Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE L’équation à une inconnue : le désarmement du Hezbollah

Il ne reste plus que Pyongyang, maintenant que Téhéran vient d’offrir son cadeau, bourré d’arsenic, à Damas, encore plus son « amie » depuis le 31 octobre 2005 et l’adoption à l’unanimité du dernier (mais pas ultime) volet d’une trilogie guillotine : la 1636. Cette fraternisation de la marge et dans la marge ; cette alliance, pas encore révolution, des (auto)exclus, pour désespérée et désespérante qu’elle soit, a quelque chose de saisissant dans ce jusqu’au-boutisme affiché comme une marque de fabrique. Mais excepté cette suicidaire gemellité, ce mariage pour le pire reste sacrément déséquilibré : si l’un, l’Iran, armé de ses champs pétroliers, son laser nucléaire et sa masse démographique, peut garantir, jusqu’à une certaine limite, les moyens de son autarcie ; l’autre, la Syrie, piégée jusqu’aux yeux par toutes les mutilations infligées à son ex-vache à lait préférée, risque très vite d’atteindre un point de non-retour, aller se fracasser et se perdre contre un mur de sang. Celui de Rafic Hariri. Il n’en reste pas moins, au-delà de ces considérations purement conjugales, que cette déclaration publique d’amour, assénée hier aux oreilles du monde par le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, pose une question essentielle : celle du binôme chiito-alaouite. À quelle vitesse peut encore pédaler ce tandem qui s’est avéré bien autre chose que purement conjoncturel, simplement stratégique ? Jusqu’à quand ? Pour quoi ? Et, surtout, pour qui ? La seule certitude, c’est l’omniprésence, au cœur de cette sinistre communauté de destins syro-iranienne, d’une entité tierce, devenue, au fil des ans, à la fois ciment et raison d’être du rester-ensemble, mais aussi, par sa libanisation progressive et définitive, véritable corps étranger au sein du couple : le Hezbollah. À tel point que d’aucuns se demandent très légitimement si ces deux parents terribles ne se supportent que par et pour ce bébé devenu largement majeur et vacciné, sans le soutien (ou l’allégeance) duquel Damas perdrait carrément tout et Téhéran beaucoup plus qu’il ne pourrait supporter. Bras armé au cœur du Proche-Orient, à quelques mètres à peine d’Israël, le Hezbollah concrétise à lui tout seul l’aboutissement du rêve in progress de croissant chiite surpuissant de l’Iran – un rêve que George W. Bush et sa débâcle irakienne ont fortement contribué à rendre moins virtuel. Quant à la Syrie, au Golan tellement calme et féérique que le Club Med pourrait en faire sa destination fétiche pour de nouveaux horizons, elle se retrouverait nue jusqu’à l’os, n’était-ce le parti du désormais très ambigu Hassan Nasrallah, seul à même, soit dit en passant, de garantir la totale obéissance des groupuscules palestiniens avec lesquels Damas s’amuse toujours à terroriser le Liban. Sauf que cette Syrie post-1636 a à peine plus d’un mois pour non seulement répondre à la moindre des demandes d’un certain Detlev Mehlis, mais aussi pour cesser de tout faire pour déstabiliser ce Liban qu’elle voit s’éloigner chaque jour de plus en plus. Cesser donc de transférer avec la régularité d’un métronome des armes par le biais de sa frontière passoire avec le Liban, des armes aux gang bands palestiniens, certes, mais pas seulement. Parce que, finalement, comment l’Iran peut-il continuer à armer le Hezbollah sans passer par la Syrie ? Le désarmement du parti de Dieu, pour terriblement utile à la stabilité et à l’intégrité du tissu libanais et aussi garant soit-il du retour à un parfait équilibre interne entre toutes les factions libanaises, n’en serait pas moins cette terrible réalité dont pâtiraient à la fois la Syrie et l’Iran. Certes. Mais à l’heure où la première se retrouve face à une détermination et une unanimité internationales rarement atteintes, à l’heure où le second se retrouve quasiment obligé de rappeler à Paris, Londres et Berlin, avec énormément d’insistance, la « nécessité de négocier » sur le dossier du nucléaire, le désarmement du Hezbollah – ou du moins le lancement du dialogue libano-libanais sur ce désarmement – pourrait s’avérer, quelque part, salutaire pour eux deux. La sémillante Elisabeth Dibble commencera dès ce matin à tâter le terrain, surtout sur la question des armes. Elle va poser ses questions à quelques ministres, Azour, Salloukh, Rizk, mais aussi, et surtout, au Premier d’entre eux, Fouad Siniora, qui lui donnera certainement les réponses que la communauté internationale, dont son pays fait naturellement partie, attend. Sauf qu’il lui répondra, du moins aujourd’hui, à titre éminemment personnel. Et qu’il lui sera impossible de lui donner une date, celle à laquelle démarrera le dialogue interne sur le désarmement. Cette carence de l’État, cette incapacité du gouvernement à trouver le moyen d’appliquer la légalité internationale peuvent facilement, et sans qu’il n’y ait matière à ergoter, être prises pour de la nonchalance. Un état d’esprit particulièrement malvenu, surtout que n’a toujours pas été fixée, non plus, la date de cette conférence d’aide internationale au Liban censée se tenir à Beyrouth avant la fin de l’année. Aussi indulgente que pourrait être la communauté internationale, et quelle que soit l’intensité de la conviction des uns et des autres que quoi qu’il arrive, le Liban aura ses chèques, quelque chose est en train d’advenir : la règle du donnant-donnant. Ziyad MAKHOUL
Il ne reste plus que Pyongyang, maintenant que Téhéran vient d’offrir son cadeau, bourré d’arsenic, à Damas, encore plus son « amie » depuis le 31 octobre 2005 et l’adoption à l’unanimité du dernier (mais pas ultime) volet d’une trilogie guillotine : la 1636. Cette fraternisation de la marge et dans la marge ; cette alliance, pas encore révolution, des (auto)exclus, pour...