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Actualités - CHRONOLOGIE

Rana Husseini travaille sans relâche depuis plus de dix ans pour dénoncer ces assassinats au sein du royaume hachémite En Jordanie, débattre des « crimes d’honneur » n’est plus un tabou

Le combat qu’elle mène est exceptionnel. Rana Husseini, journaliste jordanienne et militante en faveur des droits de la femme, travaille sans relâche depuis plus de dix ans pour dénoncer les « crimes d’honneur » dans le royaume hachémite. Tout commence pour Rana Husseini en 1994. À l’époque, la jeune femme était responsable de la section judiciaire du journal Jordan Times où elle rapportait les différents crimes commis à travers le pays. Au fil des jours, elle remarque que certains meurtres passent pratiquement inaperçus : les assassinats de jeunes filles, tuées par un parent pour « laver l’honneur de la famille ». En Jordanie, une vingtaine de « crimes d’honneur » sont enregistrés, chaque année. Soit 25 % du nombre total des meurtres dans le pays. Non seulement ces crimes passent pour de simples faits divers dans les médias, mais l’assassin est considéré comme un héros par son entourage, alors que la victime est traitée avec mépris, notamment par sa propre famille, qui considère qu’elle a mérité son sort. De quoi susciter, chez la journaliste, un fort « sentiment d’injustice » et surtout de révolte. Pour Rana Husseini, ce comportement familial reflète plus largement un phénomène social de « discrimination à l’encontre de la femme » en tant que personne, et de ses droits en général. Une situation qui se reflète sur le cadre légal jordanien, puisque les délinquants bénéficient d’une indulgence certaine au niveau des lois elles-mêmes et de leur application. Un tueur n’écopera ainsi que de quelques mois de prison s’il s’agit d’un « crime d’honneur ». Alors que pour protéger une jeune fille menacée, on la jette en prison plutôt que dans un centre d’accueil. Selon Rana Husseini, « il y a en permanence entre 40 et 50 filles en danger qui trouvent refuge dans les prisons jordaniennes ». Rapidement, la journaliste s’est considérée investie d’une mission spéciale, celle d’être la porte-parole de ces femmes sans voix et sans défense. Une mission qu’elle remplit depuis plus de dix ans. « J’ai relevé tous les crimes d’honneur qui ont eu lieu en Jordanie, cas par cas, avec assiduité et sans relâchement », affirme la journaliste jordanienne, qui essuie critiques et menaces. On l’a en effet accusée, entre autres, de porter atteinte à la réputation du pays, de chercher la célébrité grâce à des articles provocateurs, d’être une féministe radicale, de travailler pour le compte de pays étrangers… Elle a toutefois reçu de nombreuses lettres d’encouragement et de soutien ainsi que des messages dans lesquels les lecteurs avouaient leur stupéfaction en découvrant l’existence d’un tel phénomène. « Certaines personnes ne savaient pas, jusqu’il y a deux ans, que les filles en danger sont hébergées dans des prisons pour les protéger de leurs parents », s’indigne Rana Husseini. Malgré tout, elle affirme fièrement que son action a permis de briser un tabou en posant les fondements d’un débat public au sein de la société jordanienne. « Avant, personne n’osait parler des crimes d’honneur, le problème ne se posait même pas », affirme la journaliste. « Aujourd’hui, au moins, les gens ont conscience de l’existence de ces crimes ». Même si statistiquement le nombre des meurtres n’a pas diminué en dix ans, les Jordaniens discutent plus ouvertement de ce problème. « La question n’est plus s’il existe ou non des crimes d’honneurs, mais si on est pour ou contre des sanctions dures contres les meurtriers », observe ainsi Rana Husseini, regrettant toutefois que « le sujet ne soit une priorité ni pour le gouvernement ni pour la société civile ». Elle s’indigne par ailleurs des tentatives des politiciens d’éviter les questions d’ordre social en invoquant certaines difficultés politiques d’ordre interne ou les conflits régionaux. Néanmoins, la journaliste affirme que suite aux pressions exercées par plusieurs ONG, le gouvernement a promis de bâtir un centre d’hébergement spécialisé pour accueillir les filles en danger. Rana Husseini promet enfin de continuer à défendre les droits de la femme dans tous les domaines, malgré toutes les difficultés encourues, affirmant que personne ne pourra la convaincre que tuer un être humain est légitime, ni du point de vue social ni du point de vue de la charia. « J’ai toujours été optimiste, affirme-t-elle, et c’est pour cela que je vais poursuivre mon combat. » Dossier réalisé par Antoine Ajoury
Le combat qu’elle mène est exceptionnel. Rana Husseini, journaliste jordanienne et militante en faveur des droits de la femme, travaille sans relâche depuis plus de dix ans pour dénoncer les « crimes d’honneur » dans le royaume hachémite.
Tout commence pour Rana Husseini en 1994. À l’époque, la jeune femme était responsable de la section judiciaire du journal Jordan Times où elle...