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Actualités - REPORTAGE

ARCHÉOLOGIE - À la découverte de la Rome africaine avec Sami Karkabi La Libye grecque, romaine ou byzantine émerge des sables du désert

L’exposé qu’a donné Sami Karkabi au musée de l’AUB sur « La Libye, creuset de civilisations » laisse comprendre pourquoi le pays de l’or noir, dont 90 % du territoire est désertique, est devenu la destination nord-africaine la plus en vogue. La Libye, qui offre une superficie de 1 755 000 km2, a été occupée par les hommes depuis la Préhistoire et abrite les vestiges de nombreuses civilisations qui s’étaient succédé du VIIIe siècle avant J-C au VIe siècle après J-C. Illustrée par une projection de magnifiques photographies, la conférence a permis à l’auditoire de découvrir les cinq sites classés patrimoine mondial par l’Unesco. Ainsi le Fezzan, l’Akakus et le Tmissa sont des musées à ciel ouvert où s’expose l’art rupestre dit néolithique saharien. Ghadamès est l’« une des premières villes édifiées en territoire nomade ayant conservé une architecture vernaculaire unique dans le pays ». Lepcis Magna, où naquit Septime Sévère, est connue comme étant la grandiose « Rome africaine » et l’un des grands centres urbains du monde romain aux IIe et IIIe siècles. Sabratha regroupe d’importantes richesses archéologiques gréco-romaines et byzantines. Enfin Cyrène, fondée par les Grecs en 631 avant J-C, conserve le plus vieux temple romain de l’Afrique. Tout d’abord le Fezzan. Constitué de vastes plateaux désertiques, il comprend deux régions, l’Akakus et le Tmissa, riches en peintures et gravures néolithiques. « Si les sociétés habitant ces lieux apparaissent différentes, elles appartiennent à des souches communes tout en demeurant distinctes en tant que groupes socioculturels. L’une et l’autre accusent leur originalité dans des zones d’activités diverses liées aux mêmes biotopes », explique le conférencier. Il ajoute que ce désert était habité par des Garamantes, cités pour la première fois par Hérodote au Ve siècle avant J-C et entrés dans la légende en raison de la représentation graphique des « chars au galop volants ». Ce peuple, qui utilisait des chars tirés par des chevaux, a vécu au temps des Romains et a, peut-être, disparu au moment des invasions arabes. Le massif de l’Akakus, haut plateau montagneux, un des plus beaux paysages du Sahara, a été répertorié parmi les 788 sites classés par l’Unesco. Les abris sous roche sont les lieux dans lesquels les peintures rupestres sont les plus fréquentes. Déclinant le thème pastoral, elles ont conservé des couleurs éclatantes. Moins fragiles que les peintures dont beaucoup ont disparu au cours des siècles par érosion ou vandalisme, les gravures de Tmissa sont considérées « uniques au monde », par leur « profusion et la qualité de leur exécution ». Elles illustrent la grande faune africaine, les animaux domestiques et les chasseurs. Le lion et l’éléphant occupent une place de choix dans le bestiaire et bénéficient d’« un traitement graphique tout à fait original », souligne le conférencier, ajoutant que le crocodile (un adulte de 2m60 de long, accompagné de son petit) a été reproduit dans de nombreux sites et a figuré dans plusieurs revues spécialisées. Sami Karkabi indique également qu’il est difficile d’être précis sur la date de ces gravures, « le même lieu ayant été gravé plusieurs fois à des centaines d’années d’écart. Le “ pictage” pourrait remonter à 300 ans avant J-C ». Au sein de ce désert, situé à la frontière de l’Algérie et de la Tunisie, se dresse le Ksar de Ghadamès. « Exemple exceptionnel d’habitat traditionnel, le village fortifié est signalé pour la première fois en 19 après J-C par le Romain Cornélius Libyque ». Accolées les unes aux autres, les maisons en briques de terre séchée sont toutes construites sur deux étages selon un modèle identique : le rez-de-chaussée servant de réserve à provisions, l’étage familial surplombant des dédales de galeries couvertes, des ruelles encaissées qui permettent une circulation presque souterraine dans le village ; des terrasses à ciel ouvert réservées aux femmes. Les toits couronnés de pointes blanches ont valu à Ghadamès le surnom de « perle du désert ». « Son architecture monolithique, proche de celle de Siwa et de Maaloula », aurait pu disparaître si en 1986 l’Unesco n’avait classé le site sur la liste du patrimoine mondial. Réputé pour son commerce caravanier (échanges d’esclaves et de denrées alimentaires diverses), le Ksar était habité par une population berbérophone venue probablement du nord-est du désert Libyque, c’est-à-dire de la lointaine Égypte. Ghadamès, qui a été le théâtre d’une succession d’invasions (occupée par Carthage, conquise par les Romains puis par les Byzantins), conserve deux mosquées dont les colonnes et chapiteaux ont été récupérés de l’église byzantine. Sami Karkabi signale, pour conclure, que les greniers situés sur la route de Ghadamès, en plein cœur du désert, sont un petit trésor architectural. Djebel Nafussa, forteresse cylindrique regroupant sur sa façade de quatre étages 114 greniers, « impressionne par la régularité et la qualité de son édification ». Lepcis Magna Emporia Située à 130 km à l’est de Tripoli, Lepcis