Rechercher
Rechercher

Actualités

CONCERT - Alain Pâris dirige l’Orchestre symphonique libanais en l’Église Saint-Joseph (USJ) Grâce de la harpe et couleurs françaises

Éclairage fort et chaleur étouffante à l’Église Saint-Joseph (USJ) remplie à craquer jusqu’aux derniers rangs. Devant l’autel, l’Orchestre symphonique national libanais sous la houlette d’Alain Pâris. C’est la troisième fois consécutive que le maestro français dirige l’ensemble musical national libanais. Au menu, à prédominance de couleurs françaises, et en invitée d’honneur, la harpiste Sandrine Chatron. Soirée placée sous le signe du rayonnement de la culture française en collaboration avec la Mission culturelle de l’ambassade de France au Liban. Pour les nombreux mélomanes qui se pressaient à la rue Huvelin, des pages de Schubert, Boieldieu, Debussy et Ravel. Ouverture en tons romantiques avec la Symphonie n° 8 en si mineur dite L’inachevée de Frantz Schubert. Majestueux et tourmentés, les deux mouvements (allegro moderato et andante con moto) de l’œuvre sont d’une éclatante beauté. Murmure des cordes en premières mesures pour se répandre par la suite en longues coulées torrentielles charriant les angoisses, les espoirs et les désespoirs d’un compositeur qui savait à l’époque qu’il était atteint de la syphilis, mal encore incurable au siècle dernier… Narration somptueuse comme un fleuve menaçant aux grondements sourds et parfois déroutants. Présence des violoncelles et des contrebasses vite rejoints par des clarinettes et des hautbois tempérant l’orage des sentiments bouillonnants par une expression à la fois douce et sereine. Bouillonnement d’une expression profondément romantique avec des éclats déchirants, indomptés et incandescents. Comme un rêve d’une cotonneuse tendresse, émerge brusquement la phrase de Boieldieu dans le Concerto pour harpe et orchestre. Derrière le rideau des cordes, Sandrine Chatron, la jeune harpiste française avec des cheveux relevés en chignon et arborant une moulante robe longue noire satinée fendue aux genoux. Grâce de la harpe et de ses sortilèges comme l’appel des sirènes. L’œuvre de Boieldieu tout en délicatesse et en raffinement ouvre des horizons lumineux à l’auditoire avec ses chromatismes qui ont la fraîcheur des premières ondées automnales… Des notes d’une transparence givrée qui semblent venues d’ailleurs. Changement de monde sonore avec l’Après-midi d’un faune de Debussy, le plus inspiré des mélodistes français. Dramatique et explorant avec finesse les remous de l’univers intérieur des êtres, cet opus, célèbre a plus d’un titre, est placé sous le signe conjugué de la danse grâce au mythique personnage de Nijinsky et à la poésie tout en diaprure symboliste de Stéphane Mallarmé. Porte ouverte à tous les fantasmes et fantaisies avec Debussy pour un langage qui tord le cou aux expressions usées et qui se tourne résolument vers des timbres, des effets, des rythmes, des harmonies aux limites sans frontières. Comme une toile de Monet, Degas ou Renoir, la musique de Debussy appartient à des couleurs impressionnistes subtilement mélangées… Pour conclure, La valse de Ravel. Là aussi, influence de la danse grâce au flamboyant Serge Diaghilev qui pensait faire ses entrechats sur les notes du compositeur du Boléro… Bien sûr, séduit par la partition, qu’il qualifie d’ailleurs de «chef-d’œuvre», Diaghilev la trouve peu adéquate au monde complexe du ballet. Ravel n’en démord pas pour autant, et sa valse traverse le temps avec ses mesures singulières et ses accents tonitruants mêlant rêve et plaisir de confondre la réalité. Voilà ce que Ravel précise à propos de cette partition aux éclats extraordinaires: «Des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir, par éclaircies, des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu: on distingue une immense sale peuplée d’une foule tournoyante. En même temps que le mouvement se dessine, il faut imaginer que la lumière grandit jusqu’à une étincelante illumination.» Et d’ajouter cette précision: «Une cour impériale vers 1855»… Beau tableau pour cerner cette œuvre justement insaisissable dans ses motifs habilement enchâssés, enchaînés, orchestrés. Un art raffiné et suprême qui place l’auditeur en constante sollicitation sans jamais combler le désir… Ovation debout dès que les dernières mesures, finissant en apothéose, se sont heurtées contre les vitraux illuminés des nefs et de la coupole de l’église encore bourdonnante des myriades de notes lâchées dans la lumière du soir. Grandes gerbes de fleurs et salut souriant du maestro Alain Pâris qui a conduit l’Orchestre symphonique national libanais vers un nouveau dépassement, une cime inégalée de performance au-dessus de tout éloge. Edgar DAVIDIAN
Éclairage fort et chaleur étouffante à l’Église Saint-Joseph (USJ) remplie à craquer jusqu’aux derniers rangs. Devant l’autel, l’Orchestre symphonique national libanais sous la houlette d’Alain Pâris. C’est la troisième fois consécutive que le maestro français dirige l’ensemble musical national libanais. Au menu, à prédominance de couleurs françaises, et en invitée...