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Actualités - CHRONOLOGIE

Prix littéraires - Jean-Philippe Toussaint et Turc Orhan Pamuk (Médicis) ; Régis Jauffret et Joyce Carol Oates (Femina) La diversité et l’écriture personnelle récompensées

En automne, les prix littéraires tombent comme les feuilles. Après le Nobel, le Goncourt et le Renaudot, ce sont les prix Femina et Médicis qui ont été décernés hier à Paris. Les jurys ont choisi la diversité, en récompensant des livres à l’écriture très personnelle : le Femina est allé à « Asiles de fous » (Gallimard) de Régis Jauffret, et le Médicis à « Fuir » (éd. de Minuit) de Jean-Philippe Toussaint. Les prix Femina et Médicis étrangers ont été respectivement attribués à deux grands auteurs « nobélisables » : l’Américaine Joyce Carol Oates pour « Les chutes » (éd. Philippe Rey) et le Turc Orhan Pamuk pour « Neige » (Gallimard). Si le Femina a été créé en 1904 pour « lutter contre la misogynie de l’académie Goncourt », le Médicis se veut depuis 1958 « porte-parole du renouveau en littérature ». Aujourd’hui, mardi, sera remis le dernier des grands prix d’automne, l’Interallié, où Houellebecq, déjà finaliste malheureux du Goncourt, est toujours en lice. – L’écrivain belge Jean-Philippe Toussaint a reçu hier le prix Médicis du roman français pour Fuir, un livre qui ressemble à un rêve et où les hasards jouent un grand rôle. L’écrivain a situé l’action de son roman (éd. de Minuit) à Shanghai, Pékin et sur l’île d’Elbe. Jean-Philippe Toussaint y a adopté une écriture claire et concrète pour développer une histoire mystérieuse, en s’évertuant à brouiller les pistes dès qu’on se risque à la résumer. Comme l’a écrit le critique et écrivain François Nourissier, c’est « un récit énigmatique », où « l’on flotte un peu », ce qui n’est pas forcément un reproche. « On comprend tout, tout n’est pas à comprendre », a écrit le quotidien Libération à propos de ce livre de Toussaint, par ailleurs cinéaste et photographe. – Le romancier Turc Orhan Pamuk a également obtenu le prix Médicis pour Neige au titre du roman étranger. Neige (Gallimard) d’Orhan Pamuk, 53 ans, cible des nationalistes turcs pour sa défense des causes arméniennes et kurdes, est un roman à suspense mais aussi un livre politique qui est un plaidoyer pour la laïcité, une réflexion sur l’identité de la société turque et sur la nature du fanatisme religieux. Cette fiction, parue en Turquie en 2002, raconte l’histoire d’un jeune poète journaliste turc, Kerim, quittant son exil allemand pour enquêter à Kars, une petite ville d’Anatolie, sur « plusieurs cas de suicide de jeunes femmes portant le foulard ». Cité pour le Nobel, Orhan Pamuk, dont l’œuvre est traduite en une vingtaine de langues, a été inculpé par une cour d’Istanbul pour « insulte délibérée à l’identité turque » dans des propos tenus dans un magazine suisse sur le massacre des Arméniens en 1915. Son procès doit débuter le 16 décembre. Il risque de six mois à trois ans de prison, selon son éditeur turc Iletisim. Il est menacé d’un nouveau procès pour avoir nui à l’image de l’armée dans un entretien en octobre au journal allemand Die Welt. Né en 1952 dans une famille bourgeoise et francophile d’Istanbul, Orhan Pamuk, fervent défenseur de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, a reçu de nombreux prix étrangers, dont le prestigieux Prix de la paix des libraires allemands en octobre 2005. – Le jury Médicis a également attribué son prix dans la catégorie « essai » à Marie Despleschin et Lydie Violet (Seuil) pour La vie sauve, un livre-témoignage sur la vie de Lydie Violet, une femme frappée par un cancer du cerveau à l’âge de 40 ans. Avec l’aide de l’écrivain Marie Desplechin, cette mère de deux enfants évoque les souffrances et les doutes, les questions inéluctables sur la mort, mais aussi sur la vie qui continue, l’intensité que revêt désormais chaque instant, chaque victoire, chaque bonheur. Ce livre ne se veut « ni un entretien, ni un récit à deux voix, ni un témoignage » mais bien « un livre où le “je” qui s’exprime est celui d’un seul auteur ». « Le prix des femmes » – Le prix Femina 2005 a été attribué à Régis Jauffret pour Asiles de fous (Gallimard). L’auteur s’est déclaré « ravi » d’avoir remporté « un prix donné par des femmes », car il pense que son œuvre est « d’une certaine façon dédiée aux femmes », a estimé l’auteur de Clémence Picot et Fragments de la vie des gens. Dans Asiles de fous, Régis Jauffret dresse le portrait cruel et parfois cocasse d’une famille autour du prétexte d’une rupture amoureuse : « Toutes les familles sont des asiles de fous », dit-il. « J’espère que ce qui a pu séduire le jury Femina, c’est la littérature, parce que la littérature, ce n’est pas de la sociologie. Je n’ai pas écrit un roman sur la famille, je n’ai pas écrit un roman sur la rupture, j’ai écrit un roman », a-t-il insisté. Interrogé sur ses lectures, l’écrivain a confié lire actuellement « à la fois Alexis de Tocqueville, Karl Marx et le dernier Bret Easton Ellis ». Né à Marseille en 1955, Régis Jauffret est déjà l’auteur de douze romans, dont Autobiographie et Univers, univers, qui a obtenu en 2003 le prix Décembre. Régis Jauffret raconte, avec humour noir et en alignant souvent les fausses banalités, des vies pathétiques. Il met en scène des personnages peu reluisants qui, semble suggérer l’écrivain, ne sont pas forcément très éloignés de nous-mêmes. Toute l’œuvre de Régis Jauffret raconte ainsi des histoires d’antihéros aux prises avec des situations bizarres, des obsessions cocasses, célébrant l’union du réalisme et d’une plus ou moins douce folie. « C’est le maître des délires domestiques », a dit un critique. – Le Femina du roman étranger est allé à l’Américaine Joyce Carol Oates pour Les chutes (éd. Philippe Rey). Carol Oates, grande dame de la littérature américaine, est un auteur prolifique dont l’œuvre compte près d’une cinquantaine de livres (romans, nouvelles, poésies, théâtre). Les chutes, un livre de quelque 500 pages, raconte une histoire d’amour sur fond de catastrophe écologique. Ce livre revient sur « un très vilain épisode du passé de l’Amérique », souligne l’éditeur : les ravages infligés à toute une région par l’expansion industrielle gigantesque des années 50 et 60, expansion nourrie « par la cupidité et la corruption des pouvoirs en place ». Professeur de littérature, Oates écrit, au rythme d’un ouvrage par an, des livres souvent volumineux. Ses écrits, parfois qualifiés de « gothique baroque », sont traduits dans le monde entier. Joyce Carol Oates met souvent en scène des personnages choisis en fonction de leur apparente banalité – paysans, avocats, universitaires, prêtres – qui deviennent les acteurs de ce « réalisme psychologique » qu’elle cherche à définir. Titulaire de nombreux prix, elle a reçu notamment le National Book Award 1970 pour Eux où elle explore la fascination des jeunes Américains pour la violence. Interrogée à Paris sur ses relations avec son pays, elle a affirmé « être critique de la culture américaine » sans pour autant « se sentir isolée dans la littérature américaine ». « Ce qui intéresse peut-être les Français dans mon œuvre, c’est le réalisme social de mes livres », a-t-elle suggéré. – Quant à Thérèse Delpech, son œuvre, qui a obtenu le prix Femina de l’essai, intitulée L’ensauvagement, sous-titrée : « Retour sur la barbarie au XXIe siècle », traite du rôle de la France dans l’aggravation ou le règlement des grands conflits du moment. Cette agrégée de philosophie, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) et membre de l’Institut international d’études stratégiques de Londres, réfléchit sur l’aggravation ou le règlement des grands conflits existants ou à venir. Le Goncourt des lycéens 2005 récompense Sylvie Germain pour « Magnus » Le jeune jury du 18e prix Goncourt des lycéens a récompensé hier à Rennes l’écrivain Sylvie Germain, pour son roman Magnus (Albin Michel), dont ils ont souligné « la poésie », saluant « le thème traité », celui de la quête d’identité. « Ce livre a su nous émouvoir et nous surprendre. Il parle de l’enfance décousue avec une certaine poésie », a expliqué Simon Neyhoser, 16 ans, porte-parole du jury. Le roman de 276 pages retrace l’étrange destin d’un jeune garçon à la recherche de ses origines après avoir été élevé par un médecin nazi. Au sein du juré des lycéens, il a obtenu 7 voix sur 13, devant L’attentat de Yasmina Khadra et Falaise d’Olivier Adam. Si le choix du lauréat a été « douloureux », les lycéens se sont accordés sur un point : « Le rejet à l’unanimité du livre de Michel Houellebecq », La possibilité d’une île, qui a déplu « par son thème et par les personnages ». Sylvie Germain a déjà obtenu le prix Femina en 1989 pour Jours de Colère. Au total, près de 2 000 élèves d’une cinquantaine de lycées de toute la France ou de l’étranger ont lu pendant deux mois 12 des 14 romans sélectionnés pour le Goncourt traditionnel, qui a été attribué, rappelons-le, à François Weyergans pour Trois jours chez ma mère (Grasset).

En automne, les prix littéraires tombent comme les feuilles. Après le Nobel, le Goncourt et le Renaudot, ce sont les prix Femina et Médicis qui ont été décernés hier à Paris. Les jurys ont choisi la diversité, en récompensant des livres à l’écriture très personnelle : le Femina est allé à
« Asiles de fous » (Gallimard) de Régis Jauffret, et le Médicis à « Fuir » (éd....