Magna Emporia est considérée comme la plus grande cité romaine en Afrique. Carthaginoise vers 500 avant J-C, affranchie par les Romains en 202 avant J-C, elle a été édifiée à l’image de Rome en 27 avant J-C. L’immense zone archéologique qui se déploie sur près de 400 hectares est dotée d’installations portuaires, de temples, d’un hippodrome, d’un théâtre (le plus ancien de l’Afrique romaine) et, pour le combat des gladiateurs, d’un gigantesque amphithéâtre (érigé vers 56 après J-C) pouvant contenir jusqu’à 16 000 spectateurs. Les photographies font défiler l’Arc de triomphe élevé à l’occasion de la visite de Septime Sévère, le gigantesque forum (100 m de long, 60 m de large et 12 m de hauteur), construit avec du marbre et « cypolène », les thermes d’Hadrien dont les larges portiques portent des bas-reliefs représentant des barques phéniciennes, le palais de justice, la grande place du marché ceinte de grands portiques. Et de partout jaillissent des colonnes, des chapiteaux et des arcades ornés de têtes de méduses et de divinités protectrices de la cité. La projection de photographies a montré également la villa Silin, dont le sol est couvert de mosaïques somptueuses. Appartenant à un notable romain du IIe siècle, elle a été mise à jour en 1974. Sabratha De plus petite taille, Sabratha est à l’origine « un comptoir carthaginois du Ve siècle avant J-C. Il ne demeure de cette époque que deux mausolées puniques du IIe siècle avant J-C. Les rues principales qui s’étirent parallèles au rivage et le temple de Sérapis datent de la période hellénistique. » Sabratha, qui connaîtra son essor sous l’impulsion des Flaviens puis des Anthonins, conserve d’intéressants vestiges de l’époque impériale romaine, notamment le quartier du forum, l’agora, la statue de Vénus les thermes de la mer, le temple d’Isis et surtout le théâtre, « chef-d’œuvre » de Sabratha. C’est « le plus grand d’Afrique (275 mètres de diamètre, 80 mètres de hauteur) et pouvait accueillir jusqu’à 5 000 spectateurs ». Datant de l’époque de Septime Sévère, son décor de scène a été restauré à l’époque de la colonisation italienne et fut inauguré en 1934 par Mussolini lors de la représentation d’Antigone de Sophocle. Datant de la période byzantine, le conférencier signale la basilique occidentale couverte au sol de mosaïques. Le site grandiose de Cyrène Cap ensuite sur Cyrène, « indiscutablement un des plus beaux sites de la Libye », selon Sami Karkabi. Fondée en 631 avant J-C, la cité grecque, située à 10 km de la mer, sera annexée à l’Empire romain en 74 avant J-C. La projection fait défiler le Ptolémaion, gymnase offert au IIe siècle avant J-C par le roi Ptolémée, l’agora, grande place publique, le tholos de Déméter et Coré, la source d’Apollon à l’origine de l’installation de Cyrène, le temple d’Apollon du VIe siècle avant J-C et le colossale sanctuaire de Zeus, édifié entre 500 et 480 avant J-C, qui est « le plus grand temple d’Afrique ». Escale enfin dans la capitale libyenne, Tripoli, plus précisément à l’église byzantine de Qasr Libya, où ont été découverts « des mosaïques appartenant au répertoire du symbolisme chrétien et à l’imagerie populaire du VIe siècle », signale Sami Karkabi. L’aménagement intérieur de cette forteresse byzantine puis musulmane est l’œuvre des Chevaliers de Malte et surtout des Ottomans qui en ont construit un immense palais, comportant de multiples cours, jardins, salons d’apparat, lieux de réunion et de réception, mais aussi moulins, fours, boutiques, prisons, fontaines et une mosquée. Le circuit entrepris par Sami Karkabi a donné un aperçu de toutes les facettes de ce magnifique désert situé entre le cœur de l’Afrique et l’Europe. Que l’on pensait hermétique et qui s’entrouvre aux visiteurs férus d’histoire et d’archéologie. « Sidon 5 000 ans », un film projeté au British Museum Sidon 5 000 ans est le sujet du film projeté au British Museum le 25 novembre 2005 et financé par la Lebanese British Friends of the National Museum. Il relate sept ans de découvertes archéologiques par l’équipe du British Museum à Sidon, en collaboration avec la Direction générale des antiquités (DGA) et dirigées par Claude Doumet- Serhal. Le film sera introduit par Neil MacGregor, directeur du British Museum, sous le patronage de Jihad Mortada, ambassadeur du Liban à Londres. La projection sera suivie d’une discussion faisant intervenir une audience composée de nombreux spécialistes britanniques de l’archéologie. Sidon, l’une des plus importantes cités cananéennes et phéniciennes, révèle pour la première fois son histoire et ses multiples contacts méditerranéens dès le troisième millénaire avant J-C. À rappeler la visite de M. MacGregor au Liban, il y a deux ans, et sa déclaration à la suite de sa tournée à Sidon, qualifiant les fouilles comme étant le plus important projet du British Museum au Moyen-Orient. May MAKAREM

L’exposé qu’a donné Sami Karkabi au musée de l’AUB sur « La Libye, creuset de civilisations » laisse comprendre pourquoi le pays de l’or noir, dont 90 % du territoire est désertique, est devenu la destination nord-africaine la plus en vogue. La Libye, qui offre une superficie de 1 755 000 km2, a été occupée par les hommes depuis la Préhistoire et abrite les vestiges de...