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Actualités - OPINION

Tribulations d’un ambassadeur cinéphile

Oui, je l’avoue, j’aime le cinéma. Tout au long de ma carrière, je me suis efforcé de trouver le temps pour assouvir cette passion. J’aime Bergman et Fellini ; Renoir et Kurosawa ; Wilder, Scorsese et Hitchcock. J’ai longtemps poursuivi un rêve qui, aujourd’hui, me paraît encore inaccessible : celui de pouvoir assister à un film en toute tranquillité, dans une salle remplie de spectateurs attentifs et, surtout, silencieux. J’ai ainsi connu frustrations et déboires cinématographiques à Buenos Aires comme à Miami, à Madrid comme à Istanbul… Comme tant de fans de cinéma, j’ai trop souvent vécu l’angoisse de suivre un film entouré d’un public… bien décidé à m’empêcher de le voir ! Cette faune se nourrit de ceux qui, toujours à voix haute, se croient obligés de raconter les péripéties du film à leur voisin : « Regarde, il l’embrasse ! » s’écrient-ils lorsqu’un baiser passionné envahit l’écran, lançant peu après : « Il va la tuer ! » lorsque l’assassin présumé s’avance vers sa victime… Il y a aussi ceux qui, s’imaginant être chez eux, vous infligent à longueur de film des propos souvent palpitants mais toujours tonitruants, sur les menus détails de leur vie quotidienne. Cette même faune s’enrichit d’adolescents boulimiques, que leur sadisme bon enfant pousse à sortir et rentrer sans cesse de la salle, porteurs de friandises et de pop-corn qu’ils croqueront bruyamment jusqu’à la fin de la séance. À Beyrouth, ville où la multiplicité des films proposés est étonnante, il m’a été donné de découvrir une catégorie additionnelle de spectateurs : celle des aficionados des téléphones portables, qui résistent héroïquement à la tentation de les éteindre. Soit qu’ils choisissent de vous éblouir en illuminant les écrans de leurs cellulaires, soit qu’ils fassent concurrence aux dialogues du film par leurs conversations assourdissantes, ils font désormais partie du paysage cinématographique local. Je sais dorénavant ce qui me reste à faire. Adieu Francis Ford Coppola. Adieu Louis Malle. Adieu Woody Allen. Adieu Roman Polanski. Je renonce à vous retrouver dans ces salles obscures où devraient régner mystère et silence. Désormais, dans mes moments libres, j’entends me réfugier mélancoliquement chez moi, dans l’univers étriqué mais ô combien apaisant des films en format DVD… José Pedro Pico Ambassadeur d’Argentine

Oui, je l’avoue, j’aime le cinéma. Tout au long de ma carrière, je me suis efforcé de trouver le temps pour assouvir cette passion.
J’aime Bergman et Fellini ; Renoir et Kurosawa ; Wilder, Scorsese et Hitchcock.
J’ai longtemps poursuivi un rêve qui, aujourd’hui, me paraît encore inaccessible : celui de pouvoir assister à un film en toute tranquillité, dans une salle remplie...