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Actualités - OPINION

Tribune L’Espagne et la Méditerranée

Par SEM Miguel Angel Moratinos (ministre espagnol des Affaires étrangères et de la Coopération) Le sommet euro-méditerranéen de Barcelone, les 27 et 28 novembre, permettra que les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se réunissent avec leurs homologues du sud et de l’est de la Méditerranée, pour la première fois depuis la création des institutions européennes, il y a un demi-siècle. Cela fait déjà de ce rendez-vous un événement historique, étant donné que, jusqu’à présent, l’UE a organisé des sommets avec presque tous les grands pays ou les blocs régionaux à l’exception des pays du Sud les plus proches. Mais l’importance de cette rencontre tient en particulier à la volonté d’aborder les sujets qui inquiètent les citoyens espagnols ainsi que toute la région euro-méditerranéenne. Celle-ci, dans son versant méridional, est confrontée à des défis stratégiques qui, selon la manière de les aborder, peuvent devenir des problèmes ou des opportunités pour le futur. Le sommet de Barcelone, convoqué à l’occasion du 10e anniversaire du Processus de Barcelone, entend être beaucoup plus qu’une commémoration. Ce sera l’occasion de réfléchir sur les succès et les carences des dix premières années de ce processus, donnant lieu également à un engagement pour le futur. La Méditerranée présente aujourd’hui une situation contrastée. Nous parlerons de la menace commune du terrorisme, qui a frappé Londres, Casablanca, Madrid et Istanbul, mais aussi de la création d’un espace commun de prospérité, de progrès économique et d’éducation. Nous tenterons de trouver des formes de gestion conjointe, équilibrée et humaine des flux migratoires, et nous étudierons la manière de transformer en une opportunité la complémentarité démographique des deux rives de la Méditerranée. Nous croyons que nos partenaires du Sud doivent poursuivre les réformes économiques et politiques engagées dans leurs pays, mais nous pensons également que l’Union européenne doit aller au-delà des accords de 1995. À ceux qui sont disposés à continuer d’avancer sur la voie de la modernisation, il faut offrir un destin commun, les associer clairement au projet européen par le biais d’une nouvelle politique de voisinage complétant le Processus de Barcelone. L’Espagne a participé activement à la convocation et à l’organisation de cette rencontre, en collaboration avec la présidence britannique de l’UE. Nous l’avons fait par conviction et par nécessité, sachant que notre destin dépend aussi du développement du Maghreb et de la paix au Moyen-Orient. À seulement quelques jours de cette rencontre, nous pouvons nous montrer raisonnablement optimistes et affirmer qu’il existe un large accord sur la nécessité de ratifier la philosophie du partenariat méditerranéen. Les difficultés du moment et la complexité des problèmes auxquels nous sommes confrontés ont confirmé la nécessité d’un processus multilatéral, rassembleur, progressif comme celui qui est né en 1995, et permettant d’avancer pas à pas. Le temps est venu de passer du processus au projet. L’Espagne est engagée dans ce projet en raison de sa vocation méditerranéenne, qui s’est accompagnée, pendant les 25 dernières années, de notre condition de pays démocratique et de nation européenne. Les origines de ce qui est devenu le Processus de Barcelone remontent au « système complémentaire » que le ministre des Affaires étrangères d’alors, Fernando Moran, a formulé en 1980, afin de promouvoir la paix et la stabilité dans la région méditerranéenne. Notre entrée dans les Communautés européennes, en 1986, a permis l’intégration de l’Espagne au groupe des pays les plus actifs en matière de politique méditerranéenne. En 1989, à l’occasion d’un article publié dans un quotidien national, j’ai insisté sur la nécessité pour l’Europe d’avoir une véritable politique méditerranéenne, au-delà de la série d’accords commerciaux qui avaient été révisés après l’adhésion de l’Espagne et du Portugal. Dans cet article, intitulé « La Méditerranée : une mer oubliée », je défendais une perspective globale dessinant les grands principes mais également des actions et des projets efficaces pour le bassin méditerranéen. Ainsi prenait naissance une conceptualisation qui deviendrait par la suite le processus Euromed. La Conférence de Madrid de 1991, pour promouvoir la paix entre Israël et les pays arabes, ainsi que celle de Barcelone, furent les succès les plus retentissants d’une décennie riche d’initiatives. Cette politique fut une véritable politique d’État, impulsée par le gouvernement de Felipe Gonzalez et soutenue par la majorité des autres forces politiques. L’Espagne comprit rapidement que ses intérêts dans la région seraient mieux défendus dans le cadre d’une politique multilatérale, sans pour autant renoncer au développement de ses propres relations bilatérales. La Conférence euro-méditerranéenne de 1995 fut l’expression la plus claire de cette volonté de trouver un nouvel équilibre au sein de la vieille Europe. Il s’agissait d’éviter que le mur de Berlin, heureusement tombé, ne soit remplacé par un autre mur, que l’inégalité, les malentendus et les tensions en tout genre menaçaient de dresser entre nous et l’Afrique du Nord. Le Processus de Barcelone a vu le jour en profitant de circonstances favorables qui ont très vite disparu. Vinrent ensuite des temps plus difficiles, marqués par le blocage du processus de paix au Proche-Orient, les attentats terroristes du 11 septembre et un certain repli sur soi de l’Europe, qui consacra toute son énergie à la préparation de son élargissement. Néanmoins, en dépit d’un contexte défavorable, la présidence espagnole de l’UE en 2002 a été l’occasion d’activer le processus en différents domaines, entre autres, le dialogue des cultures. Le rôle de l’Espagne été décisif pour la création de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures lors de la conférence ministérielle qui a lieu à Valencia. Il est naturel que la Méditerranée constitue une des facettes de notre projection internationale, avec l’Europe et l’Amérique latine. Comme l’a rappelé Braudel dans sa magnifique étude du bassin méditerranéen à l’époque de Philippe II, la géographie propose mais ce sont ensuite les peuples qui disposent. Aucun autre pays européen ne perçoit d’aussi près les sentiments et les désirs de l’Afrique du Nord. Nous qui sommes situés à quatorze kilomètres de la côte marocaine, nous constatons quotidiennement que notre destin et celui des pays du sud de la Méditerranée sont unis. C’est la géographie qui nous l’a appris, mais aussi l’histoire, qui fut lourde de conflits, mais également riche de commerce, d’échanges culturels, de mouvements des hommes et des idées, ce qui a tissé avec le monde arabe des liens uniques en Europe. Le gouvernement de Jose Luis Rodriguez Zapatero est fermement engagé dans le renforcement et le développement de la politique méditerranéenne. Nous fêterons bientôt vingt ans de fructueuses relations diplomatiques avec Israël. Nous conduisons avec la Turquie l’un des projets politiques aujourd’hui les plus stimulants, l’Alliance des civilisations. L’Espagne mettra au service de la réactivation du Processus de Barcelone, lors du sommet de novembre, ces atouts reconnus par nos partenaires européens et par les États-Unis, avec, à l’horizon, un bassin méditerranéen en paix et prospère, capable d’apporter aux Européens la masse critique dont nous avons besoin pour affronter les défis de la globalisation.
Par SEM Miguel Angel Moratinos (ministre espagnol
des Affaires étrangères et de la Coopération)

Le sommet euro-méditerranéen de Barcelone, les 27 et 28 novembre, permettra que les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se réunissent avec leurs homologues du sud et de l’est de la Méditerranée, pour la première fois depuis la création des institutions...