Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

JOURNÉE MONDIALE DU SIDA - Cinquante-sept nouveaux cas enregistrés au Liban en 2005 Mokhbat accuse l’État : les malades ne sont pas correctement pris en charge

Il aurait été souhaitable, qu’à l’occasion de la Journée mondiale du sida (célébrée le 1er décembre de chaque année), de présenter les avancées dans le domaine au Liban pour lutter sensiblement contre la discrimination dont souffrent toujours les personnes atteintes du virus d’un côté et pour améliorer leur situation de l’autre. Mais une fois de plus, cette journée se présente comme une occasion pour dénoncer le désintéressement des responsables à l’égard des patients et leur incapacité à saisir l’ampleur de leur problème. Puisqu’une fois de plus, et vous l’avez certes deviné, les patients se retrouvent à court de traitements. Des traitements que, rappelons-le, le gouvernement s’est engagé à assurer à toutes les personnes atteintes du VIH/sida. « Au Liban, le malade n’est pas correctement pris en charge par les autorités concernées. » Pour la énième fois, le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses, responsable de la division de bactériologie à l’hôpital Rizk et chef du département de médecine interne à la faculté de sciences médicales de l’Université libanaise, déplore la situation dans laquelle se retrouvent les personnes atteintes du virus. « Le malade doit lui-même payer sa propre consultation médicale, évidemment, la médecine au Liban étant privée, explique le Dr Mokhbat. De plus, il doit assurer ses propres bilans de départ et même de suivi qui sont parfois onéreux. Ce qui décourage les médecins à demander les tests et les malades à les faire. C’est vraiment dommage. » « L’État, par contre, prend à sa charge les médicaments antirétroviraux et prend également à sa charge l’hospitalisation, poursuit le Dr Mokhbat. Avec l’inauguration de l’hôpital gouvernemental de Beyrouth, l’hospitalisation des patients atteints du virus est devenue plus facile, puisque les hôpitaux privés qui avaient des lits en assistance publique n’ont jamais accepté un malade du sida. Ils ont toujours évoqué les problèmes qu’ils ont avec le ministère de la Santé pour ne pas avoir à les hospitaliser. Par ailleurs, vu la baisse significative des prix des médicaments pour le traitement du sida obtenue soit grâce aux accords signés avec les compagnies pharmaceutiques, soit grâce à l’achat des produits génériques, on a réussi à réduire sensiblement la facture gouvernementale. Malheureusement, cette économie n’a pas été utilisée pour améliorer le suivi biologique des malades. » Ni pour assurer les médicaments continuellement. « Malheureusement, le patient souffre toujours d’une rupture du traitement due aux erreurs et aux problèmes dans la gestion des stocks, déplore le Dr Mokhbat. Ce problème persiste. Et franchement, je ne comprends pas ce qui se passe. » Sept médicaments disponibles au Liban Actuellement, les médecins disposent de six médicaments et d’un septième qui est régulièrement importé grâce à un accord spécial du ministre de la Santé. « Nous disposons de quatre médicaments de la famille des nucléosides, de deux médicaments de la famille des non-nucléosides et d’un médicament de la famille des antiprotéases », souligne le Dr Mokhbat. Pour que le traitement soit efficace, il faudrait associer trois médicaments : deux nucléosides et un antinucléoside ou deux nucléosides et un antiprotéase, les nucléosides étant l’ossature de la trithérapie. « L’antiprotéase que nous avons au Liban est peut-être le plus ancien sur le marché mondial, note le Dr Mokhbat. Son efficacité n’est pas mise en doute, mais il a plusieurs effets secondaires. En fait, il est toxique pour le bébé, entraîne des troubles lipidiques, des calculs, des nausées et des vomissements. Il est donc urgent de le remplacer par d’autres médicaments de la même famille qui soient plus tolérés et qui existent d’ailleurs sur les marchés américain et européen. » « En ce qui concerne les nucléosides, nous en disposons de quatre qui ont parfois des résistances croisées, ajoute le Dr Mokhbat. Si les médecins incluent donc l’un d’eux dans le traitement, ils perdent l’efficacité de l’autre. Et il nous est vraiment difficile au Liban de trouver d’autres associations de médicaments si la première intention échoue. Nous n’avons pas une alternative valable, d’autant que deux des quatre nucléosides existant au Liban ont pratiquement la même composition. Donc si pour une raison ou pour une autre le traitement échoue et qu’une résistance se développe à cause des interruptions des stocks ou parce que le patient n’est pas adhérent au traitement, nous nous trouvons dans l’obligation de faire des associations qui ne sont pas des plus optimales. Les antinucléosides disponibles au Liban, enfin, ont des résistances similaires et leur activité est plus ou moins semblable. » Médecins et patients sont limités donc dans leur choix, ce qui est « gravissime, vu les interruptions continues des stocks ». « Même si le patient est super-adhérent au traitement, le ministère malheureusement ne le lui fournit pas correctement », dénonce le Dr Mokhbat, précisant que sur le marché mondial il existe une panoplie de vingt-deux médicaments, soit l’équivalent d’au moins quatre, voire cinq, intentions de traitement. Une maladie qui n’a jamais été une priorité À quel niveau se pose vraiment le problème de la prise en charge du patient du sida ? « Le problème revêt différents aspects, répond le Dr Mokhbat. Premièrement, le ministère de la Santé gère lui-même le processus d’importation du médicament et non pas le Programme national de lutte contre le sida. Deuxièmement, le sida n’est plus une priorité, d’ailleurs il ne l’a jamais été dans les pays du Moyen-Orient où les responsables n’ont jamais considéré que cette maladie pourrait un jour devenir une menace sérieuse. Troisièmement, les nouveaux médicaments disponibles sur le marché international ne sont pas proposés au ministère de la Santé à des prix réduits et demeurent par conséquent des produits excessivement chers. De plus, vu le processus administratif archaïque et ottoman suivi au ministère de la Santé, les compagnies pharmaceutiques ne sont pas prêtes à faire des efforts pour enregistrer un médicament pour le sida, d’autant qu’il s’agit d’un marché limité (880 cas cumulatifs jusqu’à ce jour, cinquante-sept nouveaux cas ayant été détectés en 2005). Elles préfèrent garder cette énergie pour un médicament qui leur serait rentable. Enfin, le ministère de la Santé n’arrive pas à être convaincu de l’idée des sociétés multinationales, c’est-à-dire des sociétés qui sous-traitent la fabrication de leurs produits à des pays où la main-d’œuvre est moins chère. » Ces médicaments n’ont-ils pas de génériques ? « Malheureusement, le marché générique au Liban n’est pas soumis à une réglementation sérieuse, remarque le Dr Mokhbat. C’est un marché qui demeure ouvert et chaotique. De plus, les sociétés génériques ne produisent pas les nouveaux médicaments. » Entre-temps, les personnes atteintes du VIH/sida essaient de s’adapter avec la situation, vivant un nouvel épisode de l’éternel feuilleton cauchemardesque.
Il aurait été souhaitable, qu’à l’occasion de la Journée mondiale du sida (célébrée le 1er décembre de chaque année), de présenter les avancées dans le domaine au Liban pour lutter sensiblement contre la discrimination dont souffrent toujours les personnes atteintes du virus d’un côté et pour améliorer leur situation de l’autre. Mais une fois de plus, cette journée se...