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RENTRÉE MUSICALE Omniprésente, la musique ne cesse de résonner sous le firmament de Beyrouth

Comment se fait-il qu’aux moments les plus orageux et les plus tourmentés de notre histoire, et aujourd’hui plus que jamais, la musique n’a jamais cessé de résonner sous le firmament de Beyrouth? Ineffable musique (pour reprendre le titre célèbre d’un livre de Jankélévitch) aux pouvoirs infinis, déclinant une large palette allant de la thérapie à l’incantation, en passant par le charme, le silence en soi, les sortilèges, les exaltations et les états d’âme les plus insaisissables. Magnifiant la joie, accompagnant et apaisant la douleur, scandant la révolution, soutenant les tempêtes, suggérant les rêveries, effleurant les caresses, coupant les amarres de la réalité, ramenant vers des rives enchanteresses, ensoleillées ou infernales, la musique est, tel un scarabée d’or, sublime et mythique, fondant mystérieusement à tous les paysages… Authentique pouvoir de la musique que celui de tout dire et traduire en un langage universel. Et qui, plus cosmopolite que Beyrouth, pouvait lui être autant fidèle et à l’écoute? De festivals en concerts, de performance individuelle en prestation de groupe, d’artistes appartenant au pays du cèdre aux monstres sacrés de l’étranger, la musique à Beyrouth, grande ou petite variété, classique, jazz ou courants modernes métissés, occidentale ou orientale, et contre toute attente, vu le délabrement général, a toujours été reine. Fréquence d’une régularité surprenante et des salles assidûment courtisées par un public averti (de plus en plus nombreux) qui ne lâche pas facilement prise, voilà l’état des lieux des sept notes qui font le tour de notre capitale en toute liberté, en mettant le dam aux situations les plus renversantes… D’abord on doit beaucoup à Walid Gholmieh qui, par le biais de l’Orchestre symphonique national libanais, a instauré la tradition de la musique classique en mettant, gratuitement, l’écoute en public de l’interprétation des meilleures partitions, classiques et modernes, à la portée de tous. Sans oublier d’évoquer les soirées de musique de chambre (encore grâce à sa diligence) où solistes et instrumentistes de tous bords font miroiter les inépuisables ressources et beautés des partitions, allant du baroque au moderne, en passant par les classiques et les romantiques. Salles toujours combles pour des séances gratuites avec une musique de qualité! Et connaissez-vous les délires d’enthousiasme des soirées de l’Orchestre oriental qui officie toujours sous sa houlette, en amphithéâtre bondé et auditoire ivre, des mélodies populaires gainées dans leur nouvel atout orechestral levantin? Sans compter les chefs d’orchestre étrangers, et non des moindres, qui ont eu le plaisir de prêter leur baguette, avec félicitations, aux performances de cet orchestre national. Par ailleurs, les centres culturels, locaux et étrangers (ces derniers surtout, sans jamais céder ce qu’il y a de mieux dans leur pays respectif, se contentent souvent de ternes ou sages artistes itinérants), sont très actifs en ce sens et pas une semaine ne passe où pianistes, violonistes, oudistes et autres solistes ne font les délices des mélomanes chevronnés qui honorent toutes les salles de la capitale, de l’Assembly Hall (AUB) à l’église Saint-Joseph (USJ), en passant par l’Unesco et l’amphithéâtre Aboukhater (USJ), pour ne citer que les scènes les plus réputées. Malgré vents et marées, les festivals, tous les festivals, ont fait acte de présence et répondu à l’appel de la vie. Certains en mettant un bémol à leur menu avec une sauce relativement réchauffée et d’autres ont enclenché un débrayage vers le mieux. Déception du côté des prestigieux festivals de Baalbeck et de Beitdeddine qui tenaient dans le temps la barre bien plus haut, et un plus pour Byblos qui a offert des spectacles originaux et dynamiques, sauf la sinistre soirée arménienne avec un programme tarabiscoté et des notes gondolées mises un peu au compte de la moite fraîcheur des soirs d’été en bord de mer... Quant au Bustan, égal à lui-même et à son cercle d’amis dévoués, pris dans l’œil du cyclone dans les derniers événements en chaîne, a offert, imperturbable, aux amateurs de musique (abstraction faite des autres spectacles), un choix intéressant d’activités et de performances de tous bords soigneusement sélectionnées. Cet hiver, le menu semble encore plus alléchant que jamais avec la musique de Mozart sur la neige à Faraya… Le rêve d’un moment que l’on doit sans nul doute à l’imagination et au sens de la créativité et d’une impeccable organisation de Myrna Boustani. Dans ce tintamarre et charivari de la vie moderne, et surtout le chaos du quotidien libanais, la musique, point commun à tous les langages, exerce un pouvoir indéniable; celui de parler aux vivants de tout ce qui les attire ici-bas et ailleurs. Et les Libanais, par-delà leur ciel plombé et chargé de désarroi, se sont chaleureusement tournés vers ces lumineux et réconfortants horizons ouverts… Phil Collins et Moustaki Pour la rentrée, l’Orchestre symphonique national libanais, qui a ouvert la saison avec la Symphonie fantastique (un monument du répertoire romantique) d’Hector Berlioz, prévoit pour 2005/2006 plus d’une vingtaine de concerts sous les houlettes de différents maestros allant de l’infatigable Walid Gholmieh à Czepiel, en passant par Harout Fazlian et Khayrallah. Sans oublier les «guest stars» comme Alain Pâris, Vladimir Syrenko, la pianiste Nina Drath, la soprano Rima Makdessi, la harpiste Sandrine Chatron (qui présentera ce 28 octobre des œuvres de Schubert, Boieldieu, Debussy et Ravel) et bien d’autres invités dont on annoncera les noms ultérieurement. Pour cette année aussi, outre un projet de concert en dehors du pays du cèdre, le programme de l’Orchestre symphonique national libanais comprend l’exécution des œuvres pour compositeurs libanais. Béchara el-Khoury sera un des premiers à être sous les feux de l’actualité pour une nouvelle approche de (re)connaissance avec les mélomanes libanais. Par ailleurs, «masters class» et «workshops» sont également prévus par le Conservatoire national supérieur de musique avec pas moins de 30 concerts entre musique de chambre et soirées de la section orientale. Les «centres» culturels de Masrah al-Madina et Shams sont tout aussi actifs du côté de la musique, mais avec des productions plutôt orientales. Pour le mois de ramadan, Masrah al-Madina a offert du «tarab» à profusion avec les nombreuses soirées de Mouiin Chérif, Sarah el-Hani, Omar Béchir, Foulla al-Jazaiiria, Nabiha al-Kerouali, Khaled al-Abdallah, Maha el-Rim, Ziad Sahab et Charbel Rouhana. Sans oublier les soirées jazz teintées de blues, grand favori des jeunes. Pour la section variété, novembre sera célébré avec deux grosses pointures du showbiz, à savoir Phil Collins (au Biel) et Georges Moustaki, qui racontera sa vie en poèmes et chansons à l’Unesco. L’Institut culturel italien, quant à lui, à l’occasion de la 5e semaine de la langue italienne dans le monde, déclinera un florilège d’œuvres un peu métissées où l’on croisera Cardilli, Corelli, Tartini, aussi bien que Beethoven et Paganini pour un duo violon-piano. Chansons méditerranéennes (de Napoli à Donizetti avec la soprano Soumaya Deeb au Bustan, accompagnée au piano par Andrew Robinson, au oud par André Hajj et à la mandoline et au bouzouki par Petros Andreou). Le 22 novembre, fidèle à sa tradition au Grand Sérail, on applaudira, sous l’égide de l’Institut culturel italien, la performance de Galo Italiano. L’institut Goethe et le Kulturzentrum, meilleurs représentants de la culture germanique, offrent déjà presque régulièrement de la musique (surtout classique) de bon aloi. Le Kulturzentrum présentera, le 27 octobre, le pianiste Albert Sassmann dans des pages de Mozart, Wittgenstein, Brahms, Liszt, Schubert et Richard Strauss. La musique sacrée Le Bustan présente Misa Criola et Navidad Nuestra avec Los Calchakis et le Chœur polyphonique de Paris les 27, 28, 29 décembre, comme un avant-goût de la période des fêtes. Le Festival al-Bustan (Beit-Méry) ouvre ses portes du 22 février jusqu’au 26 mars 2006. Mozart sera présenté sur tous les tons. Et avec Myrna Boustani aux commandes, on est déjà sûr que le génie de Salzbourg sera brillamment «couvert» jusqu’aux retranchements de ses plus inaudibles trilles… Ouverture donc avec les solistes de l’Orchestre de chambre de Vienne. À noter par la suite la présence de la Philharmonique de Saint-Pétersbourg, le chœur de l’Orchestre de chambre de Prague et les violonistes de renoms tels Barnabas Kelemen, Serguei Khatchryan, Kyril Troussov. Côté opéra, il y aura bruits et fureurs dans les coulisses de l’auditorium Émile Boustani avec Cosi fan tutte et L’enlèvement au sérail… Les fervents adeptes de la musique sacrée seront comblés. De la Messe de couronnement à la Missa Prévis, en passant par le célébrissime et bouleversant Requiem, tout Mozart conversant avec Dieu est là! Originales et certainement très attendues sont aussi les prestations des arias de Mozart chantées en arabe, dans la langue de Gibran. En soirées de clôture, l’Orchestre symphonique national libanais, sous la direction de Marco Parisotto, offrira aux amateurs de concertos les admirables partitions où piano (Alexandra Troussova) et violon (Kyril Troussov) dialoguent avec les archets, les cuivres, les percussions et les instruments à vents… Zad Moultaka, qui a actuellement le vent en poupe, au pays natal comme à l’étranger, sera une fois de plus sous les feux de la rampe, au bonheur des vrais mélomanes. À titre de rappel, on évoque ses belles créations cet été à Baalbeck, notamment Nepsis, et la France n’arrête pas de solliciter son talent. Récemment, sa présence à l’Abbaye de Royaumont dans des colloques et des concerts consacrés au «maquam» a été très remarquée et sa performance chaleureusement saluée. Saluée par le public et la presse, d’où un élogieux article dans Le Monde sous le titre: «Le maquam, un son qui unit les peuples du Pamir à l’Andalousie.» Triomphe aussi récemment à l’IMA, à Paris, où il a donné à entendre Zarani. On le retrouvera au Festival al-Bustan, non pas en tant que compositeur mais en qualité de concertiste virtuose, car il interprétera au clavier, pour l’occasion, du Mozart et du Haydn. Edgar DAVIDIAN
Comment se fait-il qu’aux moments les plus orageux et les plus tourmentés de notre histoire, et aujourd’hui plus que jamais, la musique n’a jamais cessé de résonner sous le firmament de Beyrouth? Ineffable musique (pour reprendre le titre célèbre d’un livre de Jankélévitch) aux pouvoirs infinis, déclinant une large palette allant de la thérapie à l’incantation, en passant par...