine spécialisé. Les chercheurs inventent des théories, tirent des conclusions sur ces objets, sur leur fonction et leur mode d’utilisation. L’âme humaine derrière ces objets, on n’y prête aucune attention ! Elle n’appartient qu’aux étagères de l’histoire. » Les panneaux en aluminium (un matériau froid et impersonnel) font référence aux murs de la honte qui séparent la Cisjordanie des territoires occupés. Et le papier kraft ? Pour emballer le tout et les jeter aux oubliettes ? « Hills of Keys » se présente ainsi comme une vaste mise à vif de la mémoire collective. Maya GHANDOUR HERT
Abdallah Kahil installe, au laboratoire de l’Espace SD, des collines de clefs, des murs en aluminium et du papier kraft. Dans cet espace expérimental, l’œuvre « Hills of Keys » revêt une symbolique très forte. Explications.
Personne ne l’ignore. La clef c’est le symbole d’une propriété. En 1948, 750 000 Palestiniens ont fui leurs foyers. Ils ont pris avec eux les clefs de leurs...