Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

LE POINT La troisième voie

La petite histoire retiendra qu’Amir Peretz a perdu sa première bataille politique le mercredi 23 novembre 2005, quand le chef de l’État a signé le décret de dissolution de la Knesset et fixé au 28 mars la date des élections anticipées. Lors de leur rencontre, jeudi dernier, le tombeur de Shimon Pérès avait, en effet, avancé devant Ariel Sharon une proposition qui avait tout l’air d’une galéjade : « Je suggère d’organiser le scrutin législatif entre le 26 février et le 9 mars » (deux journées qui correspondent aux dates respectives de leur naissance). Hier, Moshe Katsav en a décidé autrement… Le Premier ministre, pour sa part, n’a pas hésité à changer nettement de cap : après s’être prononcé contre une modification du calendrier prévoyant à l’origine une consultation populaire en novembre 2006 (« Le peuple ne veut pas aller aux urnes si tôt », avait-il estimé), il a fini par se résigner à ce qui paraissait inéluctable. Dans le même temps, il décidait de claquer la porte du Likoud, un parti qu’il avait contribué à créer en 1973, avec la fusion intervenue sous son égide entre le Gahal auquel il appartenait et le La’am, ardent défenseur du concept d’« Eretz Israel » Habile manœuvrier – on l’avait constaté à l’occasion de la percée du déversoir, lors de la guerre d’octobre 1973 – « Arik » vient ainsi de faire d’une pierre trois coups : accélérer la chute d’un gouvernement dont, plus que ses alliés traditionnels, lui-même ne voulait plus, éviter une confrontation directe au sein de son ancienne formation avec son adversaire de toujours, Benjamin Netanyahu, s’assurer à l’avance un nombre record de sièges dans l’Assemblée à venir en enlevant des voix à la droite et au centre représenté par le Shinoui. Trois premiers sondages effectués en début de semaine créditent son parti, « Responsabilité nationale », de 30 à 33 sièges, contre 25 sièges aux travaillistes et moins d’une quinzaine au Likoud. En clair, cela signifie que le vieux baroudeur paraît assuré, dans quatre mois, d’un troisième mandat à la tête de l’Exécutif. Mais il lui aura fallu auparavant aller jusqu’au bout de la délicate partie de poker engagée contre l’aile ultraconservatrice, menée par son ancien ministre des Finances, au risque de mériter le surnom peu flatteur de fossoyeur de son propre cabinet. Consolation majeure pour l’intéressé : il est parvenu à hâter le processus de décomposition de ce qui aura représenté, deux décennies durant, la principale force politique. Dans le même temps, il aura, en optant pour une voie médiane, brisé le monopole de fait exercé par les deux grands axes qui délimitaient jusqu’à présent l’horizon. C’est ainsi qu’il y avait grosso modo les partisans et les adversaires d’une négociation avec les Palestiniens, les tenants d’une ligne sociale résolument progressiste et les défenseurs d’un capitalisme débridé rompant avec les idées des pères fondateurs, tout comme il y avait les Ashkénazes et les Sépharades. Maintenant que le paysage s’est quelque peu éclairci, les prochaines heures vont être consacrées, après la défection des ministres du « Labour », à la constitution d’une équipe de transition, une mission facilitée par le fait qu’il ne faudra pas pour cela l’aval de la Chambre. L’une des victimes du miniséisme de ces journées aura été la loi de finances, dont l’examen est reporté au printemps et qui ne pourrait être approuvée, au mieux, qu’en juillet. Entre-temps, les dépenses seront engagées et les échéances honorées sur la base du douzième provisoire, un palliatif peu fait pour renforcer la stabilité économique, ainsi que vient de le souligner Uriel Lynn, président de la Fédération des Chambres de commerce, dans une circulaire aux parlementaires. Mais c’est surtout le processus de paix qui risque de pâtir de tous ces bouleversements. Premier à pointer le danger, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, dans le langage tout en litotes qui est le sien, a jugé que « certaines propositions ne pourront pas être faites durant cette période de campagne électorale, et nous allons donc vers une paralysie provisoire ». Pourtant, Tel-Aviv prétend continuer de s’en tenir à la « feuille de route » du quartette (États-Unis, Union européenne, Russie, ONU) et de prévoir un accord de paix dans le courant de l’année prochaine. S’il exclut un nouveau retrait unilatéral après le démantèlement des colonies de peuplement dans la bande de Gaza, Sharon serait disposé, à l’en croire, à « des concessions douloureuses » n’incluant pas toutefois Jérusalem, les points de peuplement en Cisjordanie et l’ensemble de la vallée du Jourdain. On le voit, la facture promet d’être lourde, non point pour les Israéliens, mais bien pour les Palestiniens eux-mêmes. Et le centre sharonien tant attendu s’annonce comme nettement penché à droite. Christian MERVILLE
La petite histoire retiendra qu’Amir Peretz a perdu sa première bataille politique le mercredi 23 novembre 2005, quand le chef de l’État a signé le décret de dissolution de la Knesset et fixé au 28 mars la date des élections anticipées. Lors de leur rencontre, jeudi dernier, le tombeur de Shimon Pérès avait, en effet, avancé devant Ariel Sharon une proposition qui avait tout l’air...