Rechercher
Rechercher

Actualités

Mirèse Akar n’est plus Point final

Qui donc prétendait que le temps efface tout ? Faux ! Les souvenirs que l’on croyait à jamais enfouis dans quelque recoin de la mémoire, voici qu’ils ressurgissent, intacts, quand la personne à laquelle ils se rattachent brutalement s’en va. Dans les flash-back qui se bousculent alors, il y a bien sûr la nostalgie des jours à jamais envolés, avec ce goût de doux-amer à nul autre pareil et ces regrets qui, en enjolivant tout, savent si bien, comme une incomparable auréole, nimber les êtres et les choses. Mirèse Akar, je la revois, toute jeune dans sa robe bien sage, le rouge aux joues, parlant d’une toute petite voix en s’excusant presque d’oser placer un bout de phrase. Elle s’essayait à l’écriture, et les colonnes de ce journal auquel, jusqu’au bout, elle devait rester fidèle, s’ouvraient à sa prose d’abord chancelante, avant que de s’affermir au fil des articles et de se parer de cette limpidité, de cette fausse aisance à quoi on reconnaît le talent. L’enfant douée, choyée par tout et par tous, aurait tant voulu tenir ses promesses, malgré le véritable arrachement représenté par l’interminable exil parisien. Mais voilà, il y eut l’autre exil, celui de l’implacable quotidien qui l’éloignait de son amour pour la littérature. Ah ! S’il était possible de dire un jour toutes les œuvres non écrites, restées dans les limbes de la mémoire, à jamais perdues… C’est que cette grande dévoreuse de livres aurait voulu entrer à son tour en écriture pour livrer – oubliant dans des pages véritablement siennes l’extrême pudeur qui trop souvent la retenait – ce qu’elle aurait tant voulu dire. Au lieu de quoi, elle dut s’astreindre à de fastidieux travaux de traduction ou de lecture de manuscrits, de longues années durant. Trop longues, doivent regretter ceux qui, la connaissant, avaient eu le loisir d’apprécier l’élégance de son style, sa prodigieuse culture et surtout cet humour, volontiers corrosif, qui, sur le tard, tournait à l’autodérision. C’est qu’elle s’amusait à donner d’elle-même une image bien peu fidèle, elle qui avait choisi il y a fort longtemps d’alterner les masques au gré des moments. Et pourtant… Sa calligraphie nette, limpide, large la trahissait. Tout comme révélaient son véritable caractère ses éphélides (elle ne parlait jamais de ses taches de rousseur). Son adieu à la vie, elle lui avait donné la forme d’un roman – enfin un ! Extrait : « Je veux que tout le monde soit à mes pieds. Je le mérite largement. » Bien sûr qu’Ovide, poète latin mort lui aussi en exil, « applaudirait des deux mains ». Le titre de ce poignant aveu : Je ne suis là pour personne. Désolé de te contredire, Mirèse… Christian MERVILLE

Qui donc prétendait que le temps efface tout ? Faux !
Les souvenirs que l’on croyait à jamais enfouis dans quelque recoin de la mémoire, voici qu’ils ressurgissent, intacts, quand la personne à laquelle ils se rattachent brutalement s’en va. Dans les flash-back qui se bousculent alors, il y a bien sûr la nostalgie des jours à jamais envolés, avec ce goût de doux-amer à nul autre...