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Actualités - CHRONOLOGIE

Patrimoine Au nord de l’archipel nippon, la culture aborigène aïnou renaît grâce à l’écotourisme

À Shari, bourgade de pêcheurs plantée dans un décor d’icebergs, à l’extrême nord-est du Japon, les aborigènes Aïnous, jadis persécutés par l’État japonais, tentent de perpétuer leurs traditions grâce à l’écotourisme. Sur la péninsule de Shiretoko, en bord de la mer d’Okhotsk, Yoshiji Ishii, un guide aïnou, accompagne les touristes nippons, de plus en plus nombreux, sur les sites naturels de ce lieu, enregistré depuis juillet au patrimoine mondial de l’Unesco. L’écotourisme, cette façon de voyager respectueuse de l’environnement et des coutumes, connaît un succès grandissant au Japon, notamment à Shari, où le nombre de visiteurs a augmenté de 15,7 % depuis l’année dernière, sur les trois mois d’été. « Quand on pénètre une demeure divine, vous devez prier de cette façon », lance Ishii, 60 ans, en croisant ses bras tendus. Considérés comme les premiers habitants de l’île d’Hokkaido (nord du Japon), les Aïnous, peuple de chasseurs et de pêcheurs, sont de culture animiste : l’ours est l’entité la plus vénérée, les habits et le logement considérés comme des dons divins. L’aménagement des sites naturels où ils résidaient suscite la joie des écotouristes mais parfois leur désillusion. « Voici le chemin pour Auschwitz », observe avec sarcasme Ishii, en montrant des saumons, pris entre une petite digue et un torrent artificiel qui les conduit inéluctablement dans une réserve de pêche. « La vraie façon de pêcher des Aïnous est différente. On en attrape un minimum avec nos harpons, juste ce dont nous avons besoin pour manger. Le reste, c’est pour les dieux », explique le guide, qui se présente comme « un des derniers survivants du peuple aïnou ». Fonctionnaire dans le civil, il consacre ses week-ends à la défense de sa culture. L’implication des Aïnous dans ces visites touristiques avait d’ailleurs été recommandée auprès des Nations unies, lors de la procédure de classement de la péninsule de Shiretoko en patrimoine mondial. « Il est important d’étudier la culture aïnou (...) comme modèle pour préserver, gérer et parvenir à un usage raisonné de l’environnement naturel », soulignait le rapport d’évaluation de l’ONU. Ishii affirme ainsi que son peuple pratiquait la médecine naturelle et le recyclage bien avant leurs compatriotes. Alors que le Japon, où est né le protocole de Kyoto, souhaite se positionner en leader de la protection de l’environnement, des ONG japonaises ont également décidé de promouvoir la culture aïnou, comme un exemple de vie écologique. Mais ce soudain engouement pour ce peuple n’a pas toujours existé au Japon. Au XIXe siècle, l’État japonais, colonisateur des terres septentrionales, s’était attaché à réformer les Aïnous en interdisant leur langue. Ceux qui n’ont pas été assimilés sont, à l’instar des Indiens d’Amérique, cantonnés dans des réserves. Les autorités japonaises recensent actuellement, à Hokkaido, 24 000 Aïnous, parmi lesquels presque plus personne n’a conservé le mode de vie traditionnel. Les autres ont quitté l’île pour la mégalopole de Tokyo, où ils se sont fondus dans la population, la plupart en maquillant leur identité pour éviter les discriminations. Koji Yuki, 41 ans, est l’un d’eux. Il a grandi dans la banlieue tokyoïte en ignorant tout de sa culture d’origine. En 1998, il a effectué un retour aux sources lors d’un voyage dans le grand Nord nippon. « J’ai pris conscience du potentiel illimité de la culture aïnou, y compris dans le mode de vie et les arts », témoigne Yuki, devenu guide et sculpteur sur bois. « Je n’attends pas d’excuses de la part des Japonais, car la génération actuelle n’est pas responsable des méfaits commis par leurs ancêtres », souligne le guide. Mais il ajoute : « Je veux qu’ils connaissent notre histoire, et je veux partager ma culture avec eux, ce qui sera une vraie partie de plaisir. »
À Shari, bourgade de pêcheurs plantée dans un décor d’icebergs, à l’extrême nord-est du Japon, les aborigènes Aïnous, jadis persécutés par l’État japonais, tentent de perpétuer leurs traditions grâce à l’écotourisme.
Sur la péninsule de Shiretoko, en bord de la mer d’Okhotsk, Yoshiji Ishii, un guide aïnou, accompagne les touristes nippons, de plus en plus nombreux, sur...