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Actualités - CHRONOLOGIE

RENCONTRE - L’artiste donne une conférence ce soir, à 18 heures, à la LAU Marya Kazoun, ange ou démon?

Elle est noire. Luisante. Tentaculaire. Monumentale. Elle est sertie de touffes de cheveux hirsutes. C’est un monstre ? C’est une œuvre d’art, selon Marya Kazoun. L’artiste vivant à New York signe un ouvrage où elle se raconte et décrit ses œuvres. Afin de documenter son travail. De lui permettre de survivre à l’éphémère. Mais aussi pour familiariser les gens à sa démarche. Publié à l’occasion de la participation de Marya Kazoun à la Biennale de Venise 2005, cet ouvrage, intitulé Personal Living Space, est disponible en français, anglais ou italien à la librairie du Virgin. C’est également dans ce megastore du centre-ville qu’elle expose une sculpture de 5,5m de long et 3,5m de large, faite de tissu noir brillant rembourré. C’est une créature qui se développe dans toutes les directions, de façon envahissante et peu maîtrisée, un peu comme les racines folles d’un arbre millénaire. C’est noir de noir, visqueux, organique. À ce stade-là, l’on se dit que l’art contemporain peut prendre des formes bien bizarres. Kazoun va même plus loin dans la provocation. D’un air crâne, elle affirme qu’il s’agit là de son autoportrait. Devant ce défi, l’interlocuteur tente de garder un visage de joueur de poker. Pour en savoir plus, l’on scrute de plus près cette frimousse angélique, ces yeux de chat qui se plissent quand elle évoque ses œuvres, ses « bébés ». Même en ayant recours à notre imagination la plus folle, l’on ne trouve aucune ressemblance avec les monstres à tentacules. « Oui, poursuit Marya. C’est un mélange de racines et d’insectes. C’est visqueux, c’est organique. Mais en même temps, c’est doux comme un doudou. » Impossible de décrire concrètement l’art de Kazoun. Dans ses installations, elle utilise différents matériaux. Ossements de poule, tiges de bambou, pelotes de laine, tissu satiné, perles et strass… Qu’elle passe de longues nuits à coudre, à assembler, à fignoler. Le matin la trouve les doigts ensanglantés, le dos courbaturé, les yeux rougis de fatigue et de manque de sommeil. Kazoun s’implique dans son travail corps et âme. C’est d’ailleurs pour cette raison organique qu’elle se met en scène dans ses installations. Souvent, elle se confectionne un vêtement en accord avec le décor artistique, des robes couture-sculpture qui l’intègrent à son œuvre et la complètent. « Ses créations dérangent ou fascinent comme un regard que l’on porte sur l’interdit », note Arwa Safieddine, curatrice de l’exposition de Kazoun à la Biennale de Venise. La critique italienne Martina Cavallarin explique bien que « les visions des installations de Marya Kazoun représentent la partie cachée de nous-mêmes, nos peurs latentes, ataviques, masquées mais jamais oubliées, seulement refoulées pour ne pas souffrir et ne pas mourir ». Certaines personnes auraient tendance à qualifier son travail de « masturbation intellectuelle ». Elle en est parfaitement consciente, mais elle n’en a cure. Il est vrai que son œuvre dense est sujette à mille interprétations. Il est vrai qu’au premier (et même au deuxième et au troisième) abord, ses installations glacent le sang. Quel esprit tordu produirait une sculpture aussi torturée, tortueuse ? Pourquoi allez chercher midi à quatorze heures ? Pourquoi tenir le fardeau d’Atlas ? La réponse se situe peut-être dans les propos de Cavallarin qui dit encore : « Il n’y a dans les œuvres de cet artiste à inspiration forte aucun sens de cynisme mais, au contraire, un acte d’amour envers la vie et l’ homme. On n’accuse pas si on n’aime pas, on n’intervient pas si on ne souffre pas. » Dans cet ouvrage magnifiquement illustré, l’artiste entame sa propre psychanalyse. Elle tente d’analyser le pourquoi du comment de ses créations spontanées. De connaître les raisons qui la mènent à utiliser tel matériau à tel endroit. D’aller à la source de son inspiration. Elle qui a commencé par créer des bijoux pour finir avec des créatures poilues, accroupies, errantes comme des âmes en peine. Elle retourne à son enfance. À la petite fille de huit ans qui a assisté, paralysée par la peur, aux bombardements opérés par les avions israéliens s’acharnant sur Beyrouth. Elle se souvient de ses poupées, très moches, mal attifées. Auxquelles elle enlevait la tête… Qu’est-ce qui se cache derrière le faciès angélique de Marya Kazoun ? Réponse dans ce livre, et également ce soir, à 18 heures, à la LAU, où elle donne une conférence sur son art. Maya GHANDOUR HERT
Elle est noire. Luisante. Tentaculaire. Monumentale. Elle est sertie de touffes de cheveux hirsutes. C’est un monstre ? C’est une œuvre d’art, selon Marya Kazoun.
L’artiste vivant à New York signe un ouvrage où elle se raconte et décrit ses œuvres. Afin de documenter son travail. De lui permettre de survivre à l’éphémère. Mais aussi pour familiariser les gens à sa...