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Actualités

« Farewell party »

Rien qu’à observer l’évolution du contexte politique international et régional, les Libanais, connus pour être « politisés jusqu’au bout », comprendront les messages clairs du Hezbollah envoyés à l’Est et à l’Ouest à l’occasion de la « Journée al-Qods » célébrée il y a quelques jours. Cet étalage de force, autant militaire que populaire, n’est certainement pas fortuit. Et pour les observateurs avisés, cette célébration avait plutôt l’air d’une « farewell party » que d’un événement célébré périodiquement. Cependant, il serait utile de commenter la pertinence des messages hezbollahis et de leur impact sur l’avenir politique de ce parti après le règlement du problème des armes. Car dans un pays pluraliste, l’avenir politique de tout parti est lié intrinsèquement à ses positions de principe, qui touchent non seulement ceux qu’il représente, mais aussi les autres Libanais. Le parti de Dieu justifie son insistance à garder ses armes par l’existence du danger imminent israélien. Supposons que ce danger soit perçu par tous les Libanais de la même manière (ce qui n’est pas tout à fait vrai), est-ce que le fait de permettre à des groupements politiques d’avoir des armes (y compris quelque 12 000 missiles) constitue la solution face à ce danger ? Dans ce cas, pourquoi ne pas permettre à d’autres groupes qui s’inquiètent du danger palestinien ou syrien de faire pareil ? Objectivement parlant, la Syrie, grièvement touchée par l’Oncle Sam, ne cache pas sa frustration face à certains Libanais, considérés comme les chevaux de Troie par lesquels on lui a ôté l’une de ses cartes de pression les plus importantes. Au vu de l’histoire de la Syrie, cette animosité ne pourrait être considérée que comme un vrai danger. De quel œil le Hezbollah verrait-il un Courant du future, devenu milice, détenir des missiles ou organiser des parades militaires à Tarik el-Jedideh par exemple ? D’autre part, les groupes armés palestiniens ne sont-ils pas perçus comme un danger par au moins une partie des Libanais ? Ces derniers, en obéissant à la même logique, peuvent-ils s’organiser en milice tout en criant haut et fort que « les armes ne seront pas utilisés à l’intérieur » comme le font les milices palestiniennes prosyriennes ? Suffit-il de s’engager publiquement ? Qui assure que ces engagements seront respectés lorsque l’heure des échéances sonnera ? Qui assure la pérennité des commandements de ces milices palestiniennes ? Ou même la pérennité de leurs choix politiques stratégiques ? A-t-on oublié les multiples revirements palestiniens durant les trente dernières années ? Quant aux armes « légères » présentes dans les camps, sayyed Hassan Nasrallah affirme qu’elles servent à protéger « les Palestiniens, leur honneur, leurs femmes… ». Ainsi soit-il, Mais de qui ? Le seul parti qui dispose d’armes au Liban est le Hezbollah et ce n’est sûrement pas ce parti qui va les attaquer. Si ce dernier détient des informations sur d’autres groupes armés qui comptent s’en prendre à des civils palestiniens, « comme à Sabra et Chatila », qu’il les dénonce. Aucune force politique au Liban n’accepterait des attaques contre les civils palestiniens. En parlant de souveraineté, sayyed Hassan Nasrallah s’est montré irrité des ingérences onusiennes. Étrange, cette irritation venue du leader d’un parti qui s’est longtemps accommodé des ingérences syriennes (souvent flagrantes), sachant en plus que le parti n’est pas totalement étranger aux Gardiens de la Révolution en Iran. Les déclarations menaçantes de Anouar Raja et Ahmed Jibril n’ont-elles pas irrité le Hezbollah ? N’est-ce pas là une entorse à la souveraineté libanaise ? M. Raja qui déclarait que « nous ne sommes pas allés à l’armée, mais c’est l’armée qui est venue chez nous » ? Ou bien que « nous ne permettrons pas à l’armée d’envahir nos positions » ? Détient-il des actes de propriété pour ces positions ? Font-elles désormais partie des territoires palestiniens ? Qui est chez qui ? De quel droit M. Raja voudrait-il « négocier » avec l’armée la libération de six soldats « qui se sont infiltrés jusqu’à notre position » ? L’armée libanaise a-t-elle besoin d’un permis de Raja ou de Jibril pour perquisitionner dans des positions miliciennes ? Le statut de réfugiés , applicable aux Palestiniens résidant au Liban, impose aux autorités libanaises et à la société civile libanaise une attitude complètement différente en ce qui concerne les droits économiques et sociaux, tels que stipulés par les engagements internationaux du Liban. Mais elle impose également aux Palestiniens, notamment leurs leaders politiques, une conduite respectueuse du pays hôte. Nous n’en finirons pas d’énumérer les aberrations auxquelles nous avons eu droit depuis quelques semaines, après avoir cru que le retrait syrien avait mis fin aux déclarations tonitruantes des prosyriens. Il semble malheureusement que nous avons droit à une nouvelle génération de beaux parleurs typiquement kandiliens (par allusion à Nasser Kandil…). Si les Libanais ne se mettent pas d’accord sur la nécessité de bâtir un État sur la base des principes universels des droits de l’homme, c’est qu’ils auront perdu trente ans, fait le sacrifice de centaines de milliers de martyrs et de dizaines de milliers de disparus, pour rien. Un État de droit, condition sine qua non à la réforme politique et économique à laquelle aspire tant le Hezbollah, ne saurait coexister avec une multitude de milices, non libanaises de surcroît. La protection des civils palestiniens relève exclusivement des autorités libanaises et ne peut pas être confiée en sous-traitance à des groupuscules armés. Le respect des résolutions internationales et l’application par le Liban des conventions internationales doivent être la base de la pratique politique. Et si le droit international nous impose de suivre une certaine procédure onusienne pour prouver la libanité des fermes de Chebaa, alors faisons-le. Autrement, il est normal que nous nous attirions les foudres de la communauté internationale. Et ce n’est pas par pragmatisme politique que l’on doit faire cela, mais pour se montrer respectueux de la légalité internationale, pour être conséquents avec nous-mêmes, dans une perspective d’éthique politique. Un nouveau Liban ne peut être bâti qu’en l’absence de toutes sortes de milices ou de groupes armés. La défense du Liban face à tout danger fait partie des responsabilités de l’État. Et rien ne prouve qu’un État de droit, ayant totalement souscrit à la légalité internationale, ne peut s’acquitter de cette tâche. Dr Élie ABOUAOUN Chargé de cours à l’Université Saint-Joseph

Rien qu’à observer l’évolution du contexte politique international et régional, les Libanais, connus pour être « politisés jusqu’au bout », comprendront les messages clairs du Hezbollah envoyés à l’Est et à l’Ouest à l’occasion de la « Journée al-Qods » célébrée il y a quelques jours.
Cet étalage de force, autant militaire que populaire, n’est certainement pas...