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Actualités - CHRONOLOGIE

CONFÉRENCE - La tolérance zéro, la formation des enseignants et la motivation des élèves, des mesures préventives efficaces, selon la spécialiste Nadia Desbiens La violence scolaire, un phénomène mondial préoccupant

« La violence en milieu scolaire n’est pas un phénomène nouveau. Elle a toujours été présente dans les écoles. » Autrement dit, dans les écoles à travers le monde, aussi bien au Canada qu’au Liban. C’est à l’issue d’un séminaire de formation d’éducateurs et d’enseignants à l’Institut libanais d’éducateurs, rattaché à la faculté des sciences de l’éducation de l’USJ, que la spécialiste canadienne en éducation, Nadia Desbiens, « chercheure » et « professeure » agrégée à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal au Québec, a donné une conférence sur la prévention de la violence en milieu scolaire. Une conférence qui a eu lieu à l’amphithéâtre Aboukhater à l’USJ, sous le patronage et en présence de l’ambassadeur du Canada, Louis de Lorimier, et qui a mis l’accent sur les conséquences de la violence en milieu scolaire et sur l’importance de la prévention efficace à l’école même, comme le prône également l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La violence scolaire est un sujet tabou au Liban. Mais il était tout aussi tabou au Canada, il y a une dizaine d’années, estime Nadia Desbiens, qui a mené une enquête sur la violence dans les écoles publiques québécoises sur plus de 60 000 élèves des cycles primaire et complémentaire en partenariat avec une équipe de chercheurs, notamment le chercheur principal Michel Janosz. Au terme de son enquête, la « chercheure » a constaté que « la violence a toujours été présente dans les écoles », qu’ « elle se manifeste au quotidien sous des formes plus ou moins manifestes et qu’elle affecte, de manière pernicieuse, les jeunes et les adultes fréquentant l’école ». Elle a cependant souligné que ce n’est qu’au cours des 20 dernières années que cette violence est devenue un sujet de réflexion et de recherche. Les victimes en souffrance La violence scolaire peut ainsi se manifester sous forme de violences verbales et physiques, d’indiscipline, d’incivilités, d’intimidation, de dénigrement ou de dégradation de biens matériels. À l’école, elle s’exprime toujours dans un contexte relationnel entre les élèves eux-mêmes, de la part des élèves envers les enseignants et parfois même, de la part des enseignants eux-mêmes envers les élèves ou à l’égard d’autres enseignants. Lorsqu’elle se manifeste sur un enfant de manière répétée, elle a de multiples conséquences sur son développement. « Outre la souffrance ressentie par la jeune victime, celle-ci en vient à considérer l’école comme un lieu fondamentalement hostile, au mieux, un milieu de vie extrêmement désagréable et démotivant », souligne Nadia Desbiens. Par ailleurs, la violence physique ou verbale manifestée par certains élèves à l’égard des enseignants serait l’une des causes d’épuisement professionnel. Ainsi, indique la spécialiste à partir de l’enquête qu’elle a conduite, « près de 40 % des enseignants du complémentaire rapportent avoir été victimes, au moins une fois pendant l’année scolaire, d’insultes, 28 % rapportent avoir été victimes de menaces et 5 % d’agression physique ». De façon surprenante, les résultats obtenus avec les enseignants du primaire sont d’une ampleur comparable, observe Nadia Desbiens : « 34 % des enseignants rapportent avoir reçu des insultes, 20 % d’entre eux des menaces, tandis que 15 % rapportent avoir été victimes d’agression physique ». Une analyse plus fine des données montre que cette agression est souvent une réaction manifestée « par des élèves en début de scolarisation n’ayant pas encore atteint un niveau d’autocontrôle comportemental et émotionnel ». Mais il est également important de constater que ce taux de violence est d’autant plus rapporté que l’enseignant est jeune et inexpérimenté. De manière générale, la plupart des enseignants sont souvent mal préparés à faire face au phénomène de la violence, à la résistance et à l’opposition des élèves. Ils sont aussi mal préparés à la mise en place des pratiques de prévention et à l’évaluation de leurs actions. Responsabilité et prévention De leur côté, les agresseurs se retrouvent prisonniers de leur propre image et sont souvent isolés, rejetés par les autres élèves. Cette marginalisation augmente leurs difficultés scolaires, sociales et comportementales et accroît les risques d’abus d’alcool et de drogue, d’association aux gangs et donc de criminalité. Les recherches de Mme Desbiens ont également permis de constater que les conduites violentes, comme la plupart des autres conduites humaines, n’apparaissent pas spontanément du jour au lendemain, mais qu’elles sont « la conséquence de conditions de vie difficiles et de vulnérabilités personnelles ». Elles résultent aussi d’un contexte social qu’il est nécessaire de comprendre. La violence est donc un phénomène qui, sans être alarmant, est bel et bien présent à l’école, « même si les événements tragiques sont des phénomènes rares ». Ce sont, en fait, les types mineurs de violence, tels que les insultes, les menaces verbales et les médisances qui demeurent le type de violence le plus répandu. Il est néanmoins nécessaire d’agir avant que ce phénomène ne prenne plus d’ampleur. Car si l’agressivité est un trait normal de caractère chez tout individu, la violence en elle-même comme moyen d’expression est « suffisamment préoccupante pour que l’école investisse dans son éradication », observe Nadia Desbiens. L’école, lieu d’éducation et de socialisation, est ainsi appelée à agir, à jouer un rôle préventif, à limiter les situations à risque et à s’acheminer vers une politique cohérente et efficace d’actions concertées, d’autant plus qu’elle contribue de façon significative à l’exacerbation ou à la réduction des problèmes entre ses murs. La solution passe, dans un premier temps, par une « meilleure compréhension des différentes formes que prend la violence, de ses causes multiples et de ses trajectoires variées ». Un plan d’action efficace nécessite la mise en œuvre d’un ensemble d’interventions dans lesquelles l’école a un rôle significatif à jouer, en partenariat avec une multitude d’acteurs sociaux et avec la communauté éducative. Aussi est-il utile, note la spécialiste, de lutter contre l’échec, voire même le décrochage scolaire, tout en combattant par la même occasion l’indiscipline, l’absentéisme, les conflits entre élèves et enseignants, mais aussi les conflits ethniques. De même, il est bénéfique d’apporter le soutien nécessaire aux élèves à besoins spécifiques, notamment par le biais de la motivation. Il ne faut pas hésiter, par la même occasion, à mettre l’emphase sur les efforts des élèves présentant des troubles du comportement ou sur leurs compétences. Il est également indispensable de renforcer la formation initiale et continue des enseignants et de soutenir le développement professionnel, tout en instaurant un climat éducatif de justice, en dépit de la disparité des comportements. « Ne pas se montrer tolérant à l’égard de la violence, si minime soit-elle », est indispensable dans la prévention de la violence scolaire, indique Nadia Desbiens. Il reste à espérer que l’expérience canadienne puisse entraîner une prise de conscience non seulement des établissements scolaires du Liban, mais également des parents qui utilisent encore trop souvent la violence comme moyen d’éducation. Anne-Marie EL-HAGE

« La violence en milieu scolaire n’est pas un phénomène nouveau. Elle a toujours été présente dans les écoles. » Autrement dit, dans les écoles à travers le monde, aussi bien au Canada qu’au Liban. C’est à l’issue d’un séminaire de formation d’éducateurs et d’enseignants à l’Institut libanais d’éducateurs, rattaché à la faculté des sciences de l’éducation